la vie d’artiste : lui peintre moi écrivain

et de pourquoi Jérémy Liron sur publie.net


Chaque jour d’avril à juin 2007 je me suis attaché à écrire l’expérience de travail et d’isolement que me permettait un séjour en résidence d’artiste. Les fragments quotidiens publiés via un blog durant ces trois mois sont à l’origine de ce texte : « Les pas perdus 2007 ».

Il dit cela simplement, Jérémy Liron. Comme si tout allait de soi, les voyages, la préparation des tableaux, le bruit du frigo dans le mauvais logement et les pâtes qu’on fait cuire : la vie d’artiste, en somme.

Après bientôt 7 mois de mise en place, je découvre comme je suis de plus en plus viscéralement attaché à mon projet publie.net. Il s’agit d’examiner comment le langage se confronte au monde. Et ce qu’on en rêve, et comment on le travaille.

Le projet lui-même avance. On a même pas loin d’une quarantaine de textes d’avance sur nos étagères virtuelles. On solidifie le site, on l’équipe de mots-clés, on prépare des index, on travaille aux formats. On découvre qu’avec certains auteurs on a envie de compagnonnage, de retours, de textes en nombre.

Ce soir, je viens de préparer (encore, il s’agit de « mon » projet, mais on est 3 ou 4 à y passer comme cela des heures...) 42 pages d’un Journal de Jérémy Liron : Le livre l’immeuble le tableau.

J’ai découvert son travail aux Beaux-Arts Paris, je l’ai déjà accueilli ici sur tiers livre. Avec mon quart de siècle en plus, je perçois ce qui mûrit dans son expérience. Ce qu’il m’apporte, quand il passe 4 mois dans ce mauvais logement de Montluçon ou Valenciennes, sous prétexte de peindre. Non pas la ville, mais ce qui le traverse, par le dos, pour aller rejoindre la ville. Allez donc lire son blog, Les pas perdus, justement.

C’est par de tels textes que ce projet publie.net a du sens : permettre le contact, mise à disposition sur votre propre ordinateur d’un fragment minuscule ou singulier de cette expérience du monde par quoi seule il nous est à tous et chacun possible de continuer. Le téléchargement est payant : et qu’est-ce qu’on s’en avale, de « ça ne marchera jamais votre truc » de ceux qui en tiennent pour l’Internet gratuit, et on ne va pas le leur reprocher.

Ce n’est pas le texte, qui est à vendre : lorsqu’il s’agit d’un texte comme celui de Jérémy Liron, le texte est trop haut pour être vendu. Il est expérience singulière, écrit pour soi seul. Ce que rémunère le téléchargement, c’est une prestation de service : travail collectif de relecture, corrections, mise en page, ergonomie écrans, puis machines, serveurs, logiciels. Cela s’appelle édition. Plus précisément : édition numérique. C’est encore à naître. Juste, voilà : nous, on prend les devants.

Les textes que nous diffusons n’auront pas d’autre existence que numérique. Mais, de mois en mois, ce sont progressivement des pans entiers de nos savoirs et nos pratiques, qui ne seront pas accessibles autrement. Façon de résistance. Et dire qu’on ne vient pas ici pour disposer d’une bouée de secours (ah, ces auteurs qui nous découvrent soudain après avoir porté leur manuscrit en 10 endroits : non, c’est en amont qu’il faut écrire numérique). Et qu’il s’agit, pour que ce soit à la hauteur, d’en faire un travail : cela, justement, ces serveurs, ces logiciels, ces machines bizarres, qui déplacent même les usages, les gestes, le temps intimes de la lecture.

On a la chance d’être une mini équipe de rien, et de gagner notre vie d’autre façon. Alors, en fait, pas si grave, ceux qui nous disent « ça ne marchera pas votre truc » et qui se contentent de lire la partie gratuite du Chevillard ou de mes voitures : finalement, ce que nous apprend Jérémy Liron, dans le chemin d’un artiste peintre de 30 ans, qui travaille, regarde et écrit, c’est exactement pour cela qu’on se couche tard, la preuve ce soir.

Donc, ci-dessous, un autre fragment de journal : mise en page blog simple. Sur publie.net, Le livre l’immeuble le tableau, 42 pages dont 21 en lecture libre, proposé à 1,30 euros, dont 30 cts pour TVA et PayPal, reste 50 cts pour l’auteur et 50 cts pour la structure. Ça ne marchera jamais, notre truc, je vous le dis...

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Jérémy Liron | Les pas perdus

Emietter l’univers, désunifier le tout. Nietzsche…

 

J’ai trois sacs et un énorme rouleau de papier 220 g. Pas en avance. Quelques vêtements, du matériel, une poignée de bouquins. J’ai apporté Le principe de l’axolotl & suppléments de Gilles Tiberghien. Réfléchissant à un article en cours sur le travail de Mathilde Rosier j’ai pensé à la nouvelle de Cortazar. Le front collé à la vitre et ce déplacement de soi, tacite.

