De loin le toit d’une auto. De l’autre côté du champ. Ce qui se voit. Le plat du toit d’une auto, le haut, l’éclat d’une auto dans le matin, le matin finissant, dans le grand jour montant, le blanc d’un toit à hauteur du champ, le long. Un plateau. Le champ, du blé à son plus haut finissant de mûrir, dans la blondeur, dans le moussant des épis, le bruit, la blondeur quasi grise, les épis lourds, le blé dru, dans le temps lourd au ras des blés le toit seul visible, saillie, l’auto se devinant derrière, une auto stationnée sur, tout contre, l’autre tenant du champ, de loin, c’est une auto de loin, ce qui a l’air, l’air vibrant, d’un toit d’auto, la forme blanche d’un, un stationnement sous la couronne de robiniers dans la lumière éclatante du matin, midi approchant, une île, de l’échangeur routier — ici jonction du barreau D200 à 2×2 voies avec la D210 voie de desserte, l’échangeur en trompette dans les frondaisons écran des robiniers, sous-étage de l’aubépine dans l’air bruissant, quasi bruyant, brillant, la lumière blanche, rumeur routière, les bretelles d’accélération, décélération en descente, en élévation dans le talus en virant jusqu’à atteindre, dans un sens, et la longueur de la levée de terre la hauteur du tablier du pont franchissant l’Oise.
Les blés à leur plus haut blondissent, finissent de cuire, pétillent, dans l’air moussent, remuent, bruissent. Les épis à brassées, à poignées passent entre les hanches, ou le haut des cuisses, et les paumes, piquant dans le gras de la paume en remontant vers les pouces. Entre hanches et poignets, à l’intérieur, entre cuisses et paumes, c’est selon. L’on est peu de jours avant moisson. Les mains survolent la surface blonde, ou couleur chair, les yeux. Des bras se lèvent à mi-hauteur, le regard embrasse. Le champ et le jour, c’est presque pareil, le champ de jour, de vision. De projection : il y a qu’un accident de surface retient une attention, ou la réclame, happe, une ligne, rayure à travers champ, le prend en travers, comme à rebours, où la lumière ne joue plus de la même manière, joue à l’envers, un doute s’immisce, un constat s’impose, un temps — ici de considération —, le jour de son plus haut bientôt y tombant différemment, sans s’accrocher aux épis mais à plat par terre sur les tiges couchées le long d’une bande large, ou étroite, rectiligne, comme un homme, ou un homme suivant un homme — comme si une buse, une canalisation avait glissé, été traînée, là, d’un bord à l’autre — comme un regard se pose et pèse, et creuse : une galerie, couloir, dans l’air.
La teinture noire de jais zébrée de racines blanches. Ce n’est pas ce que l’on perçoit d’abord, dans le vent, dans la distance, entre les champs. Ce que l’on comprend de suite, c’est : où l’on se voulait, l’on se croyait seul, on est seule. Où l’on se projetait seul, on est trouvée seule. Vers où l’on allait, l’on pédalait, seul, on est déjà. On est vue seule. L’on passe son chemin, l’on se laisse seule, alors. L’on poursuit sa route, l’on suit sa trajectoire, l’on dévale le chemin, l’on rejoint la route, l’on passait seulement, on est de nouveau seule, sans témoin, l’on est passé : l’on est passé devant. On a laissé passer, on s’est écartée, un peu, on a vu passer, on a à peine regardé, on avait le soleil, on n’a pas osé, l’on a laissé, lancé un « merci » en dépassant, dans l’air, en doublant, en roue libre, en descendant. Seule, on est repérée, on a été vue, vue là, on est surprise, on est tirée de sa rêverie, ou désarroi, de la vue, on est prévenue : un coup de sonnette, on se retourne, on ne détaille pas, ne fixe pas, seulement on s’assure, bref aperçu sur la chevelure, noire, blanc, noire en vitesse, on est passée, c’est fait, soulagement, le crépitement du chemin sous les roues, en gravel, s’éteignant, on est seule à nouveau, la vue de dos, l’on est passé. On regarde s’éloigner, tout. Disparaître, on y est. L’on vient de passer, on est dépassée presque sans bouger, doublée dans la vue imprenable sur la vallée, l’Oise invisible mais non, pas l’étagement des toitures des immeubles et des zones et les clochers, les cheminées agglomérés sous l’horizon en cirque lointain, forestier, immense du massif, en face.
