Elle regarde la porte de sa cellule se fermer. On lui a retiré son grade. Elle pense qu’elle est plus légère comme ça. Madame la psychologue des profondeurs s’étend sur la banquette de sa cellule comme quelqu’un qui n’a plus peur du temps. Bien avant le voyage, elle avait marché le long de cette plage aux galets, le souvenir de la chaleur, la solitude, le sens des responsabilités ne la jamais quitté. Quoi qu’ils en disent. Elle pense aux vieux bateaux colorés qui ont tant de signification. Avant, ils allaient pêcher avec ces bateaux, il n’y avait que ce type autour de l’ile. Elle regardait son père partir et quand il rentrait, souvent, il tanguait. Le sourire en l’air, il n’était pas rare qu’il tombe à la renverse. Elle a toujours pensé que son père était fait de milliers de morceaux de pierre. Était-ce un homme responsable ? Elle voulait dire, est-il responsable de la manière dont on lui demande à elle de l’être ? Ce n’était pas un militaire, il n’avait pas donné sa vie à son pays, il n’avait pas promis de ramener un vaisseau, il n’avait pas laissé les membres de son équipage derrière lui. Elle regardait le sol de sa cellule et le visage de son père qui dansait sur la table devant ses femmes et ses hommes qui riaient alors qu’elle l’attendait à la sortie de la cabane.
Je serais pas long. Lui avait-il dit ce jour-là.
Puis, elle s’était endormie après avoir fixé les étoiles. Quand il était sorti, soul comme une barrique, le fait de voir sa fille couché par terre l’avait suffisamment dessoulé qu’il avait marché droit et lentement tout le long du chemin jusqu’en haut de la section d’acomat. Elle avait ouvert les yeux.
Mmm, ti fi an moin… chantait-il doucement, alors, en sécurité, Corine continua à regarder les étoiles et se promit qu’un jour, elle irait voir.
La cinquième fois qu’elle se retrouve dans le bureau de la conseillère principale d’éducation.
Réponds ! Pourquoi, tu l’as tapé ? Est-ce qu’il t’a touché ? insiste la CPE.
Corine regarde par la fenêtre.
Ah, ces cheveux ! Tu peux pas t’en occuper un peu ? Tu sais bien que si tu n’étais pas aussi doué, on t’aurait déjà foutu dehors. J’espère que ses parents ne vont pas porter plainte.
Ça sonne. Corine regarde la conseillère.
Fous-moi le camp ! Et…
Corine court dans les couloirs. Elle entre dans la salle d’anglais et prend son sac.
Corine ! lui crie le professeur d’anglais alors qu’il essuie le tableau.
Corine court le long de la route. La voiture d’une de ses camarades la dépasse et s’arrête devant elle.
Corine l’évite en souriant et continue à courir le long de la route. Elle n’est pas le moins du monde essoufflée. Elle dévale la pente et arrive sur la plage. Elle salue le vendeur de glace et de crêpe. La patronne du restaurant. Deux femmes chuchotent en la voyant passer. Corine baisse la tête.
Corine, tu viens avec nous ? lui dit un jeune homme en tenue de plongeur qui pousse un petit bateau à moteur.
Non, j’ai besoin de m’aligner.
Hum !
Corine marche le long de la plage et quand les gens sont devenus tout petits. Elle hurle. Elle pleure. Elle tombe, les genoux sur les galets.
Il fait nuit. Corine est dans sa petite chambre, elle est éclairée par le lampadaire extérieur de sa rue. Elle a étalé de l’argent sur son lit. Elle le compte. Elle le serre fort dans ses mains et le fourre dans sa poche. Elle sort par la fenêtre en faisant le moins de bruit possible. Au moment, où elle se retourne pour prendre son sac, elle voit le visage ferme de sa mère.
Rentré, mamzelle !
Corine et sa mère sont assises sur la terrasse et regardent la montagne.
J’en peux plus maman.
Je sais, je sais…
Alors, laisse-moi.
Tu vois la montagne ?
Maman !
Je te demande simplement si tu vois la montagne ?
Corine soupire.
Ta grand-mère, la mère de ton père. Elle allait cultiver de ce côté-là.
Oui !
Si elle a pu cultiver, tenir sa maison, toi, tu peux bien partir d’ici dans de bonnes conditions. Finis tes études et je t’aiderai, quel que soit ce que tu veux faire.
La porte de la cellule de Corine s’ouvre, un soldat lui apporte un plateau de repas.
Bon appétit mon Capitaine.
On m’a retiré mon grade, vous n’avez plus à m’appeler comme ça.
Je viendrais récupérer votre plateau quand vous l’aurez terminé, mon capitaine.
Le soldat se tourne vers Corine et lui fait un salut militaire très impliqué.
Quand il sort, elle se lève, regarde le plateau. Elle s’approche et envoie tout balader. Elle hurle.
Corine est sur un plateau de télévision. Elle est habillée en officier.
Ça vous arrive de vous détendre, Corine ? lui demande la journaliste en souriant.
Corine la regarde et fronce légèrement les sourcils. Elle essaie de faire un sourire. La musique de l’émission commence et le réalisateur lance l’enregistrement, on fait signe à la journaliste de démarrer.
Bonjour à toutes et tous, je suis heureux de vous retrouver, nous sommes en compagnie du capitaine Corine Desjean qui va nous parler de la préparation de son voyage sur la planète Exo-Terra-C.
Bonjour, j’ai toujours eu du mal à l’appeler comme ça. Dans ma tête, elle porte le nom de Jupiter.
Pourquoi ?
Je ne sais pas.