Pour cause d’accident matériel le train a eu deux heures de retard, j’ai lu tout le trajet Des Clopinettes de Dominique Angel. 19h30 arrivée. Un vent frais sinistre les travées. C’est d’aborder la ville par la solitude qu’elle invite en chaque impasse, à chaque coin de béton nu – aux briques – qui impose telle idée de face à face silencieux, ni hostile, ni accueillant. Dans un suspend absolu. J’ai apporté aussi Idée de la prose d’Agamben sans savoir que j’y trouverai Idée de l’enfance. « Dans les eaux douces du Mexique vit une espèce de salamandre albinos qui a depuis longtemps attiré l’attention des zoologues et spécialistes de l’évolution animale. » Je lis jusqu’au soir, mais mal.

Le frigo s’ébranle tout les quart d’heure, je l’ai débranché pour dormir. Nuit toute en glissements, sans trace. Réveillé tôt, déjeuner silencieux. Quelques courses. Travaillé toute la matinée. Mangé dans la casserole. Marché tout l’après midi. Pris des photos. Pensé à ce passage de la Recherche où par le mouvement de la voiture les clochers aperçus au loin semblent pivoter dans un mouvement stellaire. Peindre comme une manière de tourner autour des objets. Ou bien peindre comme on aborde au monde. Seul et en silence je travaille encore un peu le soir. Dans le petit poste sans age que je branche en réchauffant dans la casserole le reste des raviolis, du bon rock, Buckley, Metallica, Elvis et maintenant Led Zep. Les guitares énergiques, les colonnes Marschall, des rêves de lycée. Pour le frigo, j’ai acheté des boules Quies. La musique, l’accent dans les mots de l’animateur, la pièce nue, ça vous déplace parfaitement.

Réveil à 9h00, passablement mal au crâne. Les bouchons souples pour oreilles n’ont pas suffi, j’ai dû dans la nuit taire le frigo. Rupture de la chaîne du froid. En buvant mon chocolat j’ai terminé l’article sur le travail de Mathilde Rosier pour la revue. A la radio, Une maison bleue de Maxime Le Forestier. 14h00 je chauffe une boite de ratatouille. Il me faudrait du pain, j’accompagne de petits grillés suédois. Tout ce que j’ai. Marcher dans la ville sans but, dépris. La ville qui se développe et que l’on tourne sur soi pour l’étaler uniformément à partir de nous. Chaque déplacement d’un mètre déplace les volumes, les distribue dans la fenêtre que l’on se trace. Le monde est un enchâssement infini de vues finement composées. Bonheur de voir surgir inattendu mais pourtant cherché, à tel détour un angle brûlé de soleil où des loggias se découpent franchement. Un pan de pure lumière. Chercher une vue, ne pas la trouver. Idée de topographie. Aller dans la ville pour y trouver partout ce sentiment égal de n’être nul part, à aucun endroit en particulier. Le sentir se creuser, ce vide, et comme l’on s’apparaît là soudain, un clou. Je lis Calvaire sous le soleil, livre ligneux. Travaille jusqu’à épuisement. Boue des pâtes.

Je ne sais plus qui disait qu’une théorie à pour but ou du moins pour effet de donner à voir une réalité qui n’existe pas complètement tant qu’elle n’est as connue et reconnue. Dans le marais primordial où on avance la conception ne précède pas l’œuvre, elle est l’œuvre se réalisant.

« Je crois avoir un but bien défini. – Si je l’atteignais jamais, il s’expliquerait de lui-même ; si je ne dois pas l’atteindre, à quoi bon te l’exposer ici ? – Admet seulement que j’aime passionnément le bleu, et qu’il y a deux choses que je brûle de revoir : le ciel sans nuages, au-dessus du désert sans ombres. » Eugène Fromentin, Un été dans le Sahara.

On pense pas trop, ou bien timidement, de peur qu’à l’écoute s’amène le vertige. A la vérité c’est angoissant les boules Quies dans une pièce vide et qu’on ne connaît pas. La présence de l’atelier à l’étage, juste sur la tête, l’aplomb d’un vide, et la chaise qu’on imagine comme soutenant un fantôme. Qui sait bien qu’on l’imagine puisqu’il se retourne, que ses orbites nous percent dans un sourire énigmatique. Cauchemar de gamin. Parce que l’extrémité d’une pensée aurait toujours quelque chose d’effrayant. Et outre ça : (le lit au milieu de la pièce comme cerné par ces objets qui se penchent), la rupture d’avec son monde ordinaire et ce flottement qui s’insinue dans les rues que l’on marche, où tout ce que l’on frôle semble à énorme distance.

Présence disproportionnée du vide entre les choses.

Réveil à 8h00. Il fait froid. A la radio, While my guitar gently weeps.

