le vide du lit au petit matin mais à travers les lattes du volet la lumière pâle et l’ordre du jour croissant. Les rayons encore obliques saisissent le nord, ça ne dure pas dans la saison, c’est très court le corps face à la vitre. Peut-être qu’en tendant la main il voit
estimer l’angle mathématique sans aller chercher les instruments de mesure l’œil fouillant une perspective sur le rebord bétonné imaginant le doigt dessiner la surface pour se remémorer d’une année l’autre et surtout l’hiver
ne plus être sûr soudain de la fiabilité du volet une fois ouvert. Il emporte avec lui ce qui forme paysage. Qui regarde le vide du lit au petit matin tourne le dos au jardin. La frondaison s’est étoffée depuis, ramassée, raccourcissant les troncs, fronçant le cœur des arbres, jaunissant déjà les feuilles intérieures au plein de l’été dans l’ombre. Les mûres noires tachent l’herbe verte, tachent les pieds idem si vous veniez à les fouler sous les mûriers, tachant la terrasse au-delà de sa bordure, tachant le carrelage qu’il faudra essuyer
avoir occulté le fait du jus rouge sur le sol en ayant omis de tailler les arbres à la sortie de l’hiver ne se rappelant plus que le ciel rétrécirait au fur et à mesure que l’été avancerait jusqu’à tout engloutir avec ombre précoce l’œil ne perçant même plus le feuillage trop épais
une pierre s’allonge noircie elle-aussi par le jus des fruits. Personne n’a envie de s’y asseoir craignant se tacher craignant mouches et insectes craignant mammifères fructivores. La pierre monolithe et plate ne tient plus son rôle de banc
tout l’été l’œil va chercher la lumière à qui l’aura perdue trop tôt la contemplation du vide dans le lit la contemplation du bois de lit auréolé d’une tête saint-suaire fixée là justement en lisant le soir avant de fermer les yeux enfin dormir
si on se place au bon endroit du lit pour regarder par la fenêtre on imagine une belle composition de chèvrefeuille et de chrysanthèmes non simultanée. Personne ne veut voir la mort sous le houx en cendres répandues
il paraît ça ne lui a pas porté chance c’est ce qu’on lui a dit inutile de s’en approcher même indécis le contour se perd on pourrait découvrir il suffit de regarder ailleurs
de temps en temps un oiseau des oiseaux un vol d’étourneaux des hirondelles plus ou moins haut dans le ciel. Une vieille poêle suspendue à mi-hauteur d’une chaîne pend à une branche, recouverte d’un couvercle de casserole. Un poids de tisserand maintient droite la suspension. Des tiges de tournesols secs croisent un toit de leurs têtes pleines et rêches. Une mésange deux mésanges piquent une graine dans la mangeoire et puis s’en vont. Un pinson s’installe et
on ne voit plus rien quand le volet se ferme
C’est impeccablement et très joliment mené ! Merci pour ce texte.
merci pour le spectacle depuis la fenêtre avant que le volet se referme
on lit on glisse on essaie de se placer au bon endroit comme on nous l’indique, et il y a les arbres et les saisons
« ne se rappelant plus que le ciel rétrécirait au fur et à mesure que l’été avancerait jusqu’à tout engloutir avec ombre précoce l’œil ne perçant même plus le feuillage trop épais »
(beaucoup aimé, Cécile)
Ai aimé cette promenade immobile entre mûrier et chèvrefeuille, ombre et lumière, pinson et hirondelles.
Merci Betty pour l’adjectif immobile de ta lecture que je n’avais pas en tête en écrivant mais oui.il y a une certaine immobilité.
Ton texte me fait penser à la chanson de Barbara, Pierre. Je ne sais pas si tu la connais… Pas le même temps (il pleut, chez elle), ni la même saison, et pourtant…
J’aime bien » le volet qui emporte avec lui ce qui fait paysage »… Être comme en un songe…
Merci pour votre texte qui m’a beaucoup touchée, les images, sa poésie.
Merci Clarence
Touché par le rythme, les superpositions. Les observations si justes… Merci Cécile pour la beauté de ce texte
Merci Cécile pour la délicatesse de ces fragments autour du lit vide. Le paysage, l’écriture, l’été et le jus rouge des mûres, et nous avec tournons autour. J’apprécie toujours autant la densité de ton écriture sa force poétique pour appréhender un réel insaisissable sans elle.
C’est. une rêverie teintée de nostalgie (un peu), de mélancolie (un peu). Tu parles de contemplation, c’est vraiment ça. Il y a du temps, du silence, des pensées fugaces peut-être. C’est très beau !