#boost#11 ter, dans les escaliers

Le conteur aux acouphènes

J’ai compté, on en est à la moitié, reste 100 marches. Sachant que l’on recule de trois mètres toutes les 15 minutes, on devrait arriver en haut dans deux heures, au mieux. Faudra que je demande au docteur Pi ce qu’il en pense, ça pourrait se présenter sous la forme d’une jolie équation diophantienne. Si les marches s’emboîtent les une dans les autres (ce qui n’est pas le cas à présent elles sont toutes bouci-boulà, complètement bourniflées, mais imaginons qu’elles soient toutes strictement égales) alors elles s’emboîteraient. Est ce qu’on peut y transposer le lemme des noyaux ? Tout est dans le noyau. Tout à fait de circonstances pour des jardiniers, dommage que j’ai pas de crayon sous la main, faut que je le retienne. Les noyaux itérés grandissent et s’emboîtent les uns dans les autres, ça sera le sésame, si jamais on arrive quelque part. Il était grileur, les verchons fourgus bourniflaient sur la loindre, tout frivoleux allaient les borogoves. Tout à fait ça. Tellement de tétards dans ma tête, ça me fait comme une harmonie, harmonica, cahin-caha,qu’a Monica là ? Ma Monica oh ! Là ! là, mon Nikon là, mais débranchez-moi cette oreille. Tempête dans mon crâne perforé, oui je crois, croa, croa. Gardons du sens dans le non-sens, suivre l’éclaireur avec son air de batracien, une nuit de crapauds comme celle-ci, cela me semble tout indiqué, il a vraiment des yeux sur les rebords, il pourrait se transformer en têtard et filer dans le premier tuyau mais faut lui faire confiance il a l’air de s’y retrouver dans cette jungle. Tout calme, à croire qu’il est nyctalope. Si je tombe sur une gouttière de cuivre, j’en profite pour la prendre puisqu’il y en a qui sont assez bêtes pour ne rien en faire. Nuit de folie, des trouvailles, des éoliennes, j’en cherche, très difficile à trouver, un vrai trésor, pour alimenter le puit, plus besoin de pédaler comme un gros porc, avec les risées qui nous tombent dessus, on va mettre le turbo.

La noteuse d’intentions

Je suis une fourmi dans la fourmilière, on vient de secouer la fourmilière, panique, cela forme une rosace, avec les pétales arrondis, je suis au centre puis derrière à suivre la trace de celle qui me précède, quand nous nous renversons, me voilà devant, poussée par les autres, par la colline par le vent chaud, par les lueurs. Je n’ai pas peur du visqueux, j’aime pétrir la matière, les mains dans la terre, le sol me porte, je n’ai pas peur de la procession des gastéropodes en déroute, leur mauvaise réputation, histoire de jardiniers, suffit de plus y penser, devenir écorce, racine, tige sur laquelle les insectes passent mais si, les escargots me grignotent, me trouent, me déchiquettent, me perforent, m’aspirent, m’encollent, m’agrippent, me désagrègent. Je fais partie du tout mais le tout a perdu son axe. Toutes ces sensations vont nourrir ma pièce, je les regarde tomber puis s’encorder, je m’accroche aux racines, je suis nouée par les plantes, je m’en libère, je marche nu pied, la terre est granuleuse, poisseuse, me retient, glisse, me rejette, me propulse. Maelstrom du printemps, graines éclatées, griffées, je suis aussi spirale, pousse émergente, je dois envoyer mon dossier avant demain matin, dernière limite, je n’arrive pas à envoyer mes fichiers, plus de réseau, avant demain matin, je peux pas laisser tomber, peux pas abandonner, me faut cette résidence, me faut l’argent, des fonds, des ronds, j’arrête pas de remplir des dossiers, langue hermétique abstraite si danseuse je suis, dois mettre mots en mouvement, connais pas de repos.

La porteuse de parpaings

Fais attention au tuyau, c’est pas le moment de tomber, plus que six parpaings à descendre, comme ça on pourra plus me retoquer avec ma cabane quand il y aura le contrôle. La semaine prochaine. Y disent que ma cabane met en péril la colline, comme si une cabane de charlot pouvait effondrer des fortifications de 10 mètres de large. Cette année la cabane, l’année dernière mes trois sacs de compost ont mis en péril la structure entière de la colline, elle menaçait de se retourner, mais aucun problème pour abattre les arbres, goudronner pour les voitures, les tractopelles, et la pluie qui peut plus s’infiltrer dans le sol ! N’empêche qu’ils sont sacrément lourds ces parpaings, faut pas que tu te pètes ma fille, gaffe ! pas à pas, déplie ton pied dans le bazar des escaliers tordus, pas d’aide, fiérote, sinon on est redevable, putains ces parpaings, un vrai bousier et sa boule de lisier. Tout ça,c’est la faute aux Nœuds lunaires.

A propos de Hélène Boivin

Après avoir écrit des textes au kilomètre dans un bureau, j'ai écrit des textes pour des marionnettes à gaine et en papier. Depuis j'anime des ateliers d'écriture dans des centres sociaux et au collège. J'entretiens de manière régulière ma pratique auprès du Tiers-livre.