#rectoverso #08 | Deux tiers de ciel

Il ne sait pas toujours quand on joue. Il se met dans un coin, il s’accroupit. Il pourrait s’asseoir sur le banc, par terre, mais il préfère choisir un coin, s’accroupir et attendre. Il me regarde car je dois être celle qui ment le moins. Ses yeux clignent peu, ouverts effarés, comme s’il découvrait avec surprise qu’une minute succède à une autre, qu’il y a là un effet du temps qui le dépasse et le laisse de côté, ne le laissant pas digérer l’instant qu’un autre déjà le supplante. Il se recule, nous observe accroupi, comme un animal séparé entre sa proie et son prédateur. Il me regarde, je le regarde. Nous sommes au monde. Nous partageons la même frontière.

Elle m’appelait pour les rejoindre. Elle était à la fois dans le groupe et à l’écart. Elle était un pas derrière le cercle et regardait tout autour comme pour trouver un autre endroit où aller. Elle aurait pu venir mais n’osait pas. Elle se serait mise à côté et aurait regardé avec moi, les deux tiers de ciel et le tiers qui ne le regardait pas. Je les voyais se disperser, elle se dispersait moins. Quand ils jouaient à ce jeu-là, elle se mettait toujours sur la gauche, comme pour être éliminée en premier. Hors du jeu, elle allait près d’un mur et s’y appuyait longtemps en souriant. Elle se défaisait du groupe. Quand elle pouvait, elle levait les yeux et regardait.