Me revient depuis quelques semaines cette phrase de Van Rogger peu avant de mourir : Je peindrais des tableaux tout blancs, tu verras. Si ce n’est pas sa phrase exactement, c’est du moins celle qui s’obstine en moi. Cette obsession, la lumière sur les volumes, et cette quiétude que je voudrais par ces pans de blanc. Cette suspension de tout dans un temps qui tient autant du deuil que du devenir.

Visites avec Pascal tout l’après midi dans sa wolksvagen éprouvée. Je rentre au soir seul par les ruelles éteintes. Passe outre la brique, uniformément. Fatigué et diffus.

Lu tard histoire du retable italien de Chastel. Avec plaisir. Sachant n’en retenir rien d’utile à une dissertation sur le sujet. Rien des dates ou des noms. On n’a pas la décision de faire rentrer certaines choses dans les couches plus profondes.

Courses. Griller des croques monsieur. L’allure si spéciale des corned beef. J’en prendrais une juste pour la forme. Envie de cinéma, je regarde Lords of Plenty de Wenders, mettre de la musique sur les images, mettre du temps au dedans, fascination d’une étendue qui défile, d’un volume de plein ou de vide qui, par visées successives, juxtaposées, partielles, se constitue. Les mots et l’image, cela s’appelle Le cinéma, cf. JLG... Y aurait-il possibilité de mettre tout ça en peinture ?

Bol de chocolat froid j’esquisse un frisson. (Julie boit du thé, elle a toujours chaud le matin). Dans le silence, les objets sont tous pris, gelés, dans une immobilité métaphysique ; se détachent nettement comme ces antiques sur les places vides de Chirico. La goutte au bout du mitigeur suspendue. Une tension formidable dans la lumière fraîche, et quelque chose de très tactile. Le frigo déclenche ces bruits vibrants de néons fatigués. Comme le silence dans les oreilles bourdonne. Je pense aux traces dans les territoires par Sophie Ristelhueber. Le soleil chauffe les pavés de la cour. Je finis le Chastel.

Le retable s’emploie à la définition du lieu. En ce sens, sa vocation s’approfondit dans son utilisation exigeante des architectures peintes.
Chauffe une ratatouille, un œuf au plat. Dans le poste, Mark Knopfler et Buddy Guy, i’ve got the blues. Dans le soleil, les 80 dernières pages du Calvaire. Je poursuis mon exploration vers le sud ouest, le grand parc où des petits chantent en cœur sur une estrade, ballons gonflés à l’hélium chargés de « messages ». Quelque chose du celebration day de Pierre Huygues.

Comme de marcher dans un monde étranger, sans lui appartenir, à distance pareille que l’homme en blouse penché sur son microscope balade dans les polypes. Zone résidentielle, lotissement, parcelles à l’identique comme la façade d’un immeuble rabattue au sol en des carrés desquels devaient pousser des toits en pente multipliés, allées de gravier, pelouses miniatures. Invasion horizontale. Dans l’ombre des haies de thuyas qui les cernent. Après ça, le complexe sportif, infrastructures partout si semblables comme de grosses formes un peu vieilles posées là. Ces piscines municipales comme des soucoupes, des bateaux retournés. Irréel des utopies modernes, de ces vaisseaux atterris comme des morceaux de rêve décontextualisés.

Le soleil déjà plus tiède. Je remarque sur la faïence des WC, tatoué Idéal standard. Je monte à l’atelier.

« Il s’attardait à la représentation d’un réel qu’il voulait à la fois intensifier et simplifier en s’attachant à la pureté des volumes et à la précision du rendu. » Formes calmes, impeccables.

Envie de guitare. Je suis entré la dernière fois dans ce magasin de musique à l’alignement d’amplis. Des jeunes, comme je devais l’être en entrant au lycée, demandaient au vendeur quelle pédale d’effet pour obtenir le son d’un John Petrucci ou Steve Vai.

Pâtes à midi, je lis un peu Reverdy sous un soleil réticent. Je rentre à Paris demain pour trois jours, je ne sais plus où je suis ni où je vais. 20h30 je sors manger dehors, il restera bien un Mc Do. Les rues sont calmes. S’attabler seul en terrasse dans le soir doux ça vous détache encore. Les immeubles de la place d’Arme sont comme la frontale d’un port mais sans la mer. Impression de la ville comme un port, mais sans la mer. Parce qu’on la sait escale, que s’insinue une mélancolie spéciale, qu’on n’y accroche pas mais au contraire se laisse glisser.

Galilée observant la lune de la terre induisait que l’on considère un peu la terre vue de la lune. La terre et soi dessus. Minuscule. Qui glisse.

La ville en repos comme on dit du sable qui au fond de l’eau après qu’on l’ait dissipé retombe sur ses reliefs. Je rentre par les ruelles égales, les modèles dans les vitrines aux poses détachées. On comprend ces histoires où dans la nuit les objets prennent vie, s’animent, c’est qu’il ne reste effectivement plus qu’eux. Peut-on imaginer notre effacement complet de ces places qui ne semblent exister pour nous, qu’à la hauteur de ce qu’on s’y investit ?

