#rectoverso #09 | refus

#9
Triade première

Questionato

L’un l’une d’entre vous a-t-il-t-elle étudié la rémanence des porte-parapluies ? Les maisons de la Normandie en ont-elles gardé plus longtemps que d’autres ? L’objet, un haut ventre de cuivre sans col, a-t-il été placé là pour un âge sans parapluie, histoire d’intercepter balle ou bottines d’un tintement de gong et de donner à réfléchir sur l’usage des choses et du monde ?

Educato

La manger au goûter. Si on ne finissait pas la raie aux câpres, une palme visqueuse dans son beurre noir, on la retrouverait au goûter. Les petits chinois seraient contents d’en manger. Une gravure bien plus profonde qu’un tatouage.

Le vieil escalier de chêne bruit, la nuit, le matin. C’est sûr il y a quelqu’un. Ne réveiller personne. Avoir peur en silence. Ne pas crier, ne pas pleurer, attendre et avancer dans la fonte de la nuit d’un craquement à l’autre.

Triade 2ème, legato

Toute nourriture est interdite dans la chambre de la maison louée aux étudiantes à côté de la gare. La cuisine commune est dans la cave à côté de la laverie commune. Les jours de chance les œufs cuisent sans se briser dans la bouilloire au connecteur de bakelite et fil de tissu zébré dans laquelle le courant hésite à se rendre de manière continue. Un yoghourt tiré d’une boite en carton remplie de paille garée sous le lit que la dijournaia feint d’ignorer complète la grignote des envies de solitude.

Le bruit des trains dans la chambre proche de la gare pour aller en montagne, n’empêche ni de lire ni de rêver la prochaine neige.

Triade 3ème, Libertés

Lire Le Monde – si besoin préciser Le Monde papier – en haut de l’échelle du grenier, sur la moquette du mince palier. L’échelle s’ébroue sous le poids du premier pied. On tient d’une main la rampe sans barreaudage, de l’autre le thé. Les taches mettent plus ou moins longtemps à s’effacer sur le pin des marches. Les seules qui ne soient pas cirées.

Manger des chapatis avec les mains drapée dans le tissu vert veiné de blanc rapporté de Mombasa. Tremper des petits gâteaux dans du vin rouge à n’importe quelle heure.

Triade 4ème, Incomplète

Le pull marin est mouillé, la traversée de la petite ville normande pour rouvrir le labo après sa fermeture. Une odeur dans le noir. Des bras qui montrent les bacs, les pinces, aident à un réglage. Un brancard doux autour.

Comme chez l’orthoptiste, vient un moment où il faudrait remettre le cowboy sur son cheval, la fleur dans le vase et l’oiseau dans sa cage. Comme les yeux après l’insomnie, la mémoire se cabre. Veut bien cracher des bribes, par à coup, mais ne veut pas respecter le ternaire, ni le rectoverso, ni versorecto, ni aucune règle. Rien de nouveau. Sous l’espaceobjetnourriture l’isolant dans toute sa densité.

A propos de Anne D

Arrivée en écriture par le paysage et l’architecture, Anne D ouvre les ateliers de Lignes vives aux marcheurs, aux soignants, aux cabossés de tout marteau, avec lesquels elle partage ses nages en littérature pour soutenir des regards singuliers et aviver une écriture sur place et à emporter, celle des autres et la sienne.

10 commentaires à propos de “#rectoverso #09 | refus”

  1. La mémoire qui se cabre le cheval qui regimbe mais un texte qui s’écrit ne se refuse pas. Pour ainsi dire on y est « gravure plus profonde qu’un tatouage ». Les termes en italique jouent-ils une partition ? Merci !

  2. « Avancer dans la fonte de la nuit «  la mémoire se cabre et fabrique de très parlants collages. ( et réfléchir sur l’usage des choses et du monde en équilibre sur une échelle). Merci pour les images…

  3. La triade première faisant spécialement frissonner devant l’atmosphère ancienne et quelque peu oppressante, le tout comme balayant des époques et des âges qui font résonance… merci Anne

  4. Je reviendrai te lire. Je te suis dans l’escalier : tu dis si justement (comme pour la musique) les grincements. La raie tatouée à l’encre de chine marque non pas l’oreille mais la peau directement : heureuse et terrible collusion des signifiants.