031 | 47°21’24.76 N – 0°38’38.51 E

la mer à Joué-les-Tours



 ceci est le 31ème rond-point visité, voir liste des précédents ;
 première visite ? voir la présentation générale du projet, qui inclut aussi des invitations et un journal ;
 état actuel du protocole : vues depuis le rond-point devenu chambre à photographier la ville (11 photos) ; vues du rond-point depuis son pourtour (2 photos) ; vue de l’intérieur du rond-point (3 photos) ; vue aérienne © mappy.com avec le rond-point dans son contexte (1 copie écran) ; vidéo lecture (7’20), vidéo captation neutre (0’40) ; un livre enterré (voir protocole livres enterrés) ;
 performances YouTube la littérature se crie dans les ronds-points ;
 en partenariat Pôle des arts urbains Saint-Pierre des Corps (pOlau) & Ciclic.

journal de voyage


Quelle ville, qui n’a pas directement rapport à la mer, ne la rejoue pas en miniature ? C’est encore plus bizarre – mais si fréquent – quand c’est une ville de mer qui s’amuse à fabriquer ce genre d’étang du dimanche. Ici, ce dimanche matin, le fond de l’air est frais mais le ciel vif et l’eau presque bleue.

C’est donc un étang de loisir, mais qui rejoue toutes les formes de loisirs de la mer. Je ne sais pas si c’est la symbolique de l’eau en tant que tel : on est au bord d’un grand fleuve, dont les bords sont aménagés en chemin piétonnier, et d’un de ses affluents, le Cher, qui permet aussi de belles ballades. Mais c’est ici qu’on vient faire de la voile.

Ce qui me surprend, puisque autant je suis passé souvent sur la rocade d’où on l’aperçoit, autant ont été rares les occasions d’aller voir quelqu’un de connaissance dans les maisons alentour (ça a pourtant été le cas : en 15 ans, où n’est-on pas passé dans la ville ?), c’est la façon dont ces lieux partout rejouent la même chose. Ça pourrait être, comme en maquette ou jouet, le front par quoi Chicago donne sur son lac. Ou la réduction de celui de Central Park, sauf qu’il n’y a pas New York autour. J’ai vu de tels endroits en Allemagne bien souvent, et même dans La ville vide, le livre de Berit Ellingsen que j’eus la chance de traduire il y a 2 ans, un lieu jumeau.

C’est dimanche. On vient faire son jogging. On pratique les étirements dès le parking. On vient avec les enfants, les vélos et trottinettes. Sur le haut, des jeux leur sont réservés. La différence avec l’Allemagne ou l’Amérique, c’est que là-bas on y aurait pratiqué une zone pour les chiens : ici, beaucoup de gens viennent faire prendre l’air à leurs canidés obèses, bloqués dans les appartements en semaine, et c’est dans l’herbe où courent les enfants qu’ils se soulagent, la France quoi.

Je marche le long de l’étang. Ils sont quatre pêcheurs, en trois tentes. Les tentes sont kaki, avec à l’intérieur des chaises de repos pliantes de haute technologie. Eux-mêmes les pêcheurs sont en tenue paramilitaire, et dessous des sweats à capuche, comme les gangsta de Cergy. Près des tentes, un arsenal de trois cannes sur reposoir inox, des épuisettes et d’autres choses plus mystérieuses. On a l’impression de violer leur univers, et pourtant il a les yeux tout clairs le jeune gars auquel je demande depuis combien de temps il est là. Réponse, et moi : – Il devait faire bigrement froid, à 6 heures du mat ? J’apprends que la veille il a pêché un très bel esturgeon. J’aurais cité des tas de noms de poissons avant celui-là. Alors il sort son téléphone, et me montre la photo : c’est bien lui, et l’esturgeon fait bien près de 80 cm. Il me parle des carpes : il y a paraît-il beaucoup de carpes là-dessous, dont une de 25 kilos qui a été pêchée plusieurs fois. Je me dis qu’elle doit en avoir un peu marre. Mais c’est lui, le jeune pêcheur, qui aura le dernier mot en me disant que l’an passé on a sorti de l’étang un silure de 2m17 : mais il est arrivé là comment, je demande ? Il n’y a quand même pas de voie aérienne ni maritime entre la Loire et l’étang... – Des gens, me répond-il évasiment. Puis : – On trouve toutes sortes de trucs là-dedans. Je me souviens, lors de la résidence Saclay, comment on m’avait expliqué que l’étang des Ulys, un autre de la famille de celui-ci, servait traditionnellement de dépôt à tous les animaux achetés dans les jardineries du Grand Paris, ou directement sur le web où on trouve de tout, lorsque le propriétaire s’en lassait.

Je demande au jeune pêcheur pourquoi s’installer ici en plein passage, quand l’étang propose plein d’endroits tranquilles : c’est à cause de cette piscine toute engrillagée, que je photographie ensuite. C’est ici que se réfugient toutes les carpes. Explication selon lui : l’été, les baigneurs laissent tomber « plein de bouffe » et elles se sentent à l’abri. Je me dis que s’il me venait à l’idée de me baigner à Joué-les-Tours, je ne laisserais pas mon pied au silure.

Je reste longtemps à marcher, faire quelques photos qui se ressembleront toutes. Je n’ai pas la réponse : on s’aménage une mer en minuscule, mais pour quoi faire, et à quel besoin exactement cela répond ?

Juste un peu d’horizon pour la ville, peut-être.

éléments contingents et factuels


C’est les escargots qui me travaillent. Je tenais à ce rond-point depuis un moment, en surplomb du petit lac, mais le temps était trop froid, trop venteux, trop gris ou pluvieux. Je savais que je lirais le début du Saint-Tropez de Nathalie Quintane, et pour ce qui est du livre enterré j’ai choisi un beau POL assorti aussi : Le vent d’Abbas Kiarostami. D’abord j’ai pensé à le glisser sous une des grosses pierres, mais je me suis écorché les mains sans parvenir à les déplacer. C’est alors que j’ai vu la petite plaque de ciment carré. Un éclairage inclus dans le sol est braqué sur cette espèce de mât à signaux, très maritime avec ses haubans. J’ai soulevé la plaque : dedans, c’était juste le raccordement des câbles pour l’éclairage. Elle était posée de travers, avec un jeu d’un bon centimètre. Alors j’ai posé mon livre au fond, c’est sec et ne suppose pas de visite, puis refermé la plaque, mais cette fois bien jointive. Je l’ai même calée d’un coup de pied. Or, dedans, j’ai bien remarqué les escargots. Comment sortiront-ils, maintenant que la plaque est remise en place ? Aurais-je dû tout d’abord les sortir et les déposer dans l’herbe ? Au risque qu’ils finissent sous une roue des nombreuses voitures sorties de la rocade, direction les zones résidentielles. Ça peut tenir combien, un escargot enfermé dans un lieu pareil, aussi longtemps que le livre que j’y ai déposé ?

ce que le rond-point voit de la ville


 

le rond-point vu depuis ce qui l’entoure


 

intérieur du rond-point, vue aérienne et vidéo d’ambiance


 

 


recevoir chez vous le livre lu

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1ère mise en ligne et dernière modification le 6 avril 2015
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