Jean-Yves Yagound | un chant acier

incursion photographique chez ArcelorMittal à Fos-sur-Mer


Malgré la prolifération et l’ancienneté d’un site comme celui-ci, et la façon dont il devient le principal du travail ou de son propre portrait d’artiste, des amitiés anciennes et profondes peuvent rester à l’écart, sans rien enlever au compagnonnage.

C’est le cas avec Jean-Yves Yagound, rencontré à Montpellier en 1993, quand nous commencions avec Michaël Glück et d’autres nos ateliers d’écriture. Jean-Yves avait une démarche similaire pour la vidéo, et nous nous sommes souvent croisés, avant même de proposer ensemble à FR3 Languedoc-Roussillon, en 1995, un atelier d’écriture filmé, Les filles de Mermoz avec les élèves d’un lycée professionnel de la ville. De Jean-Yves j’ai aussi appris concernant l’image, la rigueur, le portrait et l’entretien.

De Jean-Yves Yagound cinéaste, Mon premier souvenir en couleur, avec Nadine Vicenzi, 2005 :


Mon premier souvenir en couleur par fondationshoah

Hier, à Paris, il transfère de sa clé USB à mon MacAir 219 images d’une visite à l’aciérie ArcelorMittal de Fos-sur-Mer.

Chacun sait que l’acier meurt en France. Il y a une dizaine d’années, le groupe indien Mittal a racheté les usines Arcelor, ex Usinor. Le paysage déjà se raréfiait : plus rien que Florange dans toute la vallée de la Fensch, et aujourd’hui Florange ferme.

Florange comme Fos-sur-Mer, ce sont 2500 personnes qui se confrontent encore, au quotidien, sans arrêt, 24h sur 24 et 365 jours par an, à ce processus qui va du minerai entassé dans le haut-fourneau, puis la coulée, puis le blooming, enfin le laminoir qui propose le produit fini, le feuillard de tôle.

Confrontation ancestrale et symbolique de l’homme au feu, et à l’invention d’une matière non naturelle, l’acier. Il y a un siècle, il était partout dans notre quotidien. Il en reste bien peu, même dans nos automobiles. Mais la fin de la sidérurgie, c’est aussi la fin d’un symbole issu de la première constitution de l’homme comme tel.

Et une histoire encore à écrire. Les immigrations polonaises, italiennes, puis algériennes. Le nomadisme entre les 4 grandes implantations sidérurgiques que sont la Fensch (de Longwy au U4 d’Uckange), Dunkerque, Creil et don Fos-sur-Mer.

À Fos, l’usine est sur la mer. Passez voir sur Google Earth, cette imbrication de couleurs, et les cargos de minerai à quai. L’usine est une ville, du moins conditionne la ville qui s’est bâtie auprès. L’usine est une suite de métiers, de paroles, un sédiment de visages.

Du projet ruminé par Jean-Yves, il ne m’appartient pas de parler.

S’il peut être aussi un rendez-vous personnel – et je m’en suis souvent expliqué – c’est parce que mon été à Longwy, en 1974, a été une bascule déterminante dans mon propre chemin, par le choc esthétique qu’était l’aciérie qui m’employait comme intérimaire.

C’est ce choc esthétique premier que je retrouve dans les images copiées de la clé USB de Jean-Yves. Des 219, en voici 13. Pour moi, comme une autobiographie.

FB

merci à celui qui m’a fourni hier soir l’expression « un chant acier » – pas la première fois que je lui emprunte, mais des fois c’est réciproque ?!

 


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1ère mise en ligne 14 mars 2012 et dernière modification le 8 août 2012
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