Bibliothèques (Enceintes suite)
Eté 72, au bout du petit bourg, en bordure du parking de la dernière barre d’immeubles, arrive, en ronronnant, chaque semaine, tous les jeudis, jour de repos pour les enfants de l’école primaire, le Bibliobus. Il était joyeux de descendre les escaliers du sixième sans ascenseur , un gros sac à la main plein de livres multicolores. Monter dans ce bus aux fenêtres quadrillées d’étagères de livres roses et verts, c’était comme entrer dans un monde imaginaire. Il n’y avait pas le temps de tout lire, mais ce n’était pas grave. L’enfance s’écoulait tranquillement à remplir et vider la charge du sac plein de surprises, de mots nouveaux, de phrases simples et de dessins. A partir de quatre heures, toutes ces ’mages et ces lettres s’ordonnaient pour faire entrer les enfants dans un monde imaginaire au son de la voix de la dame du bibliobus qui devenait la fée des contes, mais chut ! c’était un secret…
Été 88, il suffisait de montrer sa carte d’étudiant et de pousser le petit portique de la Bibliothèque Nationale pour se retrouver dans la salle Richelieu. Des rangées de pupitres en bois cirés délimitaient chaque espace pour les étudiants-chercheurs. Personne ne se déplaçaient dans cet antre fabuleux, seuls les magasiniers apportaient le fruit de demande de côtes inscrites à la main en plein et délié sur de petits cartons violets. Ainsi des piles d’ouvrages venaient s’entasser autour d’étudiants courbés à déchiffrer livres et cahiers.
Parfois les fiches indiquaient qu’il fallait monter à la réserve, changer d’espace, et de température de conservation pour les ouvrages les plus anciens.
C’est là, que ‘ les Dialoghi de Amore’ de Giuda Abarbanel étaient conservés et seulement consultables en microfilm. Ce manuscrit traduit de l’italien par Pontus de Tyard, en 1551, chef de file des Poètes de la Pléiade allait avoir une emprise telle des mois durant il ne se passait pas un jour sans que Giuda aussi nommé Léon l’hébreu ne fasse partie de ma vie.
VERSO
Mais qu’est-ce qui te prend de déterrer ce mémoire de maîtrise qui déjà n’intéressait personne, sauf ce qui t’écoutait pour te faire plaisir ?
Tu crois vraiment que ce médecin philosophe qui a traversé toute la méditerrannée en 1505 chassé par Isabelle la Catholique et qui a été retrouvé Pic de la Mirandole pour servir un idéal de synchrétisme peut faire l’objet d’une quelconque considération. Mais tu rêves !
Ha! et tu voudrais en faire le support historique d’un roman dont Giuda serait le héros ?
Tu as réalisé que ça va te prendre des années de travail et de recherches. Es-tu vraiment prête à ça ?
Oui je crois que je suis prête à reprendre le chemin de mon bibliobus et cette fois c’est moi qui raconterais l’histoire de ce philosophe au semelle de vent…
Oh oui, Carole suivre le chemin de ce poète aux semelles de vent. J’ai hâte d’avoir des nouvelles de Guida.
Évocations émues dans ce beau texte…Le bibliobus si précieux dans les villages éloignés, même si aujourd’hui il y a aussi des bibliothèques remplies de beaux livres avec des bibliothécaires dévouées… et le souvenir des années d’étudiante dans les grandes bibliothèques de villes, silencieuses et propices au travail de recherche. Merci Carole!
Merci à vous deux, moi aussi je suis restée émue d ‘avoir écrit ce texte
du bibliobus, c ‘ est la première fois que j ‘évoque ce souvenir et je me dit que peut-être il est à l ‘origine de…
Le bibliobus pour beaucoup d’entre nous enfants dans les villages c’était un peu la caverne d’Ali Baba. Nos mains innocentes y dénichaient des trésors au hasard. Merci pour cette évocation. Si juste, si sensible.