Mardi, allé/retour Paris. Quelques 150 pages de Kafka le long de ce TGV 7113.
Arrivée 15h30. Mc Do de la place d’arme comme on développe une histoire en symétrie, rapport à une pliure. Le repas de l’arrivée est le même que celui du départ.

« Qu’est-ce que signifie apprivoiser ? » écrivait St-Exupéry.

Retour à cette chambre dont je me sais locataire provisoire. Papiers. Derrière, Hendrix conjugue pédale wah-wah et disto.

J’ai retrouvé la casserole simple pour quelques pâtes. A peine arrivé j’envisage de reprendre le train pour Art Brussels bénéficier de mon invitation sur la foire. Puis le surlendemain Paris, le vernissage de Montrouge et quelques sérigraphies avec Yann pour un projet d’illustrations avant de regagner Valenciennes. Acheminer les châssis commandés. Fin de l’expo Flip Books à Rennes. Pas de nouvelles du projet Corbigny, mauvaise nouvelle. Quelques courses au matin, chemin désormais familier. Suzane Vega, Dylan. Je lis quelques pages de Kafka au soleil. J’ai décidé de quitter Paris pour Lyon en juillet, cette semaine me surprendra suspendu, posé sur des rails. Je passerais l’hiver à Montluçon. Blondie, call me. Je ne peux me regarder en imagination sans constater comme un bougé photographique.

« La représentation de l’étendue et de la plénitude infinies du cosmos est le résultat du mélange poussé au dernier point d’une création laborieuse et d’une libre détermination de soi-même. » (Kafka)

Je gère une livraison à Paris par téléphone. La convoierai dans 6 jours. Merci Julie. Travaille en même temps à un grand papier tandis que les toiles sèchent. Appelle le vendeur, contacte le livreur, informe Julie, confirme au livreur qui attend en bas, là bas. Dans le poste, Led Zep, tangerine. La vie a de ces intensités soudaines. Fugaces. L’action dissipe les décors, tout n’est plus que flux.

Un saut dont on ne sait pas s’il vise à vous lancer dans la vie, ou à vous en faire sortir.

Le frigo encore se signale. Dans cette solitude la pensée saute de sa propre considération ou d’un état d’examen de sa propre activité à de vagues objets qu’elle abandonne sitôt envisagés. Comme dans la nuit une lumière clignotante semble s’aspirer constamment par son centre en un halo décroissant inlassablement répété.

Je regarde mes tableaux en cour, je ne saurais les dire, là il me faut quelqu’un pour tenter ça. Sans doute que l’instant de la vue se condense, se cristallise en une image compacte, un débordement local. Le « ça à été » de Barthes ne désigne pas tant une empreinte qu’un point distant duquel les éléments se projettent formidablement vers la surface de la photographie. Chaque tableau fait le tour de tout pour en tracer délicat le nombril. Les pâtes retournées que l’on nomme capelletti seraient le souvenir de l’amante sous les doigts du cuisinier et dans la bouche. Du monde on voit tout, on entend tout, mais si nous ne nous en racontions pas les détails, c’est à peine si nous en retiendrions quelque chose. Il est 22h passé, fatigue des yeux. Je deviens confus.

J’ai avancé encore quelque peu Kafka au lit. Mal dormi à cause de brûlures d’estomac. Sans doute le fait d’avoir passé la journée d’hier enfermé dans l’atelier, la térébenthine. Réveillé tôt par une lumière franche que les rideaux jaunes filtrent à la manière d’un été. Touché un peu les tableaux trop frais, commencé un grand papier. Je continue dans Kafka. C’est un bien joli travail, et qui fait beaucoup d’effet, cette cavalcade que nous appelons la Cavalcade des Rêves. Nous la montrons déjà depuis des années ; celui qui l’a inventée est mort depuis longtemps, de phtisie(…).

Désœuvrement. Comme par ces calmes après-midi de dimanche, tous les bruits du voisinage parviennent distinct et éparpillés dans le treillis horizontal des petits jardins clos. Tandis qu’une lumière plate beigne le tout dans un apaisement de fin du monde. Qui me situe, la faible soufflerie de l’ordinateur. Travaille à la maquette de ce projet de sculptures, arbres synthétiques laqués du blanc des architectures modernistes, éoliennes tronquées, pivots d’un espace à appréhender. Oasis, champagne supernova. Se poser après ces quelques mouvements de rail sera bon prétexte à y travailler vraiment. Avance encore le papier jusqu’au soir. Boue de l’eau. Les raviolis ont un piquant que je ne sais à quoi imputer. James Taylor, you have a friend. J’abaisse les rideaux en pensant à demain matin.

