Cela qui vient nous l’écrivons de loin. Nous vous écrivons loin de tout. C’est une ville. Nous n’y habitons pas. Cependant nous y dormons, disons que nous y cherchons le sommeil, nous y efforçons, il nous échappe. Il fait chaud. Il fait étouffant. Il y a des bancs, et des arbres rassemblés autour, par-dessus notre épaule. Les arbres sont réfugiés dans la ville. Comme nous. Hébergés comme nous. Nous ne tenons pas dans ces cases qu’on met avec désintérêt à notre disposition. Elles résonnent. On y entend tout l’immeuble pisser. Dans le noir. L’éclairage public est insulaire. Les îlots d’ombre gagnent, communiquent. Cela, nous l’écrivons dans le rétroéclairage d’un écran tactile, c’est transitoire, nous pianotons des deux pouces à même le blafard, têtes d’amanites. À ce stade de la nuit, nous avons récupéré un mobile au fond d’un tiroir à main gauche en sortant. Sans carte SIM. Sans l’internet ni rien en mémoire, batterie 41%. Simple machine à écrire, s’appelle Notes. Tapons 0000, nous écrivons : nous avons quitté la boîte métallique, sonore de la chambre. Nous sortons dans le plus grand silence, c’est la rumeur de la rocade continue comme la mer grondant tout au bord tout le long derrière les touffeurs d’arbres. Il fait noir là dehors. Autrement. Nuit encore. Nous passons d’un noir sonore, exclusivement, à un noir partagé, odorant respirant parcouru de souffles, de remuements, de tressaillements. Premiers oiseaux, et ce sont les derniers. Du jour à venir, du monde. Un banc est là, sur le bord. Une poche de lumière venue d’un carrefour retiré entre les branchages pendant des arbres le révèle. Ainsi nous voilà écrivant loin de tout, loin de nous même. Nous saisissons :
période/titre
LES CONTENUS ENLÈVEMENT
référence*
060409
*Le référencement opère à partir de la date (année/mois/jour) d’intuition ou première émission** de l’idée en l’air. L’écrasante majorité des références appartenant au premier quart du XXIe siècle, il y a des chances que l’ordre de référencement n’entre jamais en phase de turbulence temporelle par concurrence avec les tous premiers numéros (références a posteriori), intuitions, départs ou aventures et autres entreprises avortées d’écrire, écrire pour écrire, vaille que vaille (91…. ; 94…. ; 97…. ; 98…. ; 99….), de la dernière décennie du XXe.
**ou événement et ses répercussions : en chaînes, cascades, séries ; prise en masse ; formation d’un complexe ou nœud, d’embâcles écrites ; soient des effets
lieux
aires de repos du réseau autoroutier ; et dans l’ensemble et en pendant tout ce qui se présente et voit défiler assise à l’arrière d’une voiture : parkings des zones commerciales ; abords paysagés des zones résidentielles ; écrans arborés et massifs forestiers ; équipements périphériques…
agent (d’énonciation)
1ère pers. fém. sing.
forme
série* (enlèvements en) (formula show)
*la série plutôt que le récit ?
figures (influences / silhouette)
- « Sitôt qu’on naît, c’est comme si on se faisait enlever et… » (A. Warhol) ;
- l’ensemble baggy/capuche (hoody) molleton (sweat-shirt) XXL (blank) ;
- le placenta (P. Sloterdijk, Bulles) ;
- La petite fille dans la forêt des contes (P. Péju, 197.) ;
- collectes des frères Grimm (181.)
- Bossy Burger (P. McCarthy, SMAKGent, 0802..)
