004 | 47°22’56.64 N – 0°43’50.80 E

où les choses sérieuses commencent


 

 ceci est le 4ème rond-point visité, voir liste des précédents ;

 première visite ? voir la présentation générale du projet, qui inclut aussi des invitations et un journal ;

 état actuel du protocole : vues depuis le rond-point devenu chambre à photographier la ville (8 photos) ; vues du rond-point depuis son pourtour (3 photos) ; vue de l’intérieur du rond-point (3 photo) ; le Google Earth avec le rond-point dans son contexte (1 copie écran) ; vidéo lecture (1’20), 2 vidéos captation neutre (2’00 & 1’30) ; un livre enterré (voir protocole livres enterrés).

 en partenariat Pôle des arts urbains Saint-Pierre des Corps (pOlau) & Ciclic ;

 

journal de voyage


Les choses sérieuses commencent. D’abord parce que cela :

« Informatique Service Plus Adrexo Centre Informatique Perspective COBAB Compagnie Off Faiveley Transport Festo Frigicentre Cesbron Hoorman Idem Sérigraphie La Poste Lavrut Legallais Bouchard Mesnager Service Michel et Albert Touraine Escalade Pasquet Menuiseries Presse Portage Sodratans Rimbaud Samferme TCFL Touraine Peinture Automobie Direct Box Servicolis Signalis France Iso Confort 37 CPO Le Club de Sport Contrôle technique automobile Easy Sound Fantasia Jammet BV Flexibles Stenuit TopBike SN Tours Enseignes. »

C’est un poème. D’ailleurs il faudra que je revienne et que je le dise ici à voix haute. Il n’est pas inventé. C’est seulement d’avoir recopié les noms indiqués sur les 2 panneaux de repérage, côté est, côté sud.

En soi, cela détermine déjà des enjeux considérables. Pas seulement parce que le nom Rimbaud vient s’y glisser (rien à voir avec le poète). Mais déjà, parce que dans la liste des entreprises, au moins 2 concernent les nouveaux métiers de l’informatique. Mais aussi parce que, dans les hangars délaissés cause crise ou mutation ou ce qu’on veut, sont venus s’implanter un club de fitness et un club d’escalade : escalader l’intérieur des vieux murs d’usine est sans doute aussi un bon exercice pour les « grimpeurs » urbains qu’on croise dans nos écoles d’art. Et puis remarquer aussi 1 entreprise au moins liée à la production culturelle (Easy Sound) et la compagnie Off. Ceux qui connaissent se seront aperçus que j’en ai oublié un exprès : Point Haut puisque j’en suis tout proche, au bout de la rue. On va bientôt parler ensemble de ce projet – que je n’ai pas pu m’empêcher de commencer tout seul, histoire de faire les gammes, de trouver les formes – pour synergie avec le POLAU, l’enjeu d’un lieu voué aux arts urbains n’est-il pas aussi dans l’énoncé de ce tissu, ce qu’il implique de diversité, même si le soir à 18 heures tout se vide d’un coup ? Et pour moi petite leçon annexe : pas la même chose de savoir s’orienter dans ces rues en voiture, et d’être là planté à recopier les noms. Puis resté fasciné devant Stone Gallery, où sous le panneau « Livraison Tranches » on voit se débiter quart ou grès en plaques minces géantes.

Les choses sérieuses donc commencent parce qu’aussi, en tournant le dos à tout ça et regardant en diagonale, on est face aux immenses friches SNCF, part désertées, part occupées (la réfection de wagons par Socofer), part récupérées par le dépôt des bus de Saint-Pierre des Corps. On est dans le point de plus vieille tradition, avec trace de tous séismes et plaies (le père du poète Yves Bonnefoy combien de fois il a pris ce pont avec son vélo pour aller travailler ?).

Question vécue avec appréhension : le rond-point aura-t-il à dire de tout cela, ou ne produira-t-il qu’une manière banalisée de fuir, avec les signes normalisés de la ville ordinaire ?

