Depuis bien avant le matin, la pluie ne cessait pas. Les ornières s’approfondissaient ; entre elles, le ruban de terre solide, clairsemé de brins d’herbes incapables de nous retenir, se dissolvait au point qu’il n’était plus possible de faire un pas sans glisser sur le sol spongieux. Même les bords du talus se ravinaient sous la bruine persistante. Là encore, progresser devenait périlleux. Nos bâtons de marche s’enfonçaient dans la boue, ils ne pouvaient servir d’appui pour sortir l’un puis l’autre de nos pieds bottés. Après une demi-heure d’efforts épuisants, nous décidâmes de prendre la direction de l’allée couverte pour nous réfugier sous la dalle et reprendre notre souffle.
Elle pris sur sa gauche, sans même un regard pour les rhododendrons débordant par-dessus le talus en profusion de mauve, d’orange et de rose tyrien. Elle marchait rapidement en direction du talus, je la suivais presque en courant, je voulais moi aussi admirer l’illumination du crépuscule. Nous avions le temps, peut-être pouvions-nous pousser jusqu’à Ker Isabel et voir le soleil se coucher derrière la plage au-delà de la ligne de pins.
Nous descendons du bus scolaire. La tempête a éteint les lampadaires, pour rejoindre la maison, nous choisissons de couper par l’allée couverte et éviter ainsi de suivre la route bitumée où nous ne sommes pas assez visibles. Nous avançons à tâtons jusqu’au talus que nous escaladons à quatre pattes. D’en haut, nous devrions apercevoir la lumière de la cuisine. Dans l’océan de noirceur, elle sera notre phare.