RECTO
Écriture.
Une mauvaise écriture sur du papier rouge.
Des écritures fortes et blanches, sur du papier rouge en forme de toboggan.
Des écritures, fortes et rouges, descendues des branches où chaque jour l’écrivain monte et dérive, comme un bateau-lune à la recherche de sa montre à gousset, en forme de toboggan.
Une mauvaise écriture ne s’embarrasse jamais du réel, pas plus que la bonne de la fiction et inversement ; elle s’étale sur du papier rouge, car le papier rouge est ce qu’il reste de la rencontre entre le cerveau et la main impossible, qui courre sur le bord des lignes en faisant des bonds à intervalles régulier pour éviter les points, sensibles à l’épaisseur de l’encre.
Une écriture rouge se glisse sous le papier pour en extraire un réel qui refuse de se montrer, laissant vide le toboggan où dérive le bateau-lune et où seules les étoiles ont l’autorisation d’imploser sous la rage tant la distance avec la fiction est un mot difficile dont les lettres s’accumulent et blessent tant qu’elles le peuvent, incontrôlables et bienveillance quand elles doivent s’arrêter sur un réel trop épais.
D’une mauvaise écriture et de papier rouge, on construit la charpente d’un bateau-lune, parce qu’un bateau lune est comme la marée : haute, froide et nue, couverte de monts inconnus et de plages réeloformes, candides, détruisant les pieds qui la foulent autant qu’elle les agrippent pour protéger l’écrivain épuisé du vent ou du l’écrivain du vent qui s’épuise à force de traîner des pieds, ombre de lui-même quand il ne se regarde pas dans le miroir, chose rare si l’on en croit les exilés de Beck, sans cesse dans le questionnement du réel, dans son abandon comme dans sa construction, parce que là-bas, il doit sans cesses s’inventer, se décrire, se déchirer, se froisser, se jeter, recommencer le même cycle jusqu’à ce que l’interprète ne décide de détourner la traduction, de faire dire à l’écrivain que le chaos échappe par nature au réel à mesure qu’il avance dans le brouillard, pieds humides, apercevant parfois au loin le papier rouge où il n’a jamais cessé d’écrire.
VERSO
- Choses qu’Humphrey n’ose dire
- Choses dont le nom est froid
- Choses qui se lisent dans les bibliothèques salées
- Choses informes et bancales
- Choses qui s’apparentent à des légumes et qui ne poussent qu’à Beck
- Choses dont la finalité est de tomber
- Choses qui se rapportent au corps et à sa perception
- Choses qui se ramassent pas poignées dans les rues de Beck
- Choses qui se révèlent mais décoivent
- Choses que l’on extrait des histoires terrifiantes de Beck
- Choses qui pourraient aider les exilés à quitter Beck
- Choses qui ne se disent pas
- Chose dont la paroles n’est jamais mise en doute, à tort
- Choses qui empêchent le passage
- Choses qui donnent de l’espoir
- Choses qui désespèrent
- Choses qui traversent les mers et montent vers le ciel
- Choses chimériques
- Choses qui inspirent le dégoût
- Choses belles
- Choses qui attirent
- Choses qui ne se comprennent pas
- Choses qui s’éclairent mais obscurcissent
- Choses qui se détachent
- Choses qui se noient
- Choses qui provoquent les rencontres
- Choses qui éloignent les amis
- Choses qui tuent
- Choses qui ramènent à la vie
- Choses qui laissent perplexe
- Choses qui voilent les yeux
- Choses qui empêchent l’aveuglement
- Choses qui rassurent
- Choses qui avalent
- Choses qui volent
Très bonne idée de répondre à la proposition sur le thème de l’écriture. « Une écriture rouge se glisse sous le papier pour en extraire un réel qui refuse de se montrer », j’aime beaucoup.
Même pas anticipé, c’est l’absence de temps de réflexion, je pense, qui a conduit à cette exploration… Parce que l’écriture, dans le cadre de cet atelier, est un sacré défi…