Je n’ai pas la réponse, mais je peux essayer que cette page en soit la question. Je sais écrire sans démontrer – est-ce qu’on peut photographier sans distordre, démontrer, illustrer ? Le train de marchandise qui passe lentement sous le pont (dernière vidéo) représente cette continuité temporelle.

Le pont enjambe (voir Google Earth) la zone ferroviaire adjacente à la gare TGV. Quand on le traverse en voiture il n’en finit pas. Et la rue tombe droit sur ce rond-point, j’y suis aussi venu pour ça. Il y a dans Castaneda un chapitre vraiment troublant, où traverser un pont fait entrer dans un brouillard où change le statut de la réalité. On retrouve aussi cette symbolique dans le début du Château de Kafka. Bien souvent, à Montréal, dans le Queens, j’ai photographié de ces rues droites montant à l’assaut d’un pont en environnement urbain. Il peut y avoir de la fiction, là.

Sur Google Earth, hier soir, j’étais intrigué par une forme circulaire à l’intérieur du rond-point lui-même. En arrivant, déception, une végétation qui paraît presque infranchissable, agrémentée de cinq chevaux en fil de fer, sur le pourtour comme au manège. Devant la gare TGV il y a le culot (belle tradition des municipalités communistes ?) d’un beau Don Quichotte et Sancho en fil de fer aussi, je ne sais pas si c’est le même artiste. Ici c’est plus modeste. Et puis, en contournant à pied, la découverte d’un passage aménagé, et au milieu une pelouse avec des arbres.

Problématique à répétition : ce n’est pas pour les promeneurs (d’ailleurs, aucune trace de passage, ni une canette ni etc.), et si c’était juste pour les employés de la ville, il n’y aurait pas besoin d’en faire autant. La notion de paysage, pour ceux qui en ont la charge, vaut en elle-même, et non en fonction d’un usage. Effectivement, entre les arbres, une dépression circulaire, avec deux trappes de fonte en bas (puisage ?). C’est là que j’ai enterré le livre apporté, le quatrième.

Puis chez moi là comme dans un jardin. Fait mes photos, ma vidéo de lecture. Et constat aussi que c’est sans aucune hésitation intérieure.

 

éléments contingents et factuels


Je dois m’interroger plus sur cette idée de départ, en partie liée au travail de Jérôme Schlomoff, qui « met au noir » des bâtiments d’architecte, les transforme ainsi en gigantesque appareil sténopé, et fabrique l’image de ce que le bâtiment voit de la ville – exemple avec le pavillon Mies Van der Rohe de Barcelone. Mais ce qui compte est trop loin, ou pas dans le bon angle. Sur certains ronds-points ça peut marcher, mais là non. Comme le petit bonhomme orange du Google Street View, je dois m’approcher avec mon pied photo des éléments vus depuis le rond-point. Là, en installant ces 8 ou 9 photos des éléments urbains dans la rubrique ce que le rond-point voit de la ville, je n’ai pas la sensation de tricher. Mais cela casse quand même le rêve du rond-point coupole de planétarium, chambre d’enregistrement. Il faut jouer avec ça. Par contre, le rond-point étant surélevé, surélevant mon appareil à bout de bras, j’arrive à photographier les anciennes friches SNCF de l’autre côté du mur de béton. En voisinant les ronds-points, la ville perd toute hauteur. Hauteur qui reste pourtant à chaque instant un paramètre décisif dans l’énoncé visuel à construire – parce qu’ici on a supprimé le sol, sinon celui où roulent les voitures et camion qui me cernent ?

 

ce que le rond-point voit de la ville


 

le rond-point vu depuis ce qui l’entoure


 

intérieur du rond-point, Google Earth et vidéos


 

 

 

livre lu

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1ère mise en ligne et dernière modification le 18 septembre 2014
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