Recto :
à ce stade de la nuit, je l’entends, elle arrive. Le vrombissement ténu se rapproche. Je rabats le tissu sur ma tête. Le vol se poursuit, mon odeur l’attire, elle cherche un accès. Je suis entièrement couverte du voile le plus fin disponible dans mes armoires : le drap des jours de canicule. L’alerte est finie, elle est repartie. Je me souviens d’une lecture, la femelle cherche le sang, le battement de ses ailes à 700 hertz est insupportable pour mes oreilles, mais si envoûtant pour les mâles. J’ai chaud. Trop chaud, je ménage un espace entre le drap et l’oreiller pour respirer. Progressivement, j’élargis ce passage. Je sens la transpiration prête à dégouliner sur ma peau. Je repousse le drap pour découvrir mon nez, puis mes épaules. Je dégage aussi mes jambes nues, m’installe plus confortablement sur mon oreiller. Le sommeil revient, je vais m’endormir.
à ce stade de la nuit, elle revient. Cette fois je tente de l’aplatir d’une tape de la main. Le ballet commence, elle s’éloigne, elle revient. J’agite mon bras. Je la rate, me cache sous le drap. J’étouffe, repousse le drap. Mes gifles partent dans le vide. Elle n’est jamais loin. Tenace. Mes profonds soupirs ne l’impressionnent pas. Je m’épuise. Tant pis, j’enclenche le vieux ventilateur. Son ronronnement bruyant m’empêche de me rendormir. Je l’éteins.
à ce stade de la nuit, je l’entends, elle arrive.
Verso :
Une soirée d’été, après une longue journée au bureau. Travailler pendant que d’autres sont en congés, au soleil ? Ici aussi, il est là, trop présent. Les locaux ne sont pas climatisés, les salles côté ouest sont très recherchées. Ce labeur mérite une récompense : ce soir nous irons au cinéma. Diner d’une salade rapidement faite : une tomate en tranche, des morceaux de féta, quelques feuilles de salade et de basilic. Une tranche de melon et direction le Jean Eustache dans le centre de Pessac. Tourner une première fois autour de la place de la cinquième République récemment pavée de neuf, sur un coup de chance trouver une place dans la rue des poilus. Trainer mon compagnon par la main sur les derniers cent mètres pour arriver quelques minutes avant le début de la séance de vingt et une heure trente. In the mood for love est projeté dans la petite salle, elle est climatisée comme tout le cinéma. Le film s’ouvre sur un déménagement, l’image est resserrée au plus proche de l’espace du couloir encombré par les quelques affaires des deux couples de locataires emménageant le même jour dans les deux chambres louées par la propriétaire. Les échanges sont polis, les voix basses presque chuchotées. Rien de gênant, la séance est en VO, les sous-titres permettent de suivre. L’action est lente, quelques échanges entre les deux personnages principaux. Maggie Cheung porte une robe différente dans chaque plan, toutes sont coupées à partir d’un patron identique. Des soies brodées, des cotonnades fleuries, elle est sublime. Tony Leung fume cigarette sur cigarette. Le troisième personnage de ce film, c’est la touffeur de Hong-Kong, pendant les années soixante, l’été. Je ressens son poids, je pourrais presque transpirer. La lente déambulation des acteurs, leurs croisements chorégraphiés accompagnés de la voix de Nat King Cole. Je suis captivée. Les personnages sont souvent occupés à manger. J’ai faim, des nouilles sautées ou une soupe phô seraient bienvenues. La séance se termine, nous sortons rapidement de la salle car nous étions peu nombreux. En rejoignant la voiture, je suis enthousiaste, je propose à mon compagnon de revenir le voir dès le lendemain. Il n’a qu’un seul commentaire « c’était trop long ». Le film dure une heure trente huit. J’irai seule.
voir « yeux dans les yeux » de Michèle C. pour une autre rencontre avec moustique. je partage l’enthousiasme pour ce film et la déception du non-partage de l’enthousiasme!
Merci Catherine pour ta lecture et ton commentaire. Je ne me lasse toujours pas de ce film.