32 tonnes d’écrit : Duras et le Camion

retour sur Marguerite Duras en chauffeur de littérature poids lourd


Merci à Simona Crippa pour l’impulsion initiale de ce texte.

Italiques : réponses de Marguerite Duras à Michelle Porte, Le camion, Les éditions de Minuit, 1977.

 

32 tonnes d’écrit, Duras et le Camion


Dans le film, le camion transporte cette masse-là. Tout l’écrit du monde.

Le mythe est ici : on prend tout, on prend le risque que tout soit embarqué là. Quoi, l’écrit. L’écrit du monde : tout ce qui a été écrit au monde. Mais : tout ce en quoi le monde s’est constitué comme écriture, qu’on l’ait écrit ou non. Tout ça dans un camion. Le camion porte trente-deux tonnes, elle le dit aussi : tout l’écrit du monde pèse trente-deux tonnes et c’est tout. L’écrit est masse : ici on a le film, le camion, le monde, l’écrit mais pas d’auteur – l’écrit est dans le camion, le camion transporte la masse de l’écrit, il l’emporte où ? Peut-être jusqu’à l’auteur, qui de masse en refait de l’écrit, l’écrit du monde, mais vif.

Ç’aurait été un film.

Je lis, donc c’est. Je lis un livre, le livre dit que c’est un film. Je lis ce qui me dit être un film. Je vois un film à travers ce que je me bâtis depuis le livre. Le film consiste en un texte lu : deux personnes face à face lisent un texte. Découvrent ce texte en le lisant (l’un des deux protagonistes, en tout cas).

Ç’aurait été un film. C’est un film.

C’est un film, puisque je l’ai vu. Je me souviens du film : lisant le livre, je n’imagine pas le film qu’il raconte, je me souviens du film. J’ai vu le film avant de lire le livre. Le film est partiellement un livre, puisque texte lu, celui qui sera dans le livre, et les images dont je me souviens, celles que résument les didascalies du livre. Stérilité de la didascalie, écartant de la littérature toute tentative de scénario : le camion traverse le réel, on enregistre ce réel comme image et mouvement. La didascalie qui suppose le camion n’informe pas de l’image ni du mouvement. Auteurs indissolubles dans le cinéma : la didascalie de Duras (ou Koltès, qui commence à écrire au même moment précisément) comme combat contre le scénario, pour une énonciation qui vaille en soi.

Du moment que je dis que ç’aurait été un film, c’est un film ?

Fascination à Duras en ce qu’elle avance des tautologies, et travaille sans les déborder l’intérieur même de ces tautologies. On commence par le conditionnel, le conditionnel établit le pacte de fiction. Le pacte de fiction établi, le conditionnel saute (ç’aurait). Mais nous, on s’est déplacé dans l’énonciation, on a glissé au deuxième volet (c’est), et puis elle ramène de force le pacte dans l’énoncé même, se réinstaurant comme l’auteure, celle qui décide : du moment que je dis que. Répertoire à établir des tautologies de Duras : Ce village s’appelle Vauville. Le département c’est le Calvados./ (blanc) / Vauville/ C’est là. C’est le mot sur le panonceau. Trois fois c’est.

Le film a été fait dans une chambre fermée, c’est-à-dire rideaux tirés, lampes électriques éclairées, c’est-à-dire dans le noir. [...] Le lieu où on parle, je l’appelle chambre noire. Je dis : chambre de lecture ou chambre noire.

