Le fait que chaque matin, mon téléphone portable sonne pour me rappeler à mes obligations laborieuses, le fait que je ne sois pas un prolétaire m’oblige à me lever comme les autres, comme tout le monde, à heure fixe, pas une minute de plus, pas une minute de moins. Le fait d’adhérer ou pas à l’heure de Greenwich m’incite à envier ceux qui à l’autre bout du monde vont se coucher ou ont déjà bien entamé leur journée de labeur. Le fait que je m’accorde quelques minutes avant de me jeter corps et âme dans le vaste jeu économique qui m’attend. Le fait que j’en profite pour scroller rapidement les infos matinales, redondantes, mécaniques ou réchauffées. Rien de neuf dans ce vaste monde. Le fait qu’une notification soudaine de mon application SNCF me fait écourter ma langueur matinale et sauter du lit. Le fait qu’une grêve inopinée des agents de conduite de la SNCF a annulé mon train quotidien et les autres qui suivent. Le fait que je ne suis pas en télétravail m’oblige à trouver un plan B pour me rendre au bureau sans trop perdre de temps. Je lance la cafetière pour une livraison rapide et chaude d’une dose à volonté de caféine bien tonique pour bien démarrer cette journée qui vient de prendre un départ sur les chapeaux de roue. Je file sous la douche. Savonnage rapide et aller-retour de la douchette à la température pré-rêglée. Je me raserai demain. Quelques brins de barbe parsèment mon visage. Pas trop voyant et ça donnera l’air cool. C’est déjà ça de gagné. Douche et habillage en cinq minutes chrono. On laisse tout en vrac dans la salle de bain. On rangera plus tard. Le fait que le café a commencé à couler dans la cafetière me fait gagner quelques secondes pour enfiler ma veste et mes chaussures. Je bois le café debout. Tant pis j’aurai plus de temps demain pour l’apprécier. Le fait que je sorte ma voiture au lieu de mon vélo me fait perdre les quelques instants gagnés dans la salle de bain. Par chance la voiture démarre sans trop rechigner. J’accélère sans lui laisser le temps de bien laisser réchauffer son moteur. Mais je n’ai pas le choix. Le fait que mes voisins et autres connaissances ferroviaires ont aussi sorti leur voiture pour gagner une pitance parfois un piteuse au regard du temps passé à se rendre sur leur lieux de labeur: Le fait que le périphérique est saturé par ceux qui n’ont pas d’autre choix que de prendre leur voiture un jour de grève. Pare-choc contre pare-choc, interfile monopolisée par les motards er scooters empêchant les changements de voie et autres débordements, sirènes hurlante de voiture de police cherchant à s’extirper de la nasse, et qui nous force à nous écarter comme la mer devant Moise. On force les entrées du périphérique par le fait que l’on a la priorité. Priorité ou pas on passe quand même. On avance cahin-caha. On écoute la radio, les infos répétitives, on cherche les stations musicales pour nous aider à nous évader ou nous relaxer. France Musique ou NRJ c’est selon l’humeur. Le fait qu’il faille prévenir un collègue ou son patron de son arrivée tardive probable. Le fait qu’il va falloir modifier le planning du jour, annuler des rendez-vous, les reporter, se faire excuser pour une absence à une réunion prévue en début de matinée. Le fait qu’il va falloir travailler plus longtemps pour rattraper le temps perdu, un temps improductif. Le fait qu’il s’agit d’un jour de grêve de cheminots vaut bien un sacrifice.
Le fait que tu sois une personne connue de tous, magnanime, incite à certaines exagérations. Tu laisses faire ces enfantillages car empêcher et réprimander ne font pas partie de tes valeurs. Le fait que tu es une mère aimante même si la vie ne t’a pas ménagée, tu as su être résiliente malgré la perte de quatre enfants. La plupart sont morts en bas âge, excepté un seul qui a eu le temps de profiter de la vie. Par le fait de ton caractère optimiste, tu as voulu avoir un cinquième enfant. Celui là vit encore même si parfois il ne va pas très fort. Le fait est qu’il est souvent chahuté, vilipendé mais il conserve encore l’amour de ses prochains. Les temps sont durs pour toi et pour lui mais vous tenez bon malgré les excès auxquels vous êtes parfois confrontés. Le fait que tu sois très désirable te donne accès à des lieux privilégiés, tu as tes entrées partout. Tu ne parles pas, mais on le fait à ta place. On agit en ton nom sans jamais prendre ton avis ou solliciter un accord. Le fait que l’on se mette à ton service ne fait pas de toi une privilégiée.Ton lignage est ancien, même si il n’est pas noble, te confère une apparence altière. On te reproche ta froideur. Je dirais que tu es pudique. Ton profil est hiératique, certains diront hautain, moi je dirais que tu as de la classe. Le fait que que l’on puisse te voir partout, tu parais inconsistante aux yeux de certains, même si tu es bonne mère au regard de tous. Le fait qu’on parle de toi tout le temps, sans vraiment que l’on sache vraiment te décrire, t’as rendue célèbre à l’étranger. Le fait que l’on te cite en exemple partout, n’a pas ôté ta modestie. Marianne, en ton nom, on se permet tout, car tu l’as voulu. Le fait que des cheminots fassent une grève un jour où tant d’entre nous, sommes obligés, non sans difficulté, d’aller travailler, n’enlève en rien de ta probité. C’est ainsi Marianne…On doit t’accepter comme tu es. Tu es libre et tu nous invite à l’être. C’est ce qu’on appelle vivre en république grâce à toi.