à Polytechnique, le souffleur de verre

un vendredi soir, c’est un luxe de couloirs


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Finalement, de tous les lieux dépendants de la Défense nationale, partout en France, Polytechnique serait le plus librement ouvert.

Ça m’impressionnait un peu, ces deux après-midis, de m’y risquer comme ça, pour voir, renifler, photographier. Et puis quelques rencontres aussi, celles prévues, ou celles qui naissent justement parce qu’on est là, qu’on boit un Coca au petit bistrot après s’être fadé les 100 marches depuis le RER Lozère.

Alors pensez, un vendredi de fin d’après-midi et d’avant pont de Pentecôte, après très belle et longue discussion près du lac, le plaisir d’arpenter les couloirs à son gré. Avantage de ces campus avec de la place : chacun vaque, les portes sont ouvertes sur les couloirs, il y a encore du monde affairé, des jeunes têtes, une multitude de langues.

Le bâtiment en forme de X, en surplomb du lac taillé en bicorne, n’auraient pas prédisposé à ce sentiment de s’y sentir libre et tranquille.

Et dans le couloir chimie, cette armoire. Pas ce qui manque, les armoires avec trois choses bizarres exposées, en général on n’y comprend rien. Juste du verre, la transparence et la complexité du verre. Et puis, quand même, l’idée que cet objet-là, sur l’étagère du dessus, ne sert à rien. Là commence la notion d’art ? Bien sûr que non. Elle est aussi dans ce qui sert.

Alors on regarde à travers la porte. La pièce est vide. On est parfaitement indiscrets. Et il est parfaitement interdit de photographier.

Au-dessus de la porte, l’indication souffleur de verre. Affiché sur la porte, l’indication maître-verrier. Et sur la table, en arrière, de très longs tubes faits sur mesure pour les expériences de chimie, d’une transparence parfaite, et la beauté d’autant plus immédiate que la lumière les traverse, et non pas les pauvres vitrines de l’armoire.

Reviennent alors les vieux rêves de chimie, et même d’alchimie, transmutations, distillations, mystère des transparences et des processus avec incantation. Ici apparemment (laser basse pression à oscillateur) les recherches aussi sont optiques....

Dans cette résidence, le miracle principal : ces portes qui s’ouvrent, qui deviennent visages, puis densité, puis temps. Et je commence à croire que notre position de marcheur n’est pas inutile : des 3 chercheurs rencontrés ces 2 jours à Polytechnique, nous sommes la seule intersection. Le souffleur de verre acceptera-t-il que nous lui rendions visite ?

Bien l’impression, en compensation, qu’on pourrait faire ici hommage moins convenu que celui de sa propre école, à Jean-Michel Wierniezky, meilleur ouvrier de France.

 


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1ère mise en ligne et dernière modification le 25 mai 2012
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