95 | Roissy, après nuit, avant train

tags : Roissy, Cergy, Israël, 2014


Ce texte est un fragment d’un travail en cours, amorcé le 20 décembre 2020 et devenu assez massif, mais non destiné à publication hors site (pour l’instant).

Le principe est d’aller par une phrase par lieu précis de remémoration, et d’établir la dominante sur la description même, si lacunaire qu’elle soit, du lieu — donc public, puisque bar, bistrot, resto — de la remémoration.

La rédaction ni la publication ne sont chronologiques, restent principalement textuelles, et la proposition de lecture s’appuie principalement sur la navigation par mots-clés depuis la page des index lieux, noms, dates.

Point régulier sur l’avancée de ce chantier dans le journal #Patreon.

 

95 | Roissy, après nuit, avant train


Et cette étudiante israélienne, bien avant que je me rende moi-même pour la première fois là-bas, et qui me soumettait des textes écrits en anglais, c’était à l’école d’arts Cergy et pour son diplôme elle érigerait dans la cour une cabane fortin (avant que ce soit la routine de voir chaque année s’ériger au temps des diplômes de telles cabanes) et la sienne si élaborée que deux ans après son départ elle survivait encore, je ne sais pas comment ils s’y sont pris pour finalement la raser mais évidemment que dans les discussion on fait un peu connaissance (moins que je n’aurais su le faire plus tard, justement ayant séjourné une fois dans son pays), par exemple je savais les jeunes là-bas astreints ) deux ans de service militaire : oui, elle avait fait ses deux ans de service, d’où l’écart d’âge avec ses camarades de promo, et même son frère y était en ce moment, dans l’armée, mais lui près de la frontière libanaise où c’était le moins confortable et elle, parce que fille, dans le désert, tout au bout du désert dans le Negev une station d’écoute de télécommunications, rien à faire, si peu à faire pendant deux ans mais le maniement d’armes, les exercices, l’uniforme et le temps qui ne passe pas bien sûr elle avait connu puis une fois, lors d’un de ces rendez-vous : I’ve to get my plane puisqu’elle comprenait mon français et moi son anglais, voire I’m gonna get my plane et c’est la semaine suivante que je lui demandais poliment mais comme on faisait là-bas, sans rien empiéter sur la vie de l’autre (on pouvait avoir des discussions très intenses sur un texte tout un mois d’affilée et ensuite pendant quatre mois c’est à peine si elle ou lui vous saluait) moi je lui demande si ça s’était bien passé son voyage et elle tout étonnée, quelque chose comme but where did I went et moi découvrant que son job d’étudiante c’était d’arriver le jeudi soir ou le vendredi au bureau El Al de Roissy et là on lui disait : –- Tu t’en vas à Cologne, à Francfort, à Rome, à Londres, à Madrid dans un grand dispatching permanent de personnel et de troc entre compagnies qui faisait qu’effectivement deux jours d’affilée ensuite elle faisait le même travail, parlant hébreu ou anglais puisqu’ayant principalement comme vis-à-vis des voyageurs repartant dans leur pays commun, revenait le dimanche soir ou le lundi n’ayant vu qu’une chambre d’hôtel pareille, qu’un guichet de compagnie d’aviation pareil et traité sur écran des dossiers similaires et moi j’y repense à cause de ces retours à Roissy, tu es parti, que tu sois parti de loin à l’est ou loin à l’ouest, de telle façon que ton avion s’était posé là le matin vers 7 h, qu’une fois de plus tu avais attendu devant le tapis roulant cahotant, au moteur grinçant dans l’ébranlement, que sorte enfin de l’œil noir ta valise comme tant d’autres mais avec un petit scotch rouge sur la poignée pour la reconnaître, puis avais remis ton téléphone en service, étais descendu à la salle TGV en sous-sol (ou non, c’était les trains qui étaient en sous-sol, mais c’était quand même un étage plus bas que les longs couloirs permettant l’échange entre les terminaux), avais pris ton billet mais tellement de courants d’airs là en bas que remonté à cette étage des couloirs et pris un double café une viennoiserie dans une de ces officines où on était cinq, dix ou quinze à se tenir à distance, renfoncés dans le froid qui vous prenait aux épaules si vous veniez de connaître météo plus clémente, dans les courbatures de la nuit sans sommeil et avec une heure ou comme ça à attendre, tout vide et sans rien à faire, sans qu’il soit rien possible de la tête à faire n’importe quoi sinon attendre, voilà pour les cafèts de Roissy Charles-de-Gaulle au matin après la nuit d’avion et avant le retour train.

 


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1ère mise en ligne et dernière modification le 10 janvier 2022
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