âge
teenage
Batterie 25%. Nous nous niquons les yeux. Des insectes volent autour. Cela stridule, sous les souffles. Ce sont les souffles épars qui courent entre les arbres, ou ce sont les arbres eux-mêmes, entre eux qui génèrent ces souffles. Des chats, arrêtés, posent sur nous leur regard, interrogateurs. Nous notons : le cœur ne nous résonne plus dans les ressorts du matelas, nous cognant dans la tête. En sortant, nous évitons la barre de seuil dont le craquement se propage dans le cadre de la porte, de là dans les cloisons des couloirs, des pièces qui s’y distribuent, des chambres. Nous oublions les écoulements s’espaçant dans les canalisations. À ce stade de la nuit, nous quittons les pulsations du sang pour les souffles du dehors. L’air ne tient plus en place, ne se repose jamais. D’être explicité, manifeste comme il est de nos jours, devenu à ce point sensible, l’élément en est chahuté, troublé, s’en trouve irrespirable, et la pensée d’autant réduite, l’oxygénation du cerveau tumultueuse. Nous nous cognons aux mots comme les mouches aux volets roulants des chambres. Nous avons de loin en loin accès à nous. Lacunairement. Insulairement. Les vents nous tournent autour semblant se multiplier, et les rocades. Les vents démultipliés soufflent sans noms pour les différencier. Que, qui sont ces vents qui courent en solitaire en quête, en peine de noms, dont nous sommes les girouettes ? Confondant les temps, et les personnes de la conjugaison, nous, nous en tenons au présent, à titre indicatif et à celle-ci, de modestie, et d’articulation déficiente, d’élocution embarrassée, de confusion mentale. Nous notons :
période (?)
ZONE D’AC
référence
100302
(géo)localisation
- en sortant du bois (piétonne sur voie douce) ou* au débouché (rond-point de l’Europe) de la quatre-voies (automobile) la zone d’activités Parc tertiaire ;
- échappée / coulisses de la télé-réalité (La Fabrique de Sweat)
*toute question de l’écriture étant aussi, d’abord, une question de locomotion (et d’alternative, ou simple alternance, locomotrice/tive)
agent(e)
La nouvelle (« Vous connaissez la nouvelle ? » / « Vous avez vu la nouvelle ? » / « Vous avez lu la nouvelle ? »)
figures
- (précurseure, 00….-01….) Place Martin-Nadaud (triangle) (Paris XX)
- (précurseure, 0310..?) « Je rejoins ma démarche »
- (précurseure, 0505..?) Molletoon ou LaMarque (?) (« marcher large comme un bus ») (0505..?)
Des silhouettes humaines s’approchent. Aux regards que nous interceptons, qui malgré tout brillent, nous savons que nous nous confondons avec des dealers – et qui ou que sommes-nous ? Nous bougeons. À ce stade de la nuit nous passons de banc en banc. Nous dérivons d’un banc l’autre. Les feuilles des essences importées, acclimatées, stressées, menacées craquent sous les pas. Les lambeaux de déchets plastiques volants, raclant les sols et chaussées bruissent plus que nous. Entre les doigts l’appareil chauffe. 11%, batterie faible, activez l’économiseur de batterie pour ajouter 2h19 d’autonomie, j’ai compris. Ces 30 dernières nuits — mais quand fait-il jour ? — les souffles, outre qu’ils ne se déposent plus, ni, avec eux, aucune rosée, ne descendent pas en dessous des 20°C, c’est l’écran de déverrouillage du mobile qui le dit, 0000. Nous, n’avons aucune preuve. Nous avançons sans preuve, dans le noir, risquons des hypothèses, des titres, le noir environnant, noir immédiat ne nous confirme rien. Pas de signe de ce que nous avançons, hormis ce qui s’écrit là. Nous allons sans document, d’identité ou quoi. Rien sous la main, nous n’avons plus la main sur rien, nous avons tout laissé. Nous écrivons dans le noir. Nous écrivons de mémoire ou de loin. Sans recul, plus ni recul ni retrait, aucune retraite. Les retraités sont des migrants ou errants de la vie comme les autres, sont des flux migratoires supplémentaires, surnuméraires, surabondants. Nous sommes déplacés où que nous soyons, ombres au tableau s’il n’était si noir. L’écran nous freeze les idées. Les suffocations de la nuit finissent de nous cuire le cerveau, le centre moteur. Inspirer ne marche pas à tous coups. Les neurones, et autres connexions se grillent aux lueurs comme des ailes ou des yeux les insectes aux, rares, réverbères et aux dispositifs suppresseurs des halls des immeubles. Nous tombons, ce n’est toujours pas de sommeil. Poursuivons :
période*
ÉVÉNEMENT SANS TITRE
*Il nous apparaît que la périodisation reflète infidèlement ce qui se trame justement entre les soi-disant « périodes ». D’abord la division en périodes donne l’illusion d’un temps linéaire, doublée de celle, dans les cas où les « périodes » se superposent ou chevauchent, d’un feuilletage de strates purement concomitantes, non-communiquantes, où il y a justement communication de vases, bassins versant les uns dans les autres. Pays plutôt que ces périodes, en ce que tout pays est un carrefour d’influences diverses, voisines. Tout pays est aussi confins. Chaque période est un jaillissement, la source d’un rayonnement, source permanente, continuelle, seule l’attention que nous lui portons étant épisodique. Ainsi une géographie nous semble plus pertinente qu’une temporalisation. C’est que nous aussi, avons rayonné depuis une chambre d’écriture impossible, vers des contrées ou confins où elle semblait le devenir, pour y faire camper, prendre position le poème. Ce que nous avons a priori nommé « périodes », ce sont des directions. Nous suivons au gré des jours l’une ou l’autre de ces directions, chacune rayonnant, soit émettant un faisceau de présomptions et d’expériences mêlées. Dans leur étalement maximal, à l’horizon, ces directions se rejoignent. À la frise temporelle, nous préférerons la rose des vents.
