#Boost #09 | l’orée du royaume

Le pied dans sa chaussure hésite, il semble prêt à rebrousser chemin, et pourtant, le voilà qui se pose, s’enfonce déjà, dans la vase, ou ce qui pourrait y avoir dessous qui suçote et aspire; le pied s’intègre et s’incorpore, disparaît soudain, il n’est pas possible de savoir jusqu’à quel point il va s’enfoncer, mais l’humidité empreigne la chaussette, le talon glisse et menace de s’extraire de la chaussure; la vase l’accueille avec avidité, et déjà l’autre pied doit prendre le relais pour rétablir l’équilibre du corps tout entier ; le regard émet des hypothèses, il tente de lire le paysage proche, il interroge les textures, cherche des signes à interpréter; une marbrure de gris et de marron, veinée d’ocre, comme une gelée un peu trop prise, une peau de poulet réfrigérée ; trop tard, la décision revient au second pied qui s’enfonce lui aussi, et la main se retient à ce qu’elle peut, une branche, qui casse ; genoux à terre, les deux mains enfoncées jusqu’aux poignets dans la matière, et le postérieur pointant désespérément vers le ciel, le corps se contorsionne en une étrange prière.

A propos de Nicolas R.

Je vis au Mozambique. Prof doc de hasard (heureux) depuis quelques années. Facteur longtemps. Écrire. Pétrir. Pécrire ? Pécrire v. tr. (3e groupe)