#rectoverso #09 | et derrière la porte d’abord

L’arrière cabanon est meublé. Ça sent la soupe du chien en son royaume. Comme d’autres enfilent chemise tombés du lit enfiler cote d’un bleu en toile de travail avec fermeture éclair à grosses dents mordant la peau trop vite. Le lundi souple se raidit au fil de la semaine jusqu’à se tenir raide contre le mur.

C’est la couleur particulière utilisée pour l’échancrure du short sur les côtés. Bleu échancré. Ça nôtre ici à la bonne franquette des noix de Grenoble sur les tartelettes. L’armoire avait meublé la chambre des athlètes lors des J. O. de Grenoble en 1968. Schuss petit rieur. A l’intérieur de vrais cristaux collés aux vitres collaient la langue des enfants.

Les cerises bleuissent les lèvres jutent entre les dents. La maîtrise de l’espace contenu range ce qui est rangé n’est pas perdu. Tout se conserve sur les rayonnages en collections dans les tiroirs si l’on peut appeler collections ce qui se garde s’appelant ça peut servir. On ne sait pas si ce sont les étagères ou les poussières qui sont astiquées. Au cul des bocaux des petits paquets noirs emmaillotés de soie blanche comme étiquette usée à l’encolure des maillots cuits par le soleil.

La casquette à rabats vissée sur la patère indique qu’il y a une paire d’oreilles à couvrir comme tête de Snoopy mobile. L’épais de la soupe tombe au fond de la gamelle à travers les trous de l’écrase-purée. Le jus clairet noie rave et poireau toujours servi à grosse louche. Sous l’escalier supprimé le poste téléphonique demeure à demeure téléphonique public même si plus personne. Allô la poste ?  

Bleu et ciel traversent les larges carreaux épais de la moissonneuse-batteuse et même poussière grise indélébile en début de soirée sous essuie-glace. Le café émet quelques rots quand le thermos roule à terre. Les lanières de cuir tatanes zèbrent la peau du pied.

A propos de Cécile Marmonnier

Elle s’appelle Sotta, Cécile Sotta. Elle a surtout vécu à Lyon. Elle a été ou aurait voulu être marchande de bonbons, pompier, dame-pipi, archéologue, cantinière, professeure de lettres certifiée. Maintenant elle est mouette et fermière. En vrai elle n’est pas ici elle est là-bas. Elle s’entoure de beaucoup de livres et les transporte avec elle dans un sac. Parfois dans un carton quand il ne pleut pas. Elle n’a pas assez d’oreilles pour les langues étrangères ni de mémoire sur son disque dur. Alors elle écrit. Sur des cahiers sur des carnets sur des bouts de papier en nombre. Et elle anime des ateliers d’écriture pour ne pas oublier de vivre ni d'écrire.

12 commentaires à propos de “#rectoverso #09 | et derrière la porte d’abord”

  1. Plusieurs choses attirent et retiennent comme « le lundi souple se raidit…aux vitres collaient la langue des enfants…les poussières astiquées… allo la poste… les lanières qui zèbrent la peau ». Merci Cécile

  2. j’aime imaginer le beau de ces échancrures de short, et le bleu de travail qui se rigidifie, et les poussières astiquées, la paire d’oreilles à couvrir et ce ton fantaisiste et agréablement léger qui traverse tout le texte

    • Merci Catherine pour ton passage ici et le plaisir de lecture. M’en irai chez toi.

  3. de la fulgurance dans certaines images ou notations. Et puis j’aime tes ambiances campagnardes

  4. « Les cerises bleuissent les lèvres jutent entre les dents. La maîtrise de l’espace contenu range ce qui est rangé n’est pas perdu. Tout se conserve sur les rayonnages en collections dans les tiroirs si l’on peut appeler collections ce qui se garde s’appelant ça peut servir. On ne sait pas si ce sont les étagères ou les poussières qui sont astiquées. Au cul des bocaux des petits paquets noirs emmaillotés de soie blanche comme étiquette usée à l’encolure des maillots cuits par le soleil. » on est avec les choses. On voit « Bleu et ciel traversent les larges carreaux épais de la moissonneuse-batteuse et même poussière grise indélébile en début de soirée sous essuie-glace. », merveilleusement . Merci

  5. Inutile de citer tout cette prose poétique si particulière où les images surgissent et c’est un univers qui naît . La vie des choses oú les choses vivent . Magnifique .

  6. « Ça sent la soupe du chien en son royaume. » Éberluée par cette phrase ! Autant de petits poèmes en prose. Et on rêve d’un recueil. La langue est d’une densité incroyable. Subjuguée par le premier notamment.