#rectoverso #03 | il y a la mer

Il y a la mer. Sur la petite table des montagnes face à la chapelle peinte il y a la mer. La mer dans le jardin aux arcades, là-bas, la mer de Duras et toutes les autres. La mer en feu, la mer en deuil, la mer en manque, et la mer de nage. Il y a l’immense qui vide toutes les cages. Il y a toutes les mers, il y a la mer en mascaret sur la page.

Il y a le silence entre les bruits, le silence par-dessus les notes. Il y a le silence des mots phatiques, tournés, contournés. Il y a le silence au plein milieu de la fête et le silence des yeux fermés.

Il y a la peur qui nappe de l’intérieur, qui habille, isole, réclame. Il y a la peur attendue, reconnue, un instant suspendue par les mots qui la tracent.

Il y a le oui de la peau à l’eau de la mer. Il y a le froid qui coulisse le long des pentes et la chaleur du poêle. Il y a la première mesure qui appelle. Il y a le goût du fruit qui s’annonce par l’odeur la couleur et le grain. Il y a la main, le regard, en approche.

Il y a la colère. Il y a 700 hectares, il y a 1200 hectares, 2000 hectares et le canot crevé par les garde-côtes. Il y a des faims et des corps mutilés et toutes les nuits réfugiées, de l’air, de l’eau, et de toutes les violences. Il y a l’indifférence et la bêtise emmêlées dans l’impuissance et la haine. Il y a l’envie torturante d’outrepasser le cri et l’indignation textée. Il y a l’urgence et l’inhibition qui se déchirent. Il y a les urgences du jour qui remplissent et les rires en culture. Il y a les pensées qui tapent leurs vagues dans tout le corps

Verso

Quand on lui demande quelque chose, c’est toujours oui mais. Le couperet avait tranché l’âge tendre et rendu le oui insulaire. Il se presse seul pour ouvrir les textos, harponner une même syntaxe. Oui, se voir ! Oui, demain ! Oui, exactement ça ! Un oui manivelle, un oui-virgule, qui lance la traversée jusqu’à l’autre avec un point d’exclamation en guise de piquet. Que la réponse rebondisse dessus et le joueur reprend 2 coups. Un oui gourmand et un oui sans référendum, vicaire d’un non enfui.

A propos de Anne D

Arrivée en écriture par le paysage et l’architecture, Anne D ouvre les ateliers de Lignes vives aux marcheurs, aux soignants, aux cabossés de tout marteau, avec lesquels elle partage ses nages en littérature pour soutenir des regards singuliers et aviver une écriture sur place et à emporter, celle des autres et la sienne.

7 commentaires à propos de “#rectoverso #03 | il y a la mer”

  1. une 1ère marche franchie (merci François !) vers vous tous dont je lis les textes avec avidité, à un moment où plus que besoin.

  2. ce oui outil me plait, incluant un non « enfoui » plutôt qu’enfui
    merci d’avoir franchi le seuil

  3. merci pour l’accueil au seuil. Il y eu une petite danse entre « enfoui » et « enfui », mais c’est bien enfui = pas disponible au bon moment.

  4. « Il y a toutes les mers, il y a la mer en mascaret sur la page. » et ces variations si subtiles sur le oui. J’aime particulièrement le oui insulaire dont serais curieux de connaître les résonances. Continuez de nous régaler de vos si belles phrases !