#boost#11bis, Manuela Drager, après (Déluge suite)

La pluie avait cessé et le soleil brûlait. On ne pouvait plus rester sous la tente entre les râles des vieux et les cris des plus p’tits. Une forte odeur d’humains nous prenait à la gorge. Les sauveteurs ramenaient tous les jours des retardataires qui s’étaient réfugiés dans leur maison au dernier étage et qui n’avaient plus ni eau, ni électricité.

Liam et moi prenont la décision, un soir, de filer à la belle étoile, pendant que les parents dormaient. 

Je prends à la va-vite des quignons de pain qui restent de la veille et une bouteille d’eau dans mon sac à dos et Liam pareil. J’ai bien en tête l’histoire du Petit Poucet. Pour lui ça n’a pas marcher, les oiseaux avaient tout liquidé… mais bon, j’ai de l’espoir, on est pas dans un conte. C’est la vraie vie…

Quand on part à l’aventure, se perdre, c‘est pas la première chose à laquelle on pense, mais moi, j’avais quand même un peu peur.

On est prêts et vers 21h00, tout le monde est au calme dans notre section, on commence à s’approcher de la sortie pour disparaitre complètement du refuge. La fraicheur du soir nous invite à la liberté, enfin.

On a entendu parler d’un lac qui s’est formé suite au déluge, et un village à quelques kilomètres du nôtre a été enseveli, une partie de barrage a cédé sous la pression des précipitations, on veut voir ce désastre de près. Une cité perdue nous attend peut-être…

Nous commençons notre descente au pas de course, pour ne pas arriver dans la nuit noire. Parfois je retarde la marche avec mon histoire de Petit Poucet. Liam trouve l‘idée ridicule, mais il me laissait faire. Plus le soleil se couche, plus je sens mon corps reprendre des forces. Mes muscles se gonfler, mes bras, m’ entrainer vers l’avant. En pantalon nous nous accrochons systématiquement  dans les ronces et les bras des arbres bas nous agrippent au passage pour nous retenir. Nous arriverons en guenilles, griffés mais rien ne peut nous arrêter…

En bas du sentier sombre et escarpé, on entend une nuée de moustiques nous charger : Liam et moi, on remue des bras en moulinets pour chasser ces sales bestioles, piqués au visage, les démangeaisons commencent à nous accabler de plus en plus. Nous avons vraiment besoin de nous rafraîchir et les moustiques, c’était quand même bon signe, marmonne Liam pour me consoler, on se rapproche du lac. « Allez viens » m’entraine-t-il en me tirant par la main. Je me laisse faire. Sa main ne tremble pas il me rassure. 

D’un coup, l’épais maquis laisse place à la grande étendue d’eau claire où se refléte les ombres du soir. Immédiatement, irrépressiblement, guenilles à terre, nous plongions nus dans cette eau fraîche . Nous  nageons dans le bonheur. Nous avons bien fait de quitter les hommes pour ce coin de paradis.

Après…

Alors que je nage, sur le dos, légère, en regardant le firmament  étoilé, je heurte brusquement une pièce métallique. C’est le coq d ‘une girouette, tout rouillée, qui me regarde avec de gros yeux globuleux. Mes cheveux se sont emmellés dans sa sa rose des quatre vents.  « Haï ! »A mon cri de surprise et de douleur, Liam se précipite vers moi. Ce coq est une girouette en féraille qui ne flotte pas, elle est attachée à quelque chose de plus grand que nous ne pouvons pas distinguer dans la nuit. Liam plonge et ressort en me disant qu’il a découvert, à tâtons, là, sous l’eau, les ruines du village, le toit du clocher cassé et renversé, un crucifix planté dans la vase et c’est vraiment pas le paradis comme prévu…Et là, je me dis, s’il y a le clocher là au-dessous de nous, le cimetière n’est pas loin; un grand frisson me traverse. Je revois les yeux du coq, et transie d’effroi, je veux rejoindre la rive avant que cette baignade tourne au cauchemar.

  • – Viens Liam , on sort d’ici. Je veux plus trainer dans le secteur.
  • – Mais de quoi t’as peur, ici ? 
  • – Je pense qu’il y a un cimetière marin juste en dessous. On ne sait jamais, ce coq avec ses yeux, il m’impressionne
  • – Mais tu entends des voix, ma pauvre !
  • – En plus il y a de plus en plus de vagues et de vent  sur ce lac. Je sens que quelque chose ne va pas
  • – Arrête, je te vois venir avec tes histoires de zombis.Ton imagination va faire déborder le lac, attention ! dit-il en riant !

Liam me suit près de la rive pour sortir de l’eau. nous nous y reprennont à plusieurs fois tellement il y a de vase et d’herbes hautes. Rien à quoi se raccrocher. j ‘ai les mains en sang à force de me hisser en tirant sur les branches coupantes de roseaux. Puis, c’est le tour des touffes de ronces qui lnous accueillent pour finir leur mise au sec.

  • – Tu parles d’une baignade romantique, j’ai les mains en sang.

Liam a réussi à sortir en se hissant d’un bond sans agripper les roseaux.

