secouer, remuer jusqu’à faire mousser ; surfer la vague — à chaque consigne une nouvelle vague : recto, verso — chaque vague une nouvelle venue ; se tenir dans l’effervescence
… et aussi — ayant pris du retard et bousculé par l’intensité du timing et la densité du contenu — plaisir de penser les consignes — d’y être poussé — en miroirs les unes des autres : ce qui s’élabore ici trouvant prolongement, écho, pendant — solution ? — là
échangeur RD200-D210
La lumière se jette dans l’eau par la claire-voie qui sépare les deux sens de circulation, du haut du pont. Concentrée là. Elle forme à la surface, à angle à peine obtus avec le cours de l’eau une ligne brisée dansant mollement dans l’onde, vaguement chahutée par le clapotis contre les piles. Dans l’ombre du pont le rayon matérialisé dans l’air, comme planté, tandis que le rayonnement solaire sur l’onde en illumine et réchauffe, s’y reflétant, par en-dessous le tablier, ajoutant au contraste du solide et du fluide, également massifs, celui d’une lâche résille d’or avec le vert trouble, boueux, quasi mat du fleuve — les rives en sont boisées, l’ouvrage de béton faisant rupture, irruption dans la continuité feuillue.
Voilà pour la photo.
Les pneumatiques claquent sur le joint de dilatation dans le sens Compiègne – Creil : doublement — forcément, pas dans l’autre, sur la D200. L’homme fait un zig, un zag — cela de moins en moins perceptible, l’amplitude de ses mouvements se réduisant, bientôt à l’arrêt. Comme si, n’avançant plus d’un seul centimètre, il trouvait à y faire un pas, un autre, encore, son corps, avec son regard probablement — comme l’auto dérive avec la distraction latérale du conducteur —, s’étant déporté — et le regard perdu ? Qu’en sait-on ? L’on se présente dans son dos et en silence, forcément, relativement. Cependant il tient le milieu de la voie qu’on dit douce, Trans’Oise ici longeant le fleuve — c’est en le remontant…
L’on distingue à la fin ou au dernier moment, de le doubler, le laisser derrière soi — ayant fait jouer sur le guidon, car l’on va à vélo, la sonnette avertisseuse une et deux et trois fois, la dernière en un trille continu et crispant — le blanc d’un écouteur sans fil dans l’oreille gauche, en tirant une conclusion quant à la droite, tandis que s’ouvre — entre les deux — un pan de monde, et point d’interrogation : quelle émission à cette heure avancée, des talk-shows et des jeux, quel replay alors, peut requérir une attention individuelle au point que l’individu en question ait l’air en voie de s’abstraire du paysage, ou de s’y poser dans un coin mais des plus reculés, des plus quelconques, des plus ingrats — sur un côté des plus bas ? par là coupé de son environnement sonore immédiat, principalement constitué de la rumeur automobile au moment où elle va se trouver pile au-dessus de la tête, juste avant que l’épaisseur du tablier de béton ne l’atténue, ou enveloppe, procurant ce sentiment de niche ou de couvert, à tous les vents ouvert — juste avant donc, ou au moment, dans l’instant, de passer sous le pont : dans son ombre — à l’endroit où la culée et le talus s’épousent dans les orties et les épines, avant que le milieu béton ne s’impose avec ses airs sombres — humides — de théâtre sans gradin, seulement une pente, théâtre de béton et eau, abri sous bruit routier.
… C’est d’abord que je repassais au même endroit, dans les parages — ce qui ne m’était pas arrivé depuis des mois… et des jours —, et que je n’étais pas seul cette fois : quelqu’un me devançait arrivant là, à l’endroit. J’avançais sur lui, avalant la distance, il avait de la musique dans les oreilles — il avait des écouteurs, je le noterais — ou une émission, une voix ou plusieurs… il ne m’entendait pas, il ne m’a pas entendu venir, j’arrivais littéralement sur lui, il prenait toute la voie, il n’allait pas droit, plus, de moins en moins comme j’approchais, ralentissais, roue libre, et lui donc, il n’avançait plus, presque plus, suspendait ses pas — je me suis dit alors, non : après, l’ayant dépassé — l’ayant copieusement sonné afin de me signaler, sans effet avant d’être si près que j’aurais pu le lui souffler, et me faire sentir peut-être plus qu’entendre, et poursuivre mon avancée, et retrouver ma cadence, et ce que je prenais pour mon élan, le même — mais quelque chose avait changé —, l’ayant passé depuis un moment, ayant moi-même depuis une paire de kilomètres quitté son champ de vision, ou déserté, lui étant alors apparu comme il m’était apparu le premier : de dos, je me suis dit — bien que sa figure me demeurât dérobée, mais à son gabarit, à son comportement, audioguide ou encore séance d’hypnose dans les oreilles : — c’est, c’était Peter !…
trois mois (92 jours) après
…
un mois (39 jours) après
Le muret court depuis le virage en épingle de la desserte, où elle quitte l’ombre devenue tunnel, presque, de verdure sous les robiniers du remblai de la voie express pour longer à découvert, pleine lumière entre les champs et la rive maintenant dégagée de l’Oise, une longue aire herbeuse et de repos ou plaisance, loisir, détente entretenue, soit tondue plutôt que, tardivement, fauchée, qui fait à la Trans’Oise entre les deux, piste cyclable traversante comme son nom l’indique, une banquette — creux et bosses interdisant, si ce n’était le muret, l’installation des gens du voyage —, et comme si des têtes s’y étaient longuement posées. Desserte de la station d’épuration des eaux usées et voie douce partagent un temps ce même tracé. Une même chaussée en fait, que partage 1/3, 2/3 le muret : séparateur. De fait, la piste cyclable empiète sur cette desserte en impasse aujourd’hui réduite en largeur : à une voie sans être à sens unique, ponctuée de deux créneaux de croisement. Dans le virage ainsi que dans les deux alvéoles, les déchets, épars, individuels si l’on peut dire, s’accumulent, que le vent a poussés là-contre et la maçonnerie retenus, d’une part ; d’autre part, parce que ces zones de relatif élargissement permettent un stationnement plus ou moins prolongé aux pêcheurs, aux livreurs, travailleurs itinérants et des chantiers environnants aux temps de midi, le trafic de desserte de la station d’épuration étant des plus réduits, sporadique, et, effectif aux heures ouvrées seulement, en dehors — le soir et peut-être plus tard —, aux jeunes hommes et conducteurs rassemblés dans leurs habitacles autour de diverses substances et autres rythmes. Dans le second créneau, que 70 m, pas plus, séparent du grillage d’enceinte des installations et du long portail coulissant, se trouve, comme pelotonné non loin d’une canette de Fanta Orange Ball transparente, vide, également vide, mais, retourné, les doigts dissimulés dans l’envers de la main, un gant de laine, petite main d’enfant, de femme, grisé et, ramassé, les bouts des doigts remplis comme s’il était sorti de terre, ou l’avait creusée, séchée, durcie, compacte et à la fois poudreuse, s’évacuant sitôt soulevé : poussière — les qualificatifs venant à son contact étant encore : délavé ; desséché ; encroûté ; raidi ; recroquevillé ; évidemment seul : un gant isolé, un gant perdu — ou jeté ? —, un gant droit.
trois ans (38 mois) avant
…
En avançant le long de la D200 sur Google Street View, en direction du pont sur l’Oise en quittant l’agglo, à hauteur de l’échangeur, à l’endroit, ou moment, de laisser sur sa droite la sortie, le musoir, l’on repasse — revient — on verse de juin 2025 en mai 23.
La météo d’un coup plus sombre.