#rectoverso #03 | Camille Laurens, Quelques-Uns

RECTO

Il y a une boulangerie qui fait aussi salon de thé.
Il y a dans cette boulangerie une personne qui observe et s’imprègne, qui aime et qui écritu.
Il y a dans la ville un lieu souriant, parce que le sourire de la boulangère le remplit.
Il y a ce lieu qui fait de la ville un village.
Il y a en Dordogne, France, Terre (latitude/longitude = 45.065606.1.161774) une boulangerie-salon de thé.
Il y a en un lieu précis de l’univers une boulangerie-salon de thé.
Il y a dans cette boulangerie-salon de thé une infinité d’univers.
Il y a des vies qui se racontent (beaucoup à la boulangère).
Il y a chez l’observateur-participant l’envie d’embrasser ce lieu dans tout son être (architectural, géographique, atmosphérique, ethnographique, ethnologique, philosophico-poétique) : goûter le lieu social total, plus important que le décrire.
Dans ce lieu social total, parmi les millions de mondes évoqués en paroles et qui flottent dans l’air, il y a François Bon et ses ateliers d’écriture. Aujourd’hui, aussi, les formes ectoplasmiques de Camille laurens et Guillaume Apollinaire.
Il y a toutes les vérités ultimes de l’être, du non-être et de l’intersection des deux, qui se lisent ici (comme ailleurs, mais je préfère les lire ici)
Il y a le mystère (qui est le joli nom que je donne à mon ignorance) grâce auquel rien n’est jamais élucidé, et il faut encore et encore que je revienne ici pour tenter d’élucider quelque chose sinon tout.#

VERSO

Un « Oui » parfait serait à la fois un élan et un arrêt, donc une impossibilité logique.
Un élan puisque, plus qu’accepter ce qui vient, on l’invite par cet acte de dire : « Oui ».
Mais « Oui » est un arrêt puisque pour dire « Oui » tout court, « oui » à la vie, « oui » à tout ce qui vient, il faut un arrêt de tout désir, dans la mesure où tout désir est orienté. On désire toujours quelque chose, et donc on dit « Non » aux autres choses. Le seul moyen de faire cesser ce « Non », c’est de cesser de désirer, être pure réceptivité. Mais alors, quid de l’élan, mis à part celui, à la rigueur, de l’ouverture initiale des vannes au tout venant ?
L’élan est sélectif, l’élan dit « Non » à ceci et « Oui » à cela. L’arrêt permet l’ouverture à tout mais un « Oui »sans dynamique d’accueil n’est-il pas un oxymore ? La réponse est dans la question.
« Oui » est donc ou bien partiel et alors il peut être élan » (« Oui » à ceci et « Non » à cela), ou bien total, c’est à dire dans la cessation de toute visée désirante, mais alors il perd son sens même puisqu’on ne peut dire « Oui » sans élan.
Bref, dire « Oui », c’est dire « Non » en même temps

… Ou bien il y a le « Oui » fou et magnifique de Nietzsche, le « Oui » actif et désirant à tout. Un « Oui » surhumain, mais vers lequel tendre absolument pour une vie digne d’être vécue.

Finalement, seule la démesure apparemment délirante de ce « Oui » total me donne une direction qui me semble digne d’être rêvée : un irréductible au-delà de moi-même.

2 commentaires à propos de “#rectoverso #03 | Camille Laurens, Quelques-Uns”

  1. Merci Natacha pour ces beaux mots, réflexions et cette boulangerie-salon de thé que où on a envie de s’installer et d’écouter le monde qui y vit.