  • – Attends, je vais te bander les mains avec ma chemise. Eliam déchire aussitôt sa chemise qui
  • se retrouve en lambeaux. Il en découpe des bouts de tissus avec lesquels il fait de fines lanières, et bande délicatement mes mains blessées .
  • Je n’imagine pas que Liam, qui se moquait de moi quelques minutes, avant peut être si doux et prévenant.

Nous nous rhabillons rapidement car le vent se lève et nous avons peur que la pluie ne reprenne.

Il faut rentrer au refuge. Heureusement la pleine lune,est là pour nous éclairer. Liam et moi retrouvont les quelques quignons de pain blanc en rebroussant chemin. Je ne sais plus comment remercier Charles Perrault…et Liam non plus…

A l’approche du refuge, Liam et moi ressentons que nous avons vécu un moment que nous n’ oublierons jamais.

  • – Alors , tu ne regrettes pas notre escapade même si tu t’es blessée les mains, je suis vraiment désolé… demande Liam
  • – Non, je suis prête à recommencer quand tu veux mais la prochaine fois , je mettrais des gants.
  • – Tu es toujours de bonne humeur même quand il arrive la pire des mésaventures !
  • – Oui j’ai confiance en toi maintenant ; quand j’ai eu peur sur le lac , et on est sorti de l’eau aussitôt.
  • – Je reconnais que tout ça n’était pas très rassurant et que je n’avais aucune intention de te contredire même si je t’ai un peu taquinée.
  • – Viens suis moi, on va à l’ infirmerie, je vais refaire tes pansements.

Quand, Liam et moi approchons du campement, un comité d’accueil nous attend. Nos parents munis de lampes torches font des rondes autour de la grande tente et hurlent nos prénoms « Noooaaaa, Liiaaammm. ».

A notre apparition, vêtements déchirés, cheveux mouillées et bandages, ma mère croit défaillir, et mon père, après avoir constatés que nous sommes sains et saufs me prend par la main,fermement, et rentre sous la tente pour m’annoncer que dès le lendemain je prendrais le train pour Paris et que les petites escapades entre copains étaient une histoire terminée. Il déplore sèchement l’état dans lequel nous sommes et remercie le ciel que nous sommes tout de  même rentrés en entier au refuge .

C’est la dernière fois que j ‘ai vu Liam. N’ayant aucune adresse, on se promet de s’écrire en poste restante le temps d’y voir plus clair.

Je rentre au refuge avec le sentiment que les hommes ne sont rien devant ces millions de tonnes d’eau qui gonflent la terre, la défigurent, lui enlèvent toutes traces de vie et noie ses cimetières. Reste les mouches et les moustiques qui tournent autour.  Décidant de m’éloigner de ce déluge si beau et si cruel. Je ne peux, alors, deviner ce qui m’attend, et je ne suis pas arrivée au bout de mes épreuves.

Codicille :je n ‘ai pas du tout , suivil la consigne , je dirais que c ‘est plus une suite , qu’un « après » , mais je ne peux décoller de mon histoire ...(j ‘ai tout réécrit au présent de narration)

A propos de Carole Temstet

Née , à Paris en 1966 , animatrice d' atelier d 'écriture depuis 17 ans , dans les milieux scolaires et associatifs, j 'aide adultes et enfants à développer leur créativité et à y prendre goût au sein de l ' association Mots et Pinceaux à Nogent sur Marne. J'ai publié , un premier roman intitulé "Hors sujet" et un roman pour la jeunesse à partir de 9 ans " Violon d'étoiles" illustré par mes aquarelles, dit par P. Calmon (acteur) et joué au violon par I. Scialom (violoniste). (lien à trouver sur Publibook.fr) site FB : Carole Temstet

6 commentaires à propos de “#boost#11bis, Manuela Drager, après (Déluge suite)”

  1. tu gardes ton fil du déluge et on l’emprunte à ta suite comme des enfants…
    j’ai craint pour les corps nus plongeant dans ce lac dont ils ne connaissaient rien, ni profondeur ni vents ni courants, oui j’ai craint qu’ils ne se blessent…
    (petite note : je remarque ton utilisation du « nous » seulement au milieu du texte… peut être qu’en user d’entrée aurait modifié ton écriture ?)

  2. Merci Françoise pour tes précieux conseils , je le note et j ‘en tiendrais compte lors de mes réécritures, à suivre …

  3. C’est beau (mais terrifiant) cette image du coq noyé, comme Françoise j’ai pensé blessure, un conte cruel lors de la fin du monde? en même temps il y a quelque chose d’assez détendue dans l’attitude de ces enfants, l’aventure avant toute chose!

  4. Oui c ‘est un passage un peu angoissant pour les enfants , il trouve un cimetière marin, les ruines d’un village. c’ est un terrain d ‘aventure , mais leurs parents vont coupé court à cette expérience et les séparer Noha sera envoyée à Paris….

    Merci pour ce retour .

  5. j’aime te suivre sur ces chemins d’après déluge qui se prolongent de textes en textes, et semblent si réels, le coq de fer ou de fonte partie tangible d’un monde englouti nous saisit d’autant plus .