68 | Montparnasse tes hontes #2, brasseries intérieur gare

tags : Paris, Montparnasse


Ce texte est un fragment d’un travail en cours, amorcé le 20 décembre 2020 et non destiné à publication hors site (pour l’instant).

Le principe est d’aller par une phrase par lieu précis de remémoration, et d’établir la dominante sur la description même, si lacunaire qu’elle soit, du lieu — donc public, puisque bar, bistrot, resto — de la remémoration.

La rédaction ni la publication ne sont chronologiques, restent principalement textuelles, et la proposition de lecture s’appuie principalement sur la navigation par mots-clés depuis la page des index lieux, noms, dates.

Point régulier sur l’avancée de ce chantier dans le journal #Patreon.

 

68 | Montparnasse tes hontes, brasseries intérieur gare


Longtemps il y a eu deux brasseries dans l’enceinte de la gare Montparnasse, une côté quais et rue du Départ, une côté hall et rue de l’Arrivée (presque un miracle que ces appellations aient survécu, lors des premières visites dans l’enfance elles m’avaient paru si éminemment logiques), ce qu’il y a toujours eu de commun à ces deux établissements (des intérieurs dans un intérieur) c’est la maussaderie et le non-vouloir des gens, jamais longtemps les mêmes, au demeurant, qui y officiaient : vous faire attendre le plus longtemps possible, vous faire déménager à une autre table à leur plaisir, vous contraindre à venir encaisser leur paiement presque au moment où votre train va partir — celle dans le hall était la plus sinistre, toujours éclairée à demi, partie fausse terrasse dans le hall, partie en galerie vitrée au-dedans et c’était toujours les mêmes genres de personnes qu’on y croisait : un train loupé et deux heures à perdre, un transit qui tombe sur des heures creuses ou bien panne de train et vous devez veiller sur les infos qui seront données par les haut-parleurs, quand le train est annoncé c’est tout le resto qui se vide, on y mangeait des andouillettes mal cuites et des steaks refroidis, leurs collègues côté quai, mais à l’opposé des voies numérotées de 1 à 23 c’était plus de brassage et si vous vous attardiez trop à votre table on vous le faisait sentir enfin au moins pouvait-on s’asseoir quand la gare à cette époque ne proposait pas d’espace dédié, comme plus tard ce « salon grand voyageur » avec contrôle de carte à l’entrée et vue en surplomb sur le carrefour, plus prise de courant avant là aussi qu’on les généralise, le seul problème étant que tous les abonnés à la ligne bénéficiaient de la même carte, et s’ils étaient dans le commerce, l’administration ou les affaires s’imaginaient les prises, banquettes et journaux comme un service à eux personnellement dû, et tous leurs voisins de potentiels usurpateurs alors il fallait vraiment que ce soit quasi vide pour que j’y entre — ensuite ils ont aussi mis des sortes de tables ovales avec pédalier sous le tabouret pour que vous chargiez vous-même la prise USB de votre téléphone : les deux brasseries ont disparu maintenant que la gare est transformée en sorte de supermarché mi-luxe aux boutiques désertes, mais personne pour les regretter, elles et ils traînent leur bile où, serveuses et serveurs qui se vengeaient sur les clients provisoires de toute leur rancœur à un destin si mesquin.

 


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 23 janvier 2022
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