#rectoverso #08 | Avec Marie-Jeanne Josette Choquet

# recto verso 8  « Avec Marie-Jeanne »

1)           Les jeudis après midis, parfois je vais chez ma copine Marie-jeanne passer l’après midi.

               La veille à la sortie de l’école, nous avons convenu de l’heure de notre rendez-vous ; après le déjeuner, oui, tout de suite après le déjeuner. « Tu viendras vite Béa », elle me le disait à chaque fois. Ces jours-là, elle s’impatientait toujours, elle avait peur que je ne puisse pas venir. Je n’aurais pas pu la prévenir, dans les années 1965, le téléphone portable n’avait pas encore vu le jour, aussi elle m’attendait en haut de la côte.     

               Marie-Jeanne, elle est juste d’un an et deux jours ma cadette. On vivait dans le même village de cent âmes, elle, la première maison dans la rue Saint Sauveur, moi, rue de Malpart, sur la place publique. Les noms de rue s’apparentent aux noms des villages alentour.

               Le père de Marie-Jeanne d’origine Hollandaise est artisan peintre en bâtiment, sa mère, mère au foyer parle avec un accent.

               La mère de Marie-Jeanne, la marche elle connaît, c’est son moyen de transport, partout,  par tous les temps, été comme hiver, toujours jambes nues. Elle mourra quelques années plus tard fauchée par une voiture. 

               Marie-Jeanne, elle  sait comment on va occuper notre temps, surtout les après midi d’été. On s’en va gambader dans les champs c’est notre terrain de jeux. Nous avons notre petite ballade habituelle : aller à la source. Avant d’y arriver on passe par le petit bois, on cherche du lierre et on confectionne des couronnes. Puis comme elle moins grande que moi, je saute et attrape  des lianes avec lesquelles on joue à la corde à sauter. Elle est forte à ce jeu, elle gagne toujours, je m’épuise vite, elle m’encourage tout le temps. A la source, on s’émerveille des couleurs bleus, vertes, des reflets des arbres, et on écoute le silence.

               C’est dans le jardin de son grand-père, que nous jouons à l’architecte. Le pommier sera notre ossature, les branchages ramenés de la ballade serviront pour les murs, quant à la toiture une vieille nappe fera l’affaire. Le grand père s’appelle Lucien, il veut bien que l’on investisse le jardin, pour lui ça l’amuse de nous voir nous transformer en charpentier, en bardeur, en maçon, en décoratrice. C’est toujours Marie-Jeanne qui prend les rennes, moi j’exécute. Elle se réjouit du résultat.  On s’installe, on a le café, les petits gâteaux, assis sur des coussins d’herbe, on regarde le ciel, les oiseaux passent, chantent on dirait un hymne à la joie.

               Il est déjà l’heure du retour, on laisse notre cabane, demain peut-être, un autre jour sûrement avant la fin de l’été, on la retrouvera.

               Marie-Jeanne, heureuse et triste me raccompagne jusqu’à la maison.

2)           Je ne sais pas pourquoi je me sens si bien avec elle, et elle je pense avec moi.

               Béa, elle n’était pas comme moi, elle était distante, sauvage, et surtout très triste. Elle était en pension chez Renée, dont le compagnon n’était rien d’autre que le maire du village Je sais par mes parents qu’elle est orpheline. Dans nos villages tout se sait. Chez sa nourrice ce n’était pas le bagne, mais interdiction de sortir, d’aller jouer dans le village. Avec ses sœurs d’infortune, les grands devaient s’occuper des petits, s’afférer aux tâches ménagères, aux préparations des repas…

               Le jeudi matin nous nous retrouvions dans le petit bus du curé pour aller au catéchisme au village voisin. Elle n’en avait rien à faire. Pas comme de l’école, école a classe unique du CP au certificat de fin d’études. Nous étions assises sur le même banc, l’une à côté de l’autre. Béa en CE2, moi en CE1. Elle a reçu  tous les premiers prix du CE1 au CM2.

               A la récré, elle préférait être seule, rester dans son coin pour observer. Ce qu’elle désirait par-dessus tout, c’était qu’on la laisse. Elle n’avait pas d’amies, pas même ses consœurs. Si méfiante, l’approche sera difficile.

               Solitaire – triste – silencieuse.    

               Elle ne veut pas qu’on lui pose des questions.

               Après quelques mois, On passe toute les récrés ensemble. Je l’initie aux jeux, courir, sauter.

               La sauvageonne m’accorde sa confiance, son sourire illumine son visage. Notre relation durera jusqu’à son départ du village quelques années plus tard.

Petit à petit, elle me confie son histoire, son milieu familial d’avant. Je découvre le malheur, la misère sociale et intellectuelle, l’abandon. Elle ne versait jamais une larme. Je l’admirais. Quel courage, quelle force !

Plus de visage fermé, plus d’yeux tristes !

               Elle s’arrangeait pour que nous puissions passer le plus souvent des moments ensemble. Je savais qu’elle se sentait bien dans la nature, les cheveux au vent. Sans parler, juste écouter le vent, sentir la chaleur du soleil, être dehors loin de son quotidien. Juste toutes les deux comme deux sœurs de cœur.

 Elle était si attachante. Elle méritait mon amitié.

Une réponse à “#rectoverso #08 | Avec Marie-Jeanne Josette Choquet”

  1. Merci pour votre article, pour moi, un conte qui dit l’amitié, la tendresse, la simplicité la bienveillance d’un grand père, la ballade dans le petit bois, la construction de la cabane, le contact avec la terre, la paix d’un petit village dans les années 1965 puis la personnalité de Bea, sauvage, lâ rudesse de sa vie l’amène au retrait, au refus jusqu’à ce qu’elle rencontre une belle amitié.
    Mille mercis.
    Martine Lyne.