RECTO
Un jour il m’a dit qu’une partie de pêche avec moi, c’était un poème. J’ai pas vraiment compris mais j’ai fait comme si.
pa par une par ti ti partie de de de euh de pê pê pê che che partie de pêche, po po po popo poème ?
ai pensé pas de sique pas sique des mots, des vers oui, de de terre, des vers de terre c’est tout
les oiseaux bavardent
le soleil allume les arbres
la rosée baigne l’herbe
ai pensé des vers de terre pas lignes de mots jolis, des lignes avec hameçons
c’est tout
ai pensé encore pas mots avec sique
et l’eau qui murmure
le souffle des joncs
le chant des criquets
les ailes d’argent des libellules
les parfums de la rivière
ai pensé po po po poésie, pas poème
ai pensé pêche drôle avec Etienne, pêche qu’on peut pas dire, seulement Étienne et je savent
secrets impartageables
écoute respire touche
sortilèges d’enfance
domaine des fées
Étienne et je seulement
pas assez
seule solitude
seul silence
seul invisible visible
pour deux
ai pensé pêche je et Étienne plaisir, joie, beau, pêche, amitié
jÉtienne, c’est poème
ai compris, je content
VERSO
C’est à mes morts que j’explique qu’une alliance, non de sang mais de sève, s’est nouée entre le petit arbre et moi.
Voix 1
Et tu crois qu’ils comprennent, les morts ?
Voix de Villon lointaine
Frères humains qui après nous vivez
Voix 2
Ils voient tout. Le petit arbre tire sa force de la terre, il a une assise solide. Il s’élève en sinuant, car son parcours est semé d’embuches (le gel, le vent, la sécheresse, le manque de lumière). Son écorce couverte de cicatrices en témoigne ; tel un visage, il porte les marques des épreuves de sa vie.
Voix de Villon lointaine
La pluie nous a debués* et lavés,
Et le soleil desséchés et noircis ;
Voix 1
Je ne comprends pas qu’on torture des arbres.
Voix 2
Tu ne tonds pas ta pelouse ? Pas de pitié pour les brins d’herbe, alors ? Le petit arbre est vigoureux. Sa sève, son sang, circule dans tout son être pour le faire pleinement exister. Il développe ses branches latérales à la façon de bras protecteurs. Il nous ressemble.
Voix de Villon lointaine
Se frères vous clamons, pas n’en devez
Avoir dédain, (…)
Toutefois, vous savez
Que tous hommes n’ont pas le sens rassis
j’aime les petites plantes, les petits arbres, et leur longue persévérance.
Merci Émilie pour cette évocation de ceux qui après nous, espérons-le, vivront.
Et merci d’avoir lu ma modeste contribution. Je crois avoir compris ce qui nous était demandé, je n’ai pas su le faire. Mon esprit cartésien a du mal avec ce genre de travail. J’ai lu votre #13, vous avez été bien meilleur que moi.
Formidable. J’ai beaucoup aimé. Surtout la 1ère partie. Merci
Alors là, Louise, vous me surprenez, vous m’épatez, vous me faites grand plaisir. Moi qui trouvais que j’avais été particulièrement mauvaise sur cette proposition… Vous me réconfortez, merci !
Merci pour ces textes très animés où les voix se répondent. Tentatives réussies et les insertions de Villon très interessantes ici . C est drôle , c est comme ci , on entendait sa voix participant à cette polyphonie .
Merci Carole pour ton gentil commentaire. Je sais trop qu’il y a de nombreuses personnes qui ne comprennent pas qu’on élève des bonsaïs. L’occasion était trop belle de les défendre.
beaucoup de poésie dans les textes en italique de la première partie, ça vient mettre son petit grain de sel pour donner aux autres textes une autre dimension !
Merci, Sylvia, de ton sympathique commentaire. Pas très à l’aise avec ce genre de proposition, mais soucieuse d’y répondre tout de même, j’ai fait ce que j’ai pu.
Un régal cette première partie où l’on retrouve Étienne et cette part de sensualité pétillante,
Merci de votre indulgence, Raymonde. Je ne savais vraiment par quel bout prendre cette proposition. Mon écriture est précise, sans doute en raison de ma formation scientifique, alors trouver dans mes textes deux bouts de phrase un peu flous à expliciter n’a pas été chose facile.
… je fais un lien entre les frères humains et la partie de pêche…
et ce va et vient entre le sens propre et figuré est bien venu dans cette histoir d’amitié en vers et avec des vers de terre, bravo!
C’était un peu mon idée… merci de l’avoir remarquée.