Eté 1976, des articles du journal « Le quotidien de Soisille », montre des photos de l’incendie du Romulus-Circus, le sinistre et ses sinistrés… tout une petite ville , désemparée devant le cadavre fumant de la structure métallique et des toilages rouges et bleus. Le plus poignant encore les dépouilles d’Hector et d‘Ulysse , les animaux fétiches des enfants de la ville, asphyxiés dans leur enclos.
Il y a Vivianne et Esmée qui se tiennent la main comme pour faire front devant l’horreur, la fumée de voilages de plastique fondues dégage une odeur acre et irritante qui font tousser les enfants , d’abord puis c’est le tour des adultes. On entend à l’arrière « encore heureux , il n’y a pas de victimes… heureux , heureux, c’est ce que retiennent les enfants ; non ce n’est pas « heureux ». C’est la fin.
Debout , devant l’attroupement, la Maire du village, Mme Langlois qui déplore « Comment c’est possible, tant de tristesse en une seule minute ». Du haut de ses talons de 10 cm . Elle est maquillée grossièrement, un rouge à lèvres rouge qui dépasse. Toute serrée dans son petit tailleur bleu marine, barré d’une écharpe de maire qui ne la quitte jamais. Des cheveux châtains, ni courts, ni longs, retenus en arrière avec une grosse barrette en fausses perles . Mais elle a été élue, par qui ? pourquoi ? tout le monde se demande… devant le désastre qu’elle n’a pas empêché , d’ailleurs .
Vivianne et Esmée pleurent, les larmes font leur chemin sur leur joues rondes, et ça coulent dans discontinuer jusque dans leur petit cou. Elle ne peuvent plus parler ces petites filles de désolation. Deux petites statues de cire. Et derrière elles , la petite ville qui s’agite.
Mais qui a bien pu faire un truc pareille ? quelle catastrophe ! A côté de la Maire , le commissaire en chef délégué par la sous-préfecture pour « faire toute la lumière sur cette affaire », Lumière , lumière, résonne encore aux oreilles des enfants, Esmée se retourne , cherche son père, Cerventes , Mr loyal. Elle l’aperçoit en costume de scène, avec son chapeau haut de forme et sa redingote rouge , ses bottes noires de cavalier. Il porte un anneau à l’oreille gauche, qui lui donne un air de corsaire. Vivianne est un peu perdue , à regarder ce personnage qui l’intrigue et lui fait peur. Cerventes est pourtant , très gentil lui dit Esmée. Avec son chapeau , il dépasse de la foule. Cerventes est sidéré. Il se frotte les yeux . La fumée ne l’aide pas distinguer l’étendue des dégâts. Il voudrait chiffrer. Il ne peut pas . Il n’arrive plus à se souvenir si le contrat d’assurance couvrait le risque-incendies, accidentels ou non.. . Et ça reste à prouver …dit le commissaire.
Madame Loup est là aussi. Elle a couru depuis l’école. Elle a gardé sa blouse d’institutrice encore tâchée de craie rouge et bleue. Elle est belle Madame loup et le désespoir lui va bien. Elle se mord ses lèvres roses et ses yeux marrons brillent tout humides de larmes. Elles ne supportent pas de voir les enfants pleurer surtout Esmée et Vivianne qui se ne lâchent pas. Elle a mis un collier à grosses perles d’ambre qui intriguent toujours les enfants et qui ne la quitte jamais. Ça fait du bruit quand elle se déplace avec ces autres colliers, un bruit doux. Les perles d’ambre gardent le secret monde dit madame Loup. C’est sa grand-mère qui lui a donné. Elle a des petits cheveux bruns sans forme, on se saurait dire s’ils sont raides ou bouclés. C’est comme ils veulent …. Mais elle les met toujours derrière l’oreille quand elle vous regarde droit dans les yeux pour vous dire quelque chose. Elle n’aime pas les boucles d’oreilles , cette maitresse.
On est pris par ces témoins d’après le drame. D’autres dans la foule attendent certainement d’être décrits. Et nous aussi. Bravo.