Le texte Écrire est écrit en nous comme luminescent sur toutes les parois internes de nos crânes. On ne le réciterait pas, on ne saurait pas, mais si on le lisait avec un mot déplacé, on s’en apercevrait aussitôt. Indécision : l’entretien filmé par Benoît Jacquot, est-ce le même texte ? Je n’ai jamais comparé. Quand je revisionne le film, j’entends Écrire, totalement et en chaque point. Duras est dans mon présent : je saute les chronologies. Les lieux (Trouville pour L’été 80, L’amour, L’homme Atlantique, ou Neauphle pour Écrire ou Le camion) priment sur l’étalement des dates. Duras parle écrit dans sa maison de Neauphle : la maison est un livre, puisque dite dans Écrire. Parler dans la maison de Neauphle, c’est parler dans l’intérieur du livre qu’est Écrire. Dans Écrire, ce moment où on installe la table à écrire au centre de la salle à vivre du rez-de-chaussée, face jardin. J’ai toujours entendu le film de Benoît Jacquot dans ce dispositif : pourtant, plan fixe avec mains nouées qui nerveusement se crispent, à jardin la fenêtre sur jardin (mais indistinct), à cour le plan coupé du piano droit (elle n’en joue pas), derrière son fauteuil le radiateur sous fenêtre (c’était chez tout le monde, ces radiateurs sans fenêtre), et pas du tout le texte Écrire, même pas la mouche. Jusqu’à aujourd’hui, j’ai toujours placé les plans lecture du Camion devant la même fenêtre, à la même table. Non, la table ronde du Camion n’est pas dans Écrire, ni le jardin derrière la vitre. On est reparti là-haut dans une chambre, probablement un énorme mais énorme projo dehors pour frapper sur le rideau tiré, deux lampes allumées avec abat-jour à contre des deux protagonistes, et puis le Camion (1977) c’est seize ans avant Écrire (1993). Sauf qu’elle nous dit : lampes électriques éclairées, c’est-à-dire dans le noir, alors que dans le monument intérieur et faux que je m’étais bâti, c’est le réel qui est le monde mis au noir, et ici, la parole et la lecture un jour, un jour qui porte jusqu’à nous.

Je ne vais pas tourner le film. Je vais le raconter.

On dit toujours tourner, tournage, en 1977, ce n’est pas encore une métaphore, en 35 ou en Super-16 on dévide derrière l’objectif des bobines de pellicule. Mais le verbe désigne la partie mécanique du processus. On dirait plus facilement aujourd’hui, tout simplement : filmer, qui inclut la préparation du cadre, des lumières, le décor et le réel. Mais elle dit raconter, et c’est pour la totalité du geste : « raconter » ce n’est pas ce que fait Duras, sur la table ronde, avec Depardieu -– puisqu’ils se font filmer lisant, et pour Depardieu, lisant pour la première fois ; et ce n’est pas ce que fait Duras, dans ce plan hallucinant où le Saviem bleu passe devant le parking de l’usine où attendent, flambants neufs et brillants et géométriques comme des tombes, les centaines de cabines identiques de ses congénères. Raconter, c’est se filmer lisant, puis définissant le cadre où avance le camion. Tout ce qui n’entre pas dans le raconter, ce serait justement l’histoire, celle de la femme, celle qui va constituer le film comme histoire. On raconte pour que le film vous saisisse par le dos, on raconte pour s’empêcher le film, et c’est la condition pour qu’il soit.

Et ce film que je ne ferais pas, quand j’en parle, il contient les autres films. C’est ce que j’ai découvert.

Le film qu’on nie, ce n’est pas le film qu’on voit. Le film qu’on nie, il n’a pas été fait. Le film dont on dispose, c’est ce j’en parle, ce raconter. Point, fin de la phrase, autre phrase : c’est ce que j’ai découvert. Ce que vous enseigne un travail et qui n’existe pas au préalable, se constitue rétrospectivement, comme dans ce début de la Prisonnière, où Proust installe Balzac découvrant rétrospectivement la construction de la Comédie humaine. Ce qu’on découvre ouvrant alors à nouvelle tautologie : film qui contient les autres films, comme un livre serait tous les livres. Mais c’est dans la temporalité même du raconter du quand j’en parle. Entrer en rapport avec la matérialité (les trente-deux tonnes du camion transportant tout l’écrit du monde) des films vus comme totalité (quoi de plus indéfini ici que l’article défini, les) justement parce qu’on a annulé que le film se tourne, le livre s’écrive ?

On m’a dit : qu’elle fasse des scénarios, qu’elle écrive des livres, mais qu’elle ne se mêle plus de faire des images, elle ne sait pas.

