#histoire #12 | Zone de chevet

Du reste de la nuit je n’ai pas quitté le lit sur lequel j’étais posé. Je me tournais, j’ai dû rouler jusqu’aux bords, et toujours j’y revenais. La fenêtre. J’ouvris les yeux. 

Je n’ai pas noté à l’instant d’entrer dans la chambre le côté sur lequel elle donnait, j’avais précipitamment pianoté le code, que j’avais en tête, refermé la porte sur moi. « Ce genre d’endroits, sommaire, c’est des îles, et bifaces. C’est des pierres. Si c’est pas un côté, c’est l’autre, comme pour dormir je veux dire, trouver le sommeil, comme si c’était une pépite, comme pour traverser, les ressources sont, la manœuvre est, singulièrement limitées, c’est l’impasse d’un côté ou de l’autre », je disais ça dans la chambre, je le lui disais, elle, ne résonnait pas. « Ça tranche », j’insistai. Ça m’emmenait, je crois.

Je m’éloignai autant que possible de la porte qui était à touche-touche avec la fenêtre et tombai immédiatement sur le lit. C’est ça, la porte donne sur le lit, le lit sur la fenêtre. Sans m’arrêter à baisser le store, tirer le rideau, je ne sais pas, sur quoi des yeux je serais tombé alors. Ça ne faisait pas un pli, plan lisse parmi les plans lisses, horizontal, vertical, quelle différence, je m’y laissai tomber la tête bêche, je veux dire au pied du lit, sans rien ni défaire ni enlever, j’arrivais là sans change.

Tombai. Tombé. Tomber. Je l’ai encore dit. Ne me parlez plus de tomber. Et comment ne plus s’y laisser aller, prendre, à ce mot-là, dites moi. J’étais parti sans rien dire, comme un homme, et à qui. 

Dans cette chambre la fenêtre était étonnamment réduite, on avait peur de quoi, strictement carrée. Cela ne la différenciait pas des voisines et c’était déjà ça. Réduite comme une trappe cependant, comme un accès. Un regard. Quant à moi je savais.

Je n’ai pas fait attention en arrivant à l’endroit où j’ai laissé l’auto. De quel côté. Je n’ai fait que me mettre, la mettre, la faire entrer, l’intercaler, et ça rentrait, j’en étais arrivé au point de m’étonner qu’elle rentre, chaussure au pied du parking, pantoufle de ver, dans la première place que je trouvai libre. 

Sans allumer rien, pour quoi faire, le carré de la fenêtre me faisait veilleuse. De là où j’étais je ne me lèverais plus je m’étais dit. Et le jour. Si c’est pour retomber des non, reposer les yeux sur elle, là en bas, sur le parking par terre. Et gardant ce silence, sans broncher. Je gardais les yeux rivés à l’orange du ciel de mon côté. Le tenir au-dessus de moi rien qu’avec les yeux, d’une pression de l’œil, d’un œil ouvert, bien en face. Je ne regardais que lui. Je le fixai. Rien n’y bougeait plus. Je le tenais suspendu lui à mon regard, moi à ce feu froid.

Je tournais ça dans ma tête, ce qui se voit condamné au sol, et ça partait dans tous les sens, alors que le ciel. Le ciel là, au-dessus dans mes yeux, il n’allait toujours que dans une seule direction, dans l’ensemble, il se déplace comme ça, d’une pièce. Quand il fait jour. J’eus alors, instant de sérénité qui m’échappa, une pensée pour le parking lui-même, non seulement le parking de l’hôtel, mais le phénomène du parking en général, pour toute la zone des parkings autour avec les voies qui y donnent accès, les entrées, les sorties, le dessin de tout ça et les lampadaires qui les maintiennent dans leur état de clarté, ces lampadaires que la zone interposait entre moi et le ciel, le vrai, je n’étais pas dupe, celui qu’on, il parait, tutoie des sommets, et qui en dépit de ce voile non mais par le fait même étaient ma lampe de chevet.

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