Levé 6h00. Le froid pince les oreilles, je presse le pas. Changement Lilles Flandres. Lilles Europe/Brussel midi. Je lis les écrits de Parreno. Metro 2 jusqu’à Simonis, puis ligne 1 jusqu’à Heysel. Je pense à Hasel de Dylan sur cet album singulier qu’est Planet Waves. Dirdge aussi. Piano/guitare claire. Peu à voir. C’est dans la tête. Grand pavillon des expositions, europeen seafood exhibition. J’ai du mal à me représenter. Seafood exhibition. Juste à coté les halls d’Art Brussels. Ratissage de 11 à 15h. A l’ouverture, les allées vides donnent l’impression d’aller à sa guise comme un collectionneur en son domaine ; et de fait je vais au caprice tandis que quelques galeristes conversent avec fermeté la main sur l’oreille, zébrant nerveusement les couloirs comme une balle dans ces jeux vidéos rebondis inlassablement sur des parois compliquées. Retour en métro. Je traîne un peu dans les rues pauvres de Hal à St Gilles. Des immeubles identiques dégagent des rues comme des ghettos où des enfants jouent sans conviction. Le soleil m’abrutit un peu sur la pelouse. Retour. Je lis quelques articles de la Revue des deux mondes. Bonnefoy. Je me sens une proximité avec sa façon d’aborder les choses un peu à l’aventure, sa confiance en les impressions.

C’est le genre d’essai qui m’a toujours rendu haïssable l’obligation où l’on est parfois, à la fin d’un volume d’Actes, de fournir de ce que l’on a écrit, écrit plutôt que pensé, un résumé en cinq ou dix lignes. Un assèchement se produit alors, en effet, où je vois s’évaporer non tant ce que j’ai dit que l’esprit dans lequel j’avais tenté de le dire.

Les petites gares se succèdent, le paysage est plat, planté de vaches faméliques, l’herbe est grasse. Semble sortir droit de nos vieux livres d’école : monde rural. Comme une illustration. Le monde devient souvent l’illustration de ce qu’on a cru pouvoir en dire. Terminus, j’ai les jambes en bois. Retrouve ma pièce. Fatigue généralisée.

Levé 8h00. La chambre claire doucement baignée est un Morandi. Choses bien distinctes, toutes à plus ou moins grande distance, et tranquilles, dans le clair espace : comme on en aura vu dans la peinture toscane (…). (Jaccottet)
Sois même encore mal décroché du bloc. Les esclaves de Michel-Ange. Un frigo dans ma tête bourdonne tandis que celui bien réel dans la pièce en fait écho. Une odeur mélangée d’huile et de térébenthine flotte à un mètre. Je monte à l’atelier. Lis quelques pages du livre d’André Rouillé, la photographie. Trust. Sting, shape of my heart. Al Stewart, the year of the cat. Dans le ciel, un planeur se fait larguer face au vent. Dans la lumière, les pollens sont des lucioles cotonneuses absolument inconséquentes sans direction apparente. Un phénomène tel que l’on se le figure dans les classes de physique/chimie rêvant une explication ; quelque chose de passablement compliqué qui s’anime en suspension à une petite distance devant soi tandis qu’on le réfléchi. Qui disparaîtra de lui même sitôt la pensée posée ailleurs. Les Stones, Jumping Jack Flash. Je sors. Marche droit vers ce qui est peut-être le nord. Le stade avec le porte-à-faux de couverture de ses gradins, un énorme bâtiment de briques sans fenêtres et sans usage identifiable. Derrière, annoncé par des baraquements de préfabriqué défraîchis, les terrains de sport. Etendues sérieuses, abandonnées depuis longtemps semble-t-il. Le revêtement synthétique est amorti encore d’une couche de terre et de poussière, les buts ont perdus leurs filets. Des zones plus usées que d’autres, comme élimées, donnent à l’ensemble un aspect lunaire. Moi qui marche sans but précis, seul et silencieux. Le terrain qui développe une étendue désertée sans plus de but non plus, sans plus d’usage, sans plus de bruits. Un aspect très mélancolique qui inviterait tôt l’angoisse si le ciel ne couvrait de bleu. (Je pense à Tarkovski, Le sacrifice) Les terrains de tennis à coté, clôture éventrée délimitant des tracés à peu près effacés. Des parcs à rien. Idée de la mémoire. Traces d’un effacement. Préfabriquées sur cales de bois qu’on imagine encombrés de tables, de chaises cassées et d’autres équipements entassés dans la poussière. Tout est comme traces prises dans le temps. Des zones où vous vous rendez lorsque vous voulez sortir, partir, quitter, sans pour autant aller nulle part ni faire quoi que ce soit. Le voyage, la boucle qui nous ramènera au même point de départ et aux confins de laquelle il ne s’agissait que de se retrouver soi ou de s’apercevoir furtivement. Partir n’a jamais permis d’aller nulle part. Le territoire du voyage est un espace en boucle (J-F. Chevrier). L’Odyssée d’Ulysse. Sans doute un de ces endroits où l’on passe, que l’on note en mémoire, mais que l’on ne retrouve jamais quand on veut y emmener quelqu’un. Qui n’existe presque que pour un instant donné, en dehors de la carte. Les rubans que je parcours après sont vides et mornes, des usines désaffectées aux lotissements mesquins. Sur un banc, rassemblés autour du scooter, les quatre jeunes du quartier tandis que 500m plus loin un autre banc agglutinera un autre groupe ou un couple. Les maisons de construction légère sont habillées de briques ou de carreaux de céramique ocre. Quelque chose d’un rêve usé. Devant ces intérieurs que des portes entrouvertes laissent deviner extrêmement chargés, les poubelles agrémentées comme en petits châteaux d’emballages hi-fi ou électroménager. Un écran plat. Une friteuse. Carton d’un panier de basquet. De quelques fantaisies de décoration intérieure. J’ai une certaine tristesse, comme un malaise à ressentir à la suite de ces carrés cernés une sorte d’ambition sage généralisée. Comme on rassoit en sa carcasse presque à n’exister plus (…)