De la légitimité. De ce qu’on ne tient que de soi. De ce qu’on doit apprendre à franchir comme ne tenir que de soi. Qu’il n’y aura jamais légitimité. Sinon ruse, tromperie, combine. Jouer par les bords, par les angles. Démonter. Quatre ans après Le camion, filmer la page d’un livre publié, qui est édition d’une pièce de théâtre, puis le lieu, les deux personnages, installer le non-temps dans plans, puis la voix off qui raconte. Un anti-camion, ou le camion à l’envers. Le pluriel du mot lectures remonté dans le titre, quand dans le Camion c’est l’écrit que dans la lourde remorque on porte – ce qu’échangent les personnages est collé en avant, en surplomb dans l’étroite cabine plus large qu’eux mais sans profondeur, pour mieux vous assigner entre l’écrit toutes portes fermées derrière, et le paysage devant (ou de profil, ou le camion filmé depuis le paysage qu’il abandonne à mesure qu’il le traverse, ou vue de face caméra derrière pare-brise : Depardieu a-t-il eu le droit une fois de venir voir le camion qu’il est censé conduire ?).

Tout s’est tourné entre Trappes et Plaisir. Tous ces immeubles mortuaires.

La trappe, et le plaisir. C’est idiot : l’onomastique est balayée. Ne compte que la ville. La ville mythe : Césarée est d’abord nom de ville. L’affrontement mythe : la ville est figure, elle est le masque mortuaire de ce qu’on a manqué. Alors rien d’autre que rouler, et c’est de Trappes à Plaisir pourquoi ? Parce que c’est comme ça.

Dans la zone industrielle de Plaisir, de nuit, bleu, on dirait de l’eau, je le vois comme dans un plan sous-marin. C’est lieu de l’absolue platitude, un lieu mortel, qu’est Plaisir, les Yvelines.

Suivre le camion sur Google Street View, remonter l’horloge (oh non, ça s’arrête bien avant l’âge du film) : constante présence de piétons-fourmis avec sacs et pochons dans ces ronds-points à l’approche du Auchan Plaisir. L’enseigne du Auchan Plaisir la même (quoique les Google Cars ne filment jamais la nuit). Palie vive sur la planète, les étendues bitumées des hypermarchés, la taille des ronds-points pour zones de consommation au rabais. On est dans l’état zéro de ce qui nous a donné l’illusion de civilisation : art ici ? Quand la nuit dresse les enseignes et que vient un reflet bleu. C’est nous qui rêvons de mer à l’homme ici écrasé, émietté, asservi.

C’est à partir de ce lieu qu’elle invente sa vie chaque jour pour la première fois.

Mythe : Io, courant autour de la Méditerranée, et ce bref face à face dans le Prométhée d’Eschyle, Io tirée dans son incessant mouvement, et le dévoré voleur de feu assigné là dans son immobilité – rupture dans le langage, bien avant même l’idée de théâtre, qu’un langage déchiré puisse, nous avalant, nous rendre à l’ouvert et à la nuit de nous-mêmes. Accessoirement, la folie d’emblée écartée : si elle s’est évadée de l’asile psychiatrique, c’est que l’asile s’est symétriquement évadé du texte-film, du livre-film, de la voix-texte. Elle invente sa vie parce qu’elle en recommence le récit : il faut pour cela détacher préalablement l’amarre au monde –- c’est Io.

Il y a des gens dans la lande.

Lisant cette phrase je pense toujours au Lear de Shakespeare. On voit quoi ? La lande qu’on s’invente, heure, latitude, couleur à votre gré, juste une abstraction. Des gens ? Il y a toujours, chez Saenredam ou même chez Bosch et tant d’autres, ou même en remontant loin l’origine, dans notre besoin de faire image le geste de graver ou peindre figure anthropomorphe.

C’est ce geste-origine que dit la phrase.

Un jour sort, là, devant nous, évidemment méconnaissable, et recouvre le papier blanc. Le papier blanc est celui de l’écriture manuscrite. Dans le film on a deux exemplaires dactylographiés, mais rien qui nous dise leur amont. Ce qui est dactylographié est bien sûr fait de mots, syntaxes, sens, peut-être Depardieu, qui le découvre, n’est-il convoqué que pour l’expérience même de cet étonnement, ce qui reste opaque en amont des signes et lettres dont on fait phrase lue. C’est ce mot méconnaissable qui ici dérange : l’écriture déployée pour qu’advienne le méconnaissable, et c’est nous-mêmes.

On oublie quatre-vingt-dix pour cent des choses de la vie, on deviendrait fou, on mourrait si on avait présent en mémoire tout le temps vécu.

