À l’envers, la phrase. Réminiscence patiente, qu’il dit. Ça vient comme ça. Petites touches, petites tâches dans le texte. Du réel en contrebande, caché derrière la fiction. Procédé holographique. Comme on entre dans un tableau, les détails presque invisibles qui vous sautent au visage. Bloc compact. Mais ça pousse dedans, ça remue. Ça remugle même. Ça cogne, et ça sue, ça s’agite, ça fait semblant aussi. Ça fait son malin. Ça pousse sur les côtés, ça boursoufle… Il faut couper, couper couper, tailler dans le vif, saigner la phrase, écraser les mots au talon, frotter les tâches que ça laisse. Étaler la glaise, se vautrer dedans les mots, jusqu’à plus soif et plus faim, jusqu’à les vomir, dégueuler tout ça, cette matière, ce trop-plein sur la page. J’dis la page, c’est le clavier. Mais non, d’abord le carnet, sauf qu’on peut plus lire ce qu’il y a dedans, c’est tout raturé, tout réécrit par-dessus les ratures, c’est pas lisible mais c’est en nous. Après, on tamise. On taille, on coupe. On coupe reflets, jeux de lumière. Odeurs, matières. Allées larges. On garde allées. Aires de jeu, on coupe. Clair obscur, massifs de fleurs, on coupe !
On garde : couleurs, arbrisseaux. Érables boules. Platanes, allez ! On regarde la page. On voit les mots. On voir l’image qui bouge. C’est peu. Les feuilles. La lumière, les feuilles qui font comme une passoire. Y voit rien, le type assis. Y lit. La lumière, des points sur lui. Ça bouge. Ça move. Ouais, faut qu’ça move, comme dans la chanson, hein ! C’est joli, non ? Mignonnettes, les ch’tites taches de couleurs sur le gonze. De petits points mouvants de couleurs pures.
« France apparaît dans l’embrasure de la porte. »
Voix 1 : France ! Alors, quoi ?
Voix 2 : France apparaît !
Voix 3 : Elle apparaît dans le texte.
Choeur : Elle apparaît et s’immisce dans le livre !
Voix 1 : Elle vient d’où ?
Voix 2 : Ne sais pas.
Voix 3 : Lui ?
Voix 2 : Lui non plus ne sait pas.
Voix 3 : Souvenir ?
Voix 2 : Non pas.
Voix 1 : Elle vient d’où ?
Choeur : De sa chambre, tiens !
Voix 2 : C’est le matin. L’autre lui sert un café.
Voix 1 : ça commence comme ça, alors ?
Voix 2 : C’est si grave ?
Voix 3 : Pourquoi elle ?
Voix 1 : Elle dit quoi, l’autre ?
Voix 2 : « Personne ne me comprend comme elle. »
Choeur : Personne ne comprend Claire comme elle.
J’aime beaucoup ce travail, ces deux travaux.
Merci beaucoup Emilie. J’ai eu du mal avec cette proposition, votre retour me fait plaisir.
Contente de voir que je ne suis pas la seule à avoir « eu du mal avec cette proposition »
Beau palimpseste « Mais non, d’abord le carnet, sauf qu’on peut plus lire ce qu’il y a dedans, c’est tout raturé, tout réécrit par-dessus les ratures, c’est pas lisible mais c’est en nous. » Merci Philippe
Touchée
Le fouillis puis,
La coupe de l’écriture
Choisir, ratiboiser, la laisser
y revenir
l’entendre ou pas mover
Merci
Merci Philippe pour ce texte. On se reconnaît dans le recto ! les détails presque invisibles qui vous sautent au visage…. et tout le reste ! Ca coupe, ca gouve..
Et comment ces personnages surgissent dans le verso. J’ai aimé !
Merci Yael
Merci Philippe pour ce texte. On se reconnaît dans le recto ! les détails presque invisibles qui vous sautent au visage…. et tout le reste ! Ca coupe, ca gouve..
Et comment ces personnages surgissent dans le verso. J’ai aimé !
Merci Isabelle !
idée parfaite que de remâcher la phrase elle-même, les mots qui s’épaississent et d’explorer là où il faut trancher
et donc il faut il faut absolument impérativement il faut « Il faut couper, couper couper, tailler dans le vif, saigner la phrase… », je t’applaudis des deux mains
dire aussi que je vous rejoins, toi et Cécile, pour avoir eu bien du mal à adopter cette proposition et à pondre un texte (pas le genre d’exercice qui m’emballe)… en tout cas on avance
bien à toi, Philippe
Merci Françoise. Pas facile, la consigne, mais justement, ça oblige à sortir des chemins balisés de sa propre écriture.
« Du réel en contrebande, caché derrière la fiction » : il y a longtemps que je cherche en vain à formuler quelque chose de cet ordre là. Voilà c’est fait. Et ça ouvre grande la porte vers l’écriture. Quant à la description du geste lui-même, tellement vivante, j’aime le « carnet, sauf qu’on peut plus lire ce qu’il y a dedans, c’est tout raturé, tout réécrit par-dessus les ratures » car écrire c’est évidemment réécrire. Sans fin. La même chose ou peu s’en faut. Merci merci !
Oh ! Grand merci à vous Serge !