référence
140914?
événements
- Crash du vol n°… de la Turkish Airlines (mars?1975)
- Untitled Event N°1 (J.Cage & M. Cunningham & R. Rauschenberg & …, 1952?)
phénomènes
- sillages sonores et visuels de l’aviation civile ;
- sous-espace (et sous-espèce) ;
- désœuvrement, destitution (G. Agamben), suspension ;
lieux/milieux
- remises et lisières et par les champs (de vision)(milieux semi-ouverts à ouverts) ;
- espace aérien autour de l’aéroport Roissy – Charles-de-Gaulle ;
- ciels du 77 et du 60, Oise-Pays de-France-Porte-de-France (parc régional d’attraction terrestre)
figures / silhouettes
- (précurseure, 1002..) la combine intégrale, ou combinaisons intégrales (japonais zentai) d’un certain Grandquick du 92 (blogspot et photoshootings extérieurs) ;
- (autrement appelée) l‘intrigue : Le hasard et l’intrigue, dans le recueil d’essais L’Œuvre ouverte (U. Eco) ;
- (précurseure, 140217) d’une hallucination ou déchet plastique flottant au coin d’un œil (?) ;
- crashes divers (et du divers)(dans l’ouvert, voir L’Ouvert, G. Agamben) ;
- l’amant des tabliers blancs (A. Binet, 188.?)
mouvements
(annexes, émergents) mouvement des clôtures / mouvement des chemins
sous-périodes/séquences
- Passion respiration (180917)
- Les dépôts sauvages (250505)
Au-dessus de nous des arbres craquent, et tout. Les valeurs de gris ont des saillies que nous suivons. Tout devant nous cela phosphore, les amanites, faces rétroéclairées se multiplient, signes qu’un relai mobile subsiste. 5%, notre écran se grise et nous allons sans fil, sans moyen de recharge, par des bancs sans borne. Nous tentons une connexion. Un identifiant, une adresse mail associée à un nom de domaine, nous revient en tête, nous l’inversons, c’est ça. D’une plateforme à l’autre, de publication ou non, notre mot de passe, nous n’en avons pas changé. Nouvel article, copier-coller, publication immédiate mode altéré, voilà. À ce stade de la nuit, nous lise que et qui pourra…
Les hautes tiges nues des ombelles égrenées, grises comme tout s’affaissent, émiettent sous les pas, et les corps. Les chats tapis là nous accueillent dans la nuit de leurs yeux grand ouverts. Nous sommes enfin à leur hauteur. L’écran s’est éteint. Nous finissons de noter, composer, écrire dans la tête, amanite ou pas. C’est, à la renverse en nous dans le cercle des arbres le noir qui s’élargit, se prolonge d’une nuit sans étoile, du jour qui ne vient plus, amassé ramassé auprès du sol avec nous et les débris végétaux et plastiques retenus balayés entre les buissons et les haies bas sous le ciel de cette ville gris orangé d’un bout à l’autre de la nuit, rétroéclairage intégral…
période/séquençage
- DITS DE LA DAME ou
- FINIR EN CHANSON suivi de
- LES NOMS ONT ÉTÉ CHANGÉS ou
- SÉPARATEUR CENTRAL ou
- …
référence
210410
géographie
départementale
figures
(…)*
*toutes nomenclatures partielles / en cours
… texthood… Où êtes-vous ?… Depuis quelques phrases le sommeil nous a regagné.e.s.
Dans ce 14, les textes se succèdent, se télescopent. S’en dégage une atmosphère de nuit étrange car prenant appui, paradoxe, sur un réel puissant, pris à pleines mains. C’est ce que je ressens à cette lecture et ça me plaît. Merci