Quand la présence d’une lumière sous la lisière des troncs d’arbres, quand un oiseau commença à pépier par intermittence, quand notre attention accrochée à sa reprise, quand d’autres chants répondirent, quand la rumeur de l’autoroute commença à reprendre, quand l’aboiement des chiens flairant notre présence, quand les notifications vibrèrent sur nos téléphones, nos paupières se descillèrent. En chrysalide dans nos sacs sarcophages dans un bruit de plis et de synthétique froissé, nous aperçûmes la lune pleine, ronde en vigie de nos peurs. Un air inoffensif de carton pâte. Nous serrant en chien de fusil, remontant le zip au plus haut pour résister à la fraîcheur des rosées, encore lourds de l’oubli, nous nous ramassâmes soucieux de ne pas reprendre possession de notre individualité, rampant sur la partie plate de l’herbe. La somnolence nous envahit à nouveau, c’était ainsi à chaque fois que nous nous endormions à terre soumis à sa gravité. Tu te retournas pour nous dire : « notez le cercle, son centre, son sommet en en haut duquel nous allons tomber. La chute est un phénomène normal. » Puis nous plongeâmes un à un dans la ronde. Passe passera, la dernière, la dernière, passe passera. La colline bruissait poussée au dehors d’elle même par des vagues de contraction, elle grinçait, crissait, se soulevait, se débarrassait.Lorsque nous arrivâmes au deuxième palier, la terre se mit à la verticale, ce fut le grand essorage; nous glissâmes en toboggan, pots, planches, bambous, grillages, les semis se répandirent à terre. Les vitres des serres se brisèrent en étoile, libérant le lierre retenu, les vignes encagées,la grande débandade, parpaings, taules gouttières, chaises en plastique. Puis, nous nous envolâmes, les bras planant, gonflés par le vent qui s’était levé, retombant en escarbille de ci de là comme des pétales de fleurs de cerisier. Nous décidâmes, pour ne pas se perdre, que dès que l’un de nous touchait terre, nous l’accrocherions. Il fallut s’encorder, mousquetons et crampons, mordre la terre qui semblait nous repousser. L’ascension se transformait en via ferrata. Tu te retournas encore « notez encore tohu- bohu, tohu-bohu » et plus tu psalmodiais plus la colline glissait derrière nous et s’écoulait comme l’eau dans les hublots quand le bateau tangue. Nous croisions des personnes aux regards sans pupille, allant à contre sens, nous vîmes nos morts sans pouvoir leur parler, pressés qu’ils étaient par la foule. Il fallait pourtant les prévenir que leurs maisons n’étaient plus là, que les rues avaient changé de nom. Mais déjà la terre avait reprit ses secousses, des avis fusèrent : respirez en chien, accrochez vous aux arbres, mains sur oreilles et d’autres se mirent à creuser des trous dans la terre, aux tranchées ! qu’ils disaient, à la boue !