Led Zep, par accident

point de vue sur "Rock’n roll, un portrait de Led Zeppelin" chez Sébastien Rongier


« François Bon ne nous ment pas. Il ne nous raconte pas la légende dorée du rock’n roll. Il nous raconte comment se construisent ces légendes, sur quel fond de sacrifice. Moins la légende noire que les coulisses crasseuses de l’industrie culturelle du disque florissante. Car les trois livres Rolling Stones, une biographie (2002), Bob Dylan, une biographie (2007) et Rock’n roll un portrait de Led Zeppelin (2008) sont à la fois parcours dans une mémoire intime (celle de l’enfance et de l’adolescence), et parcours de la mémoire d’une société (la bascule du monde au milieu des années 60). Mais ces livres décrivent également très précisément les mécanismes et les pouvoirs de l’industrie culturelle : la massification, la réification, les transformations idéologiques et culturelles… Mais rien de théorique chez François Bon. Non. Il nous montre comment l’industrie culturelle travaille les corps de ces adolescents jetés dans l’aventure du rock’n roll. On se souvient du corps de Keith Richards, celui de Brian Jones, la silhouette de Dylan. Et ici, c’est Bonham qui porte les traces de cette machine qui broie ces jeunesses. Il serait trop simple de réduire l’équation à alcool, cocaïne, héroïne, de s’en tenir au slogan usé de sex, drug and rock’n roll. Ce que montre François Bon, c’est le poids des tournées, l’enfermement progressif dans un univers protégé et débarrassé de toute mesure, de toute forme d’interdit ou de barrière, et tout simplement une vie débarrassé du contact avec un réel extérieur. Ce qu’il montre, c’est la manière dont, invariablement, on s’y perd, on s’y noie… on en meurt. C’est la dimension tragique de ces récits. [...] Quand on referme le livre, la musique s’est suspendue dans les phrases de François Bon. Et soudain, se souvenir aussi des premières fois, la première fois que j’ai écouté lycéen Led Zep… l’album IV, un vinyle emprunté à la bibliothèque municipale. »

A lire chez Sébastien Rongier, surtout pour découvrir l’ensemble de sa rubrique Sur la table, journal de lecture par l’ami qui est quand même docteur en esthétique. Et puis commuter dans la rubrique Ce qui s’écrit, puisque le livre de Sébastien, Ce matin, paru chez Flammarion ce 21 janvier est disponible en librairie, avec accompagnement sur le site, et que c’est un livre qui dérange le dedans, entre accident de voiture d’Albert Camus revisité, et remontées routières de l’archéologie familiale vers les Sables d’Olonne. Et si l’enquête, chez Sébastien (lire extrait), celle qui fait réellement tenir ce livre, était une autre strate, plus secrète, mais celle précisément qui nous fait lire de cette façon : la littérature garde-t-elle une spécificité, une fonction irréductible, plus sauvage et corporelle, même pour qui pratique la théorie et la réflexion à ce niveau ?


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1ère mise en ligne et dernière modification le 25 janvier 2009
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