Recto 13
À partir des fragments du #Verso 6# « Mais je suis restée là…. pendant que cette chose qui avait l’allure d’une femme se rapprochait. D’une voix d’outre-tombe, elle m’a demandé de lui porter secours… et du #Recto 12# … je ne pouvais pas ignorer la réalité de ce corps retenu, de cet esprit prisonnier et d’une vie qui avait été dérobée. »
SUIS ni traînarde ni éclopée
MOTS tous emmêlés
Mal à dire Mal à tête
Fièvre monte haut Membres chahutés
Tremblée longtemps comme FEUILLES dans le vent
CŒUR trop palpité
Ne plus pouvoir RESPIRER
VISAGES et CORPS transformés
Mais toujours une bouche
Mais toujours un nez
Mais deux yeux hallucinés
VIE effondrée
Trop grand vide sang larmes
Trouent le PRÉSENT
Enfermée dans hôpital haïs Continuée à grandir
AIMER toute ma VIE
Les PAPILLONS
Les FLEURS L’ODEUR des BOIS
La TERRE MOUILLÉE
Voulais toujours COURIR dévalée COLLINE
17 ANS pas sérieuse
Claqué les murs CRIER
Toujours grondée bouche ballonnée
Électrochoc douche froide isolée
Blanc partout interdit de bouger
Omerta de la société
Fais de moi sur papier SORCIÈRE FANTÔME ou FÉE troublionne
Verso 13
Voix 1 : Mes très chères enfants, ouvrez grandes vos oreilles et écoutez-bien mes paroles car elles viennent du tréfonds de mon cœur et traversent en ce moment les siècles. Je vous promets désormais de faire mon possible pour que nos échanges vous guident progressivement sur le chemin de l’émancipation. Chacune a son rythme et selon sa façon. Car être une femme libre de ses mouvements et de ses pensées c’est oser se tenir debout quand bien même la société toute entière veut vous laisser assise.
Voix 2 : Se tenir debout… en voilà une bien drôle d’idée ma bonne Dame Angélique. Moi qui reste courbée des heures sur mon linge au lavoir et me le trimballe une fois propre pendant des kilomètres dans ma brouette. Croyez-vous vraiment que je peux relever la tête, moi une femme du peuple ?
Voix 1 : Oui, ma p’tite Lison, avec du courage vous le pourrez, j’en suis certaine. Il faudra apprendre à élever votre regard et à faire fonctionner votre esprit en plus de vos mains qui déjà travaillent dures. Mais dites-vous bien surtout que vous en êtes digne. Une femme qui connaît sa valeur est déjà sortie de moitié de ses chaînes.
Voix 3 : Vous oubliez moi où quoi … moi pas comme les autres filles… enfermée toujours dans hôpital.
Voix 1 : Mireille, mon petit trésor, pardonne-nous, comment te sens-tu aujourd’hui ? As-tu encore mal à ta tête comme l’autre jour.
Voix 3 : Non, moi vais bien…moi courir ce matin après les papillons. Mais moi vous écoute et veux devenir grande.
Voix 1 : Être grande Mireille, ce n’est pas seulement prendre des centimètres, marcher et parler comme les autres mais c’est savoir que ta personne a de la valeur et que l’on doit la respecter. C’est aussi décider comment on regarde le monde, choisir ses propres mots et savoir quels gestes on offre aux autres.
Voix 3 : Moi… j’aime arroser les fleurs.
Voix 1 : Mais Mireille, c’est déjà extraordinaire car tu choisis de faire grandir ce qui vit. Tu es une enfant pleine de poésie.
Voix 3 : J’aime bien aussi tu sais, aider à la cuisine et j’aimerai bien aussi apprendre à mettre la table.
Voix 1 : Mais quel beau projet !
Voix 2 : Dame Angélique, vous parlez depuis votre monde. Dans le nôtre, où nous n’avons pas un sou, les patrons commandent, les hommes boivent et les femmes sont obligés de supporter.
Voix 1 : Alors soyez la voix qui refuse. Mais allez y doucement, commencez par le murmurer ce mot. Si aujourd’hui c’est à peine un souffle, demain ou après-demain vous apprendrez à dire toute une phrase. Et un jour, votre discours portera ses fruits et vous verrez votre horizon changer.
Les voix doucement s’estompent. Chacune garde en elle l’écho de ce moment suspendu…
… les voix…magnifiques…il y a de grands projets.. l’émancipation .. arroser les fleurs… merci pour ces mots encourageants.
Merci Ève pour votre message. Je n’ai pas été très à l’aise dans ce dialogue car le personnage de Mireille est apparu seulement dans mon écrit précédent. Il s’agit d’une petite fille de cinq ans handicapée mentalement qui est placée à partir de 1950 dans différents établissements psychiatriques. J’avais prévu de l’orienter au cours de cet échange vers l’apprentissage du refus. C’est-à-dire apprendre à dire non, à refuser tout ce qui la heurte au sein de ces structures mais j’ai crains pour les conséquences que pourraient avoir son attitude sur son quotidien dans ces établissements. Je ne sais pas trop encore comment je pourrais aborder ce sujet-là. La connecter à la nature par le biais des fleurs et en prendre soin par l’arrosage m’a semblé un bon compromis d’un point de vue métaphorique.