Les cartons sont dans le coffre. Elle accompagne sa fermeture en appuyant fermement sur le hayon. Une pression du pouce sur la clé, elle laisse sa voiture pour remonter le long du chemin. Le sol est glissant, pas encore boueux. Depuis l’entrée, elle voit un arbre, sans doute déraciné par une des dernières tempêtes, reposant sur les lourdes pierres alignées. Elle l’enjambe pour rejoindre le côté nord, sous les châtaigniers. Le petit fossé entourant l’allée est couvert de bogues, certaines datent de l’année dernière, elles sont sèches, cassantes. D’autres n’ont pas tout à fait perdu leur chlorophylle, elles viennent d’éclater sous la pression de leurs fruits murs, d’un cuir brillant. Elle n’a pas prévu de sac, d’ailleurs, elle avait oublié l’existence de ces châtaigniers. Elle se penche, en ramasse un gros échappé de sa gangue, puis un autre. Elle se concentre sur cette récolte, les bogues se défendent, leurs piqûres sont douloureuses. Qu’importe, elle les ramasse avec l’énergie d’une dernière fois.
Je ne vois directement que les couchers de soleil. L’éveil du jour m’échappe. Les aurores, je les devine. Tous mes matins ne se ressemblent pas. Mes préférés ? La lumière se lève derrière moi. C’est une lente caresse dans mon dos, elle se répand sur mes côtés. Bien avant le réchauffement, lorsqu’il arrive. Si elles sont encore bien accrochées à leurs branches, les feuilles reflètent les premiers rayons. Sur la droite, la silhouette des châtaigniers se dessine en ombre chinoise devant un horizon en feu. L’incendie est bref, déjà le bleu domine. Parfois, la brume s’installe pendant la nuit et le soleil accompagne l’arrivée du jour sous forme de ballon. L’image devient sépia.