"un monde où tout un chacun peut se dire écrivain"

rapport Gaymard sur l’économie du livre – mais le livre sans les auteurs


... pour ceux qui veulent bien se laisser avoir ! On est en train, vous êtres en train d’écrire la société telle qu’elle sera demain. Nous ne sommes pas obligés de tomber dans tous les lieux communs que cette nouvelle société nous propose [...] La vraie question est finalement la suivante : est-ce que vous acceptez d’adhérer à la Mafia ou non ? Pour ma part, je crois qu’il vaut mieux mourir en disant « non » que mourir en disant « oui ».
Henri Causse, les éditions de Minuit, à propos du numérique, rapport Gaymard, p 308.

« 80 % du marché ne concerne pas la littérature » : donc on sait à quoi nous attendre. Dans Non-Fiction (merci LeClaviste !), compte rendu du rapport Gaymard sur l’économie du livre. Rien qui nous concerne directement, mais le PDF en téléchargement joint aux 115 pages du rapport 250 pages d’annexes à archiver, avec beaucoup de données parfois très techniques (décrets, pilon etc) et surtout toute une suite de transcriptions d’entretiens, dont des libraires (Tschann, Mollat), des éditeurs (en solo, comme S Wespieser ou tables rondes avec A Gallimard, S Eyrolles, F Esménard...), et autres acteurs. Hors Alain Absire, membre de la commission, et au nom de la SGDL (voir p 295-308 des annexes, rigoureux, précis, respect [1] – on notera d’ailleurs que c’est la seule audition pour laquelle H Gaymard ne s’est pas déplacé, gentil), AUCUN auteur ni écrivain : ça confine au mépris et à l’insulte. Où va leur grande condescendance (c’est à la p 100 sur les 114 pages du rapport que sont évoqués les auteurs) : « Enfin, les auteurs eux-mêmes sont fragilisés par ce double risque qui entraîne à plus ou moins long terme l’absence de repères pour le public, et privilégie un monde où
tout à chacun peut se dire écrivain
. » Voilà ce qu’est devenue, dans l’ère sarkozy du marché, la phrase de Lautréamont : « La poésie doit être faite par tous et non par un. » Ajoutons parmi les perles (ne pas pilonner, donner les nanars aux pauvres), p 107 la phrase : « ce texte est le fruit d’une approche consensuelle
et novatrice
 », vous avez deviné ? Hadopi bien sûr.

[1et palme de l’humour, voir ci-dessus, à Henri Causse en chevalier de l’anti-Internet comparé à la Mafia, rien moins. On l’a connu plus pertinent : des cours particuliers de rattrapage, cher Henri, compte tenu de l’ancienne complicité Minuit c’est volontiers, n’hésitez pas...


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1ère mise en ligne et dernière modification le 29 mars 2009
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