#rectoverso#9- Tryptique

1, Pièce » : ma maison = une pièce. Enfin presque. Un autre lieu derrière le mur ouvert à tous vents où je dépose tout ce qui ne trouve pas sa légitimité ici, peut prétendre au nom de pièce, même si ouvert à tout vent. Ma pièce-maison, donc. Microcosme de l’univers et lieu d’étude de l’univers. Il y a tout ce qu’il faut : la matière, illusoire, la perception de la matière, subjective. L’absolue présence. L’absolue absence. La relativité de tout cela, selon. Il y a tout ce qu’il faut pour tout comprendre et connaître l’intimité de tout. Il y a une simple pièce lumineuse au milieu des bois, aussi, où j’essaie de vivre une vie jolie.

2, Nourriture : souris. Une souris vient de passer. Elle se cache quelque part à moins de deux mètres, silencieuse pour l’instant. Parce qu’elle sent que je suis là et qu’elle se sait nourriture. La souris immobile veut rester vie et ne veut pas devenir nourriture. Est-ce-qu’elle comprend, pendant qu’elle se terre, que son corps a le potenciel de nourriture ? Qu’est-ce-que l’instinct ? Une peur obscure ? Ou bien une conscience claire de l’horreur des possibles ? Quelle tragédie de ne jamais, jamais, avoir accès au monde selon l’autre. Quel enfermement, quelle source de bêtise ! Et de souffrance. Quoiqu’avoir accès au monde selon l’autre serait pire : on en mourrait, d’abord de faim.

3, Objet : tasse noire. C’est une tasse noire en céramique posée dans une sous-tasse blanche en céramique. La tasse est noire avec des reflets comme chez Soulages, et sans doute pourrais-je passer des heures à contempler/méditer sur les reflets, comme Soulages. Mais ça se mérite. Je n’ai pas le courage ou la détermination. Je regarde la tasse et mes yeux s’en détournent parce que je m’ennuie, parce que je manque de profondeur et de détermination pour entrer vraiment dans le noir de la tasse et recueillir toutes ses richesses qui, comme je l’ai dit, se méritent. La tasse est un peu sale parce que j’ai la flemme de la laver. Mais sale est-il le mot ? Comme me l’a enseignée la contemplation de ma pièce-maison, oui, c’est le mot, puisque le monde dans lequel je vis appelle ainsi une tasse non lavée, et que je ne peux m’exprimer qu’avec les mots du monde dans lequel je vis, sinon.
Comme disait ma grand-mère, qui mélangeait les expressions, il faut vivre avec son monde.

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