Il y a mes songes à tire d’ailes
Il y a la clarté du monde
Il y a le soleil couchant qui te nimbe de rose
Il y a les écharpes de brume autour de ton cou
Il y a l’autan dans tes blés d’or
Il y a l’air bleuté de l’automne
Il y a notre charnelle communion
Il y a tes papillons frémissants à l’entour
Il y a tes oiseaux qui se chantent
Il y a le moelleux de tes mûres, l’âpreté de tes prunes
Il y a le rire de notre amour vainqueur.
Il y a le trouble des âmes
Il y a le charme des choses
Il y a des baisers d’enfants
Il y a le temps qui fait des pauses
Il y a le tremble des amours naissantes
Il y a des joues de soie rose
Il y a l’ivresse des montées, la brisure des retours
Il y a le tressaillement complice du jour
Il y a la fumée des rires adolescents
Il y a la chaleur qui garde les grands dedans
Il y a les interstices où se glisse le bonheur
Il y a l’acuité du chant des cigales
Il y a les parfums du soleil de feu
Il y a le jus des figues mauves
Il y a le royaume de ma jeunesse
Il y a quelque part un coteau, son vieux moulin, ses sortilèges.
Oui, j’ai obéi à l’oncle Charles, j’ai fait mon sac et je suis parti. Il le fallait puisque j’étais banni. Je pensais qu’il n’y avait rien d’autre à faire. Oui, je te demande pardon. Pas de t’avoir aimée, de t’avoir mise enceinte. Oui, j’étais le père de l’enfant que tu portais. Il était un enfant de l’amour, celui d’un amour pur mais interdit. Oui tu étais et tu es toujours ma cousine germaine. Ça ne se fait pas ces choses-là entre enfants qui ont grandi dans le même foyer. Oui, ta mère était en colère, oui elle en avait le droit. Pour elle c’était un déshonneur. Elle ne voulait pas, elle ne pouvait pas perdre la face. Le qu’en dira-t-on, ta réputation, la famille, les amis, les connaissances. Ton père a toujours fait ce qu’exigeait sa femme. C’était elle qui portait la culotte dans son ménage. Oui, j’avais déshonoré la famille. Je devais t’abandonner pour que notre enfant vive. Oui c’était le mariage de réparation, pas avec moi, avec un autre, ou l’avortement. Pas l’avortement, as-tu murmuré dans tes larmes. Oui, d’accord, je pars. Il y a des oui plaintifs, désespérés, à peine audibles. Mon oui était-il de cette sorte ? Était-ce un oui honteux ? Mes oui ne sont jamais honteux. Quand je dis oui, c’est oui, car je suis un homme qui assume ses actes. Oui, je pars, mais je suis le père de ton enfant, quoi qu’en disent tes parents, c’est ainsi. Oui un jour je reviendrai, je rentrerai au pays. Oui je te dis oui, comme tu m’as dit oui, ce jour-là, dans l’herbe, derrière le vieux moulin du coteau. Y avait-il un non dans ton oui ? Oui, c’est beau l’Amérique, j’y ai fait mon trou, j’y ai un travail, des amis aussi. Des femmes ? Oui, des femmes aussi, mais pas d’amante, car tu es celle que je nomme en secret « mon amante », dans mon cœur, dans ma chair, dans mes rêves d’avenir. Tu m’as dit oui à l’aube de tes quinze ans. Un oui pareil, ce n’est pas rien, c’est tout. Ce n’est pas une fin mais un commencement. Ton oui, qui fit tressaillir ma chair, a ébranlé mon âme. Elle sonne différemment depuis. Je l’entends en majeur lorsque je suis gai, en mineur si le désespoir vient à me submerger. Oui, la vérité sera dite, oui notre fils a le droit de connaître son père. Oui je veux embrasser notre enfant. Oui j’ignore ce qu’il va arriver. Oui, je dis oui à tout ce que tu voudras.
Oui, je rentre au pays, car tu es mon pays.
Merci Emilie. Très fort
Merci de m’avoir lue, Ugo et d’avoir apprécié ma petite contribution. J’ai le sentiment d’être très scolaire. Je cherche à répondre aussi précisément que possible à la proposition de François. J’admire ceux qui, comme vous, s’en écartent pour de belles envolées solitaires.