Déployer la carte du monde sur lequel comme en la nouvelle de Borges elle s’applique exactement. Constater comme l’on peut faire pivoter les choses en marchant. Découdre ses habitudes.

J’ai lu hier soir quelques pages de Bruno Zevi. Levé 8h30, biscottes et chocolat. L’araignée de la salle de bain a emportée sa toile, déménagée de nuit discrète, comme le croque notes de Brassens, à l’anglaise. J’imagine sur ses longues pattes « fléchissantes » entamer le chemin. Perché sur des membres secs et souples. Edifice. Poser les filets dans un coin plus poissonneux.

Je travaille au grand papier commencé hier soir que j’envisage pour l’exposition prévue au printemps à la galerie. Grand balnéaire. Il y a toujours un peu de magie à constater des lignes que l’on trace sur le blanc une impression de volume et puis une atmosphère. Lent blow up. Travail à l’atelier, quelques courses pour garnir mon frigo vide, étouffer un peu du dedans son grésillement caverneux. Réchauffer les pâtes de midi, un de ces yaourts déjà sucré qu’on achète en pack de 12, ce qui évite d’acheter du sucre qui ne servirait à rien d’autre. J’ai souvent pratiqué cette régularité fade d’un quotidien réglé. Les endives rangées dans le bas du frigo que l’on consomme comme un décompte. Les yaourts l’étage au dessus, pareil, que l’on retranche un à un à l’ensemble. Un goût bizarre pour cette esthétique pauvre de l’Allemagne de l’Est au temps communiste (goodbye Lenine, le film), pas de choix, les premiers prix aux emballages sans couleurs ni effets. Comme ce goût passablement condamnable aussi pour les barres d’immeubles anonymes, les volumes ordinaires. Il est minuit, je vais me doucher et dormir. Flûte de Yann Anderson, Jethro Tull, aqualung. Croque monsieur à la poêle. Je regagne Paris aujourd’hui pour trois jours. La ville le dimanche est comme désertée. Les rues vides et calmes allongent les devantures éteintes des commerces fermés. Les passants son rares. Le ciel bas. Je lis Notes et La solitude heureuse du voyageur de Depardon. Quelques pages de poésie de Breton, cette capacité toujours intacte à gonfler les poumons. Unique raison de la liberté folle et de l’amour. Un peu de ça que je cherchais dans quelques uns de mes grands papiers. Plus proche d’Eluard peut être. Parfois ce que vous êtes vous éloigne de ce que vous aimez.

Comment est-ce possible ? Levé 8h30. En lutte avec le sommeil. J’ai dut lire un peu tard. Fatigué, je voulais lire jusqu’à la page 200. Comme on évite les joints des pavés, des trottoirs ou quelque chose comme ça. Un chiffre rond. Sans pour autant en attendre rien. J’ai rêvé que j’étais looké gothique. Nous étions nombreux semble-t-il et cohabitions dans une sorte de prison ouverte aux larges balcons intérieurs. Ou un ancien bâtiment à usage scolaire passablement délabré. Une communauté. L’apparence du familistère de Guise. On devinait des tensions sourdes entre des groupes, quelque chose de sauvage. Je me barrais par la fenêtre.

Je marche. Seulement pousser des pas. Traverse les parkings vides, un quartier résidentiel. Maisons témoin de rêveries étriquées. Alignements comme au Monopoly on conquière des axes, répétant à quelques variations près le modèle standardisé de la maison au toit double pante, petite porte ornée, numéro ostensible, carré de pelouse ou dalles. Et le long des allées qui les distribuent, les boites aux lettres punaisées, un peu grotesques. Décor rehaussé ça et là de géraniums aux jardinières, activités inqualifiables de quelques nains ou mangeoires pour oiseaux. Ces quartiers linéaires ou en râteaux, aux États-Unis, au Japon, partout pareils. Les voitures devant ça, parfois « tunnées », lavées le dimanche comme on brosserait ses dents de devant.

