#rectoverso #01 | Mobilité très douce (V2)

Ils traversent l’espace comme des i, le dos très droit, le regard tendu vers quel avenir, on ne sait pas, c’est peut-être trop tôt pour le dire. Ils sont vêtus de noir, souvent ce sont des hommes, presque toujours tête nue. Ils filent à vive allure. On les reconnait de loin, à cause de ce bruit si particulier. Il fluette sur la chaussée. C’est la petite roue qui tourne sur elle-même qui fait ce son sifflant très aigu ; rien à voir avec le vélo où s’entend le pédalier et la pédale. Là c’est un trait qui imprime sa vitesse, mieux, c’est l’accélération en marche ! La nuit ils clignotent avec au bas de leurs pieds une bande fluorescente. Il y a des raies lumineuses de plusieurs couleurs, et à plusieurs endroits. Les voitures pilent, les contournent, de jour comme de nuit. Et les gens sur les trottoirs, quelque soient leurs âges, les mémés, les enfants, les ados, les papas avec les poussettes, tous, lèvent les yeux pour bien regarder à droite à gauche et tout le temps, même qu’ils font des pas de côté pour les éviter. Chacun, semble, espérer le moment où une telle tête tombera. C’est moche, comme pensée, mais bon. On songe, on se triture l’esprit. Comment ça pourrait s’arrêter, le cirque ?  Les idées fusent, on opte tantôt pour le béton ; la tête trop lourde irait cogner le sol. Tantôt on croise une poubelle verte, et on les imagine, plonger la tête dedans. Comme ça serait drôle. Ou alors on les voit fonçant sur l’issue de secours. Histoire de bien planter le décor. Réveillé une fois de plus, dans notre déambulation, par ces moustiques de ville, on lève les yeux, sur un autre corps. Ils sont, maintenant épaules contre épaules comme des siamois. Ils ne parlent pas. Sérieux comme des papes. Et on se dit que ces monstres à deux têtes frottent le bitume en nouveaux maîtres du monde. AU MOINS se dit-on pour se rassurer : « ces fusées-là, elles ne font pas de fumée ! »

Les bancs, trop chaud (V2)

Sur le premier banc, l’homme transpirait à grosses gouttes. Il était anéanti par la chaleur, son chien à ses pieds, ne bougeait pas non plus.  L’homme était assis sur le côté droit, presque au bord. Et sur la gauche, installés comme copain copine, trônaient un choux fleur et des gousses d’ail.

Sur l’autre banc, une jeune était très concentrée sur son portable, elle scrollait à tout va. Elle avait un pied sur le banc, avec un genou replié qui touchait sa poitrine ; son index très alerte caressait l’écran, et elle, ne semblait pas sentir l’air qui commençait à frémir et à glisser sur son visage.

Plus loin, une autre jeune, l’air triste, regardait de face de manière très fixe. Elle était assise plus classiquement avec les jambes pendantes. Son T-shirt sans manche avait des rayures sans doute pour rappeler la mer qui soupirait dans ses rêves.

Case vide

Blanc blanc blanc

La papoterie

2 jeunes gens un garçon une fille déballent les cartons quasi devant la porte d’entrée ; ils parlent fort pour qu’on les entende ; ils parlent comme s’ils étaient chez eux ; sont dans un magasin ; sont employés ou fils de ou stagiaire ; ça sent la fin des classes ; elle, elle dit qu’elle est d’une famille noble, ils ont perdu le « de » en route mais elle est très fière de ses ancêtres, tu vas te moquer, lui a-t-elle dit toujours aussi fort, même s’ils semblent se parler sur le ton de la confidence ; ambiance potache ; c’est normal ; on doit rire ; il y a des rayons plein de crayons, de gommes de cahiers à spirale et sans spirale des tourniquets à cartes postales et à droite de l’entrée la banque où l’on paye avec un autre employé plus âgé ; TÉLÉPHONE ; les 2 jeunes crient en direction d’un autre homme qui est lui à l’étage ; il n’a pas décroché ou son téléphone n’est pas chargé ; il, est, pas chargé, hurlent-ils en chœur ; ça se moque ouvertement ; où sont les autres clients ? cachés sous la feutrine ? l’homme employé derrière la banque plus discret fraternise avec les 2 gamins ; le boss-patron débonnaire débaroule les escaliers pour prendre l’appel. Je paye gênée.

A propos de Judith Judith

judith judith écrit de la poésie et la performe

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