à travers blocs successifs jusqu’à trouver la diagonale ; trouver la traversante ; un biais ; un moyen ; fissure ; jusqu’à trouver la faille ; l’entrée ; entrées ; rayon ; un accès ; réitération ; trouver l’angle, l’attaque ; la lumière ; galerie ; un rai ; à creuser ; à travers bloc répété jusqu’à toucher la veine ; entrevoir ; une sortie
La teinture noire de jais ne masque qu’à lambeaux le retour en épis blancs de la tignasse, et les souffles chauds y mettent la touche idoine. « Le vent ce coiffeur ». « Le vent sait quoi faire », rien ne l’arrête ici, « le vent sait y faire ». « Le vent ce solitaire », l’on ne retiendra que cet effet de surface, au sommet, que l’on emportera. Tout son effet tient là, ce jeté, et encore : dans son air en rade, ou en proie, où l’on passe en vélo, en célibataire, où l’on vole en passant, à ces hauteurs, « le regard est volant ». « Le regard est voleur », on ne se promène pas, cela est bien, cela est exactement l’endroit où on ne se promène pas, ou plus, on a jamais randonné d’ailleurs, ce n’est pas aujourd’hui, on n’avance presque plus, d’un pied sur l’autre sans presque plus… on vacille, le monde s’arrête là, il semble : autour. On est encerclée de ce désert, on est assaillie de cet air. Au loin, au loin pour tout horizon avec le mamelon d’un méthaniseur, en travers de la voie blanche les corbeaux font une barrière. Mirage. Nuage de corbeaux plaqués au sol, dans le tremblement, le vent à rafales rendant les envols tangents. Le vent se prend dans le déploiement des ailes, et dévie. L’on a fait demi-tour, l’on en a fait des, assez pour reconnaître le carré panneau jaune, dissuasif, façon modification de carrefour, à chaque croisement du réseau routier — ici départemental, très secondaire : « Stationnement Interdit » ; « Dépôt d’Ordure Interdit » ; « Site Sous Vidéo Protection ». Une porte du hangar se découvrant en contrebas dans la pointe avec la route est grande ouverte. Dans le quadrilatère irrégulier de lumière qu’à terre elle dessine, un homme s’affaire autour d’une auto, en mécanicien. Un chien, berger allemand aussi tourne autour. En-deçà de la longue grille fermée sur la route, aucune clôture ne sépare plus le chemin de l’aire du hangar, l’on en vient à se demander si ce chien ne garde pas aussi le chemin, et toute sortie. N’est-on pas retenue par la vue, ou par la connaissance, du chien ? Il n’aboie pas, l’on passe vite.
… trouver : le chemin ; une voie : l’ouvrir ; accès ; blocs itératifs
Cuir, ou simili, posé là, plein soleil, le bouquet vigoureux de l’armoise, annuelle, devenue à son voisinage plante d’agrément sur le fond blanc où, doublée de son ombre, elle bouge la découpure nette de ses feuilles, doucement, sans que la circulation qui gronde juste derrière, au-dessus, ses souffles, y soit pour rien, comme à contre-temps : nonchalamment. Dressée cependant, seule, au milieu de la décharge où la ronce rampe, retenant au sol un lot de cartons de présentation Paire de Boucles d’Oreilles Pair of Ear Rings à la perforation caractéristique, Euroslot, trou Euro, glissée et tombée là, entre quelles mains, des rails de suspension, crochets Euro, dits doubles, de quelle tête de gondole. En haut du talus, derrière l’écran vert, ou masse, dense, impénétrable de la ronce, de la clématite, de l’aubépine, des robiniers faux acacias l’ambiance routière chauffe, les flux s’intensifiant encore, comme en toute fin d’après-midi de la semaine. Les coussins, est-ce dans la précipitation, se sont retrouvés derrière, à flanc de talus, reposant avec un placard de bois clair dont n’ont atterri là que deux portes sur le fond pentu un peu vertigineux, le rayonnement aidant, de la végétation. Les coquelicots au premier plan ont leurs pointes de rouge sur l’éclatant blanc, l’assise à peine grisée, cela, bien que brûlant sans doute, vous tendant les bras, qu’il suffirait de tendre en effet afin de recomposer le bel ensemble, son unité, canapé d’angle ou méridienne, peu servi, occasion à saisir. Faux airs de repos dans la zone de transit. Aux pieds de l’île.
oloé ?
J’ai lu, j’ai aimé la poésie, les jeux de mots, les images dans le vent. Merci.
Comme Clarence, des images dans le vent, je trouve une lenteur musicale presque douce dans le premier, et des allitérations (ce dernier groupe nominal « Faux airs de repos dans la zone de transit »)