« Il faut distinguer l’habitation du simple logement, et il ne suffit pas à cet égard de fournir des logements, même bien construits, bien situés, bien aménagés, pour garantir qu’une habitation y aura bien lieu. » (Heidegger)

Je me retrouve souvent en train de m’apprêter à quelque chose sans plus savoir quoi. Je dois laisser derrière moi des chapelets d’actes en instance. Mes pensées vont à la pléiade de projets que j’effleure sans parvenir à en donner une forme exacte. Lister ne permet pas d’atteindre tout. Bill Withers, lean on me. Midnight train to georgia. J’éternue souvent, le pollen sans doute. Lynyrd skynyrd, free bird. Sors marcher à la rencontre de la ville étendue,
« Peut-être ne suis-je pas très humain. Mon désir consistait à peindre de la lumière du soleil sur le mur d’une maison. » (Hopper)

Arrivée ce matin par le train de 9h52. J’ai fini La photographie d’André Rouillé. Transporté quelques châssis. Débarqué sous la pluie, une grosse drache on dit par ici. Retrouvé les tableaux secs et disposés. Alan Parson Project, eye in the sky. Raviolis. J’avance tout l’après midi trois tableaux. Le travail va et cela me porte. C’est comme un papier dramatiquement froissé et qui se déploie un peu par élasticité. Lentement. Ce sont ces quelques traits de bombe ajoutés un peu comme un formalisme pour atteindre cependant à des émotions, des histoires, des expériences, des usures réelles. « Cette réalité là est plus proche du désir que du visible, Représente ce que je désire autant que ce que je vois quand je désire. » (W. Tillmans) il s’agit toujours de peindre le regard que l’on porte sur les choses plus que les choses elles-mêmes. Picasso focalisait sur l’arête du nez, sur le pied… normal qu’il les redistribue sur la toile cote à cote.

Travaillé tard à l’atelier. Lu un peu Vitruve. Réveil difficile. Le temps est gris, les volumes sont lourds. Neutralité terne. L’important c’est la lumière. Travail à l’atelier, encore. « A travers toute une série d’opérations et d’abstractions, nous dépouillons la matière de toute propriété sensible. Il ne reste que le fantasme. » (D’Alembert) Depuis la bombe contre les araignées que j’ai vaporisée je retrouve un peu partout des cadavres recroquevillés. Je balaie.

Une cosmologie ancienne (Lucrèce ?) les classait parmi les poussières en raison de leur taille. Inxs. Les Stones, going home. The Free, how to say the life. Je monte un nouveau châssis. Le soleil gagne dehors, je sors goûter l’air. Comme un serpent de sa langue bifide. Je traverse le pont et longe les berges. Haute usine bleue. Perliz Alimentaire. Longe un étang. Des enfants nourrissent des oies en liberté, des poussins duveteux. Je continue par les sous-bois en friche, passe sous une autoroute. Recoins tatoués sous ces gros volumes de béton tel une grotte. On s’y tapit comme un insecte protégé du monde. Le dos voûté, le cœur sur ses genoux. Un repère. Chemins du bout du monde, vestiges de soirées retirés. Déjà le ciel se voile et les petites rafales de vent dans ces endroits inconnus et déserts inspirent un sentiment d’angoisse. Le claquement d’une vieille pancarte dans un pylône. Le frisson d’un oiseau soudain. L’imminence de l’orage. Je pense à quelques plans de L’Eclipse d’Antonioni, du désert rouge, au Sacrifice de Tarkovski. On est seul. Personne ne sait que vous êtres là. Vous ne savez vous-même pas bien où vous êtes. Loin. Seulement à l’écoute des murmures du monde. La rumeur du vent. Et sans doute les désirs d’art ou simplement de s’exprimer son ressenti sont instinctivement canaliser les extrémités angoissantes de l’écoute du monde, de l’être là. Aspects du divertissement pascalien. Comme aborder une guerre en laquelle on est pris par la photo qu’on fera vous sauve un peu la tête. Je rentre travailler à l’atelier. Fatigué je m’endors une heure. Comme le soleil est revenu je lis dehors quelques pages du journal de Virginia Woolf. Termine Clair de Lune de Breton.

La terre brille dans le ciel comme un
Astre énorme au milieu des étoiles.
Notre globe projette sur la lune un
Intense clair de terre.

Quelques pages de Vitruve. Sommeil étanche, plaque d’acier. Levé 8h00 environ. Je traîne encore un peu de fatigue. J’envie ceux qui se satisfont de 5h de sommeil pour une récupération complète. Julie vient me voir à midi, je fais quelques courses. Le ciel s’est dégagé mais le vent est fort et siffle dans les joins. J’enduis une toile de colle de peau. Je suis ici comme une huître accrochée à son rocher. Polissant continuellement en manière d’activité de ma langue mon palais. Par ce temps la lumière est blanche et froide. Pareille à ces photographies des Bescher. La bouture dans son pot a une élégance digitale. Les ombres de ses longues feuilles claires et translucides sur le mélaminé blanc (…). Julie arrive par le train de Paris. Je cache mal mes dents. Nous traversons la ville. Il faudrait pour cerner la vue passer au travers. Simon & Garfunkel, the boxer. Les tableaux sont comme les fenêtres éclairées à la façade d’un bâtiment la nuit. J’aime aller d’une pièce éclairée à une autre.

« Ce sont nos efforts pour saisir au passage tous les aspects de la vie qui la rendent si passionnément intéressante. » (Woolf) Led Zep, all my love. Je trouve en Woolf des échos à mon état des lieux. Mon projet Landscape(s), système en déploiement. Elle : La seule difficulté est de me retenir d’en écrire un autre. Mon « cul-de-sac », comme ils l’appellent, s’étend si loin et offre tant de possibilités.

Les tableaux sont trop frais pour y toucher ce soir. La pluie vide son sac de billes sur les pavés de la cour, se jette aux vitres. Je rase mon visage dans la glace petite qui ne me renvoi que des fragments ronds. Souffle les bougies. Me glisse silencieusement dans le lit défait. Cake, fashion nugget.

Nous marchons dans le parc où elle me montre du doigt les arbres dont je dois deviner l’essence. Je trouve un peu. Quelques spécimens sont énormes et majestueux, à la grâce rude des vénérables. Mais j’aime mieux les pins brûlés et suaves accrochés dans des tapis d’épines. Et me souviens de Ponge. Le bois de pin. Je crois avoir été influencé par Ponge, je me suis retrouvé dans sa manière d’épuiser les choses. Un quai de gare on s’embrasse, on se revoit bientôt. Chris Isaak, wiked game. La nuit a passé comme une amnésie, un point aveugle. Je lis Errance de Depardon. En plusieurs points je retrouve mes propres préoccupations. Chercher parfois sa juste distance avec les choses. Se trouver ni dans un camp ni dans l’autre mais dans un entre-deux précaire, à la quête de son endroit, de son lieu, sa place dans le monde, sa position face aux choses. Se frotter au réel. Marcher avant.

L’air est tiède. Je lis dans la cour, dans le dernier soleil, le champ des signes de Caillois. J’avance un peu un récent tableau. Agrémente mes pâtes d’une poêlée de légumes et lardons. Taquine du goulot une bière locale. J’achève Caillois comme on roule un bonbon dans sa bouche avec la rêverie douce amère des suppositions hasardées, l’invite au lyrisme des replis. Le ciel dégagé rend le jour plus long. C’est la luminosité parfaite pour regarder des tableaux ; étale. Je me suis rendormi presque une heure pour prolonger un rêve d’au moins une ou deux journées avec ses plages de temps qui glissent et ses trajets. Une de ces sortes de rêves à tiroirs. Nous étions comme des ethnologues oubliés dans un pays de sable avec des constructions dont je ne vois pas la forme entière et desquelles nous avions du mal à trouver les accès. Sans doute arrivés là à la suite d’une histoire que m’aurait raconté Yann dans un autre tiroir du rêve. (on les sait communicants) Il y avait des marches par volées ramassées et une pente dérobée que l’on ne vit qu’après malgré son évidence (on voyait bien la lumière qui désignait au bout l’entrée). Des paliers clos comme dans certaines traboules lyonnaises ou ces couloirs de cloîtres dans leur premier étage. Quelque chose de Piranèse dans des murs de sable et cette pente sans doute issue de la villa Savoye du Corbusier. Mais d’où venait qu’on y voyait ? Nous étions en plein jour. Et les murs étaient nus (pas d’ampoule, de bougie). La scène suivante se passe exclusivement à l’intérieur, dans les parties intimes, un salon de type marocain mais excessivement sobre. Pas de draps, de tentures et les murs dégagés. Je peux affirmer que nous sommes en hauteur, sans doute au sommet d’une petite tour de base carrée, dans ces salons pour les hommes qui font le dernier étage des habitations yéménites. Ensuite c’est une sorte de discussion en famille avec des inconnus. Il est question de religion, furtivement, et de je ne sais quoi d’autre. Je crois que ma mère parle avec ce couple local qui doit nous recevoir, un peu de la mort de son père, des choses comme ça. Au fond, hésite une cheminée badigeonnée de chaux. Discussion sans sujet, passablement ennuyeuse. Je suis d’ailleurs à peine là. J’hésite entre me réveiller car il est déjà tard, et connaître la suite. Me réveille à 6, 7 puis 7h52. Boucle mon sac et déjeune. Mâche debout comme souvent quelques biscottes. Il n’y a aucun bruit. Derrière les fenêtres la tête d’un arbuste balance et frissonne, un oiseau passe, comme si on avait coupé le son. J’ai un peu froid. Comme j’ai du temps je lis un entretien de Godard. Train de 10h06.

 

© Jérémy Liron