On deviendrait fou : la question du fou totalement ramenée à nous-mêmes, et pas à celle qu’on présente telle.

Chaque soir elle arrête une auto et elle raconte sa vie à qui se trouve là, chaque soir pour la première fois, elle est plus ou moins écoutée, mais peu lui importe.

Arrêter, le geste d’arrêter, de lever le bras pour arrêter, et puis la parole commence : elle se représente à l’identique, pour quiconque lit le livre ou regarde le film. Ce qui prélude au livre, au film, au théâtre, est un geste d’avant parole, qui la lie au seul instant du partage. Étrange et profonde coïncidence encore avec La nuit juste avant les forêts, de Bernard-Marie Koltès, premier livre et non pas combat d’une vie pour soulager le livre, et pourtant la même année, avant qu’ils se rejoignent chez le même éditeur. Et puis ce peu lui importe. Lisant le livre, regardant le film, faire place aussi en nous au peu importe. Que cette instance tragique puisse venir de Sophocle, dommage que Michèle Porte, qui entraîne là Duras, au point que l’entretien est publié à même le livre, comme étant le livre lui-même, ne lui ait pas ouvert ce gouffre-là.

Ça m’arrive à moi aussi, ça m’arrive beaucoup, beaucoup de fois, je parle avec les gens dans les trains, les avions, je fais la conversation avec les gens dans les épiceries, les garages, dans les cafés, etc.

Peut-être c’est à cause de ça, dans tous ces mêmes lieux, que je l’aperçois encore et si souvent, même fantôme, Marguerite Duras, ou bien que devant sa tombe (enterrée avec ses lunettes ou pas, je ne l’ai jamais su), on vient toutes et tous si régulièrement lui faire conversation (jamais déposé de Bic bleu, je n’écris jamais avec Bic bleu).

Il n’y a pas que la femme du camion, qui est déclassée. Le film est déclassé.

Art déclassé, littérature déclassée. À contre de toute histoire, à contre de tout prestige. C’est à nos mains aujourd’hui de hisser Duras à ce seul niveau de l’art et de la littérature, celui de l’absolu. Hisser au plus haut une littérature qui s’est constituée telle en s’imposant de se construire déclassée. Les répercussions que ça prend sur vous, sur nous.

Les dix millions de la Gaumont, je m’en fous.

Et la croire.

Que le monde aille à sa perte, c’est la seule politique.

Et le savoir (incroyable place de la gadgèterie politique, si obsolète qu’elle nous paraisse, dans l’échange Michèle Porte et Marguerite Duras).

Quand Baudelaire parle des amants, du désir, il est au plus fort du souffle révolutionnaire.

Archéologie à faire de ce qui a fabriqué Duras, dans cette nudité de son atelier du dire. Beckett on retrouve si aisément Dante, ou Proust, ou Joyce, ou Rimbaud. Elle, rien -– puis soudain ici Baudelaire. De Trouville à Honfleur, elle a souvent dû faire le chemin : connaissait-elle cet unique portrait de la mère de Baudelaire, indistincte et minuscule sur l’image, devant la porte de leur maison de Honfleur ? Ensuite devenue hôpital, puis morgue. S’est-elle arrêtée un jour, avec Yann Andréa au volant, devant l’ancien emplacement où Baudelaire pris souffle ? Après tout, si tout l’écrit est dans le camion, Baudelaire aussi : un de ces mannequins pour vitrine de magasin, vêtu comme Baudelaire, dans l’arrière du camion ? Va savoir, si elle dit ça.

Je peux dire aussi que les mains des ouvriers qui portent sur eux les stigmates obscènes du travail, je n’ai pour elles aucun respect, de même que je n’ai aucun respect pour le travail ouvrier, aucun.

Tu parles.

C’est identique à ses yeux fermés. Elle, elle voit à partir de ses yeux fermés. L’intolérable du monde, elle le voit encore plus si elle ferme les yeux, et moi, le camion, je le vois encore plus si je ne le vois pas.

Comme si, soudain, Duras qui nous prenait à partie, dans le silence du lire : –- Ferme les yeux. Tu vois quoi, à partir de tes yeux fermés ? Alors cherche-le, l’intolérable. L’intolérable du monde. Moi, je vois. Toi, tu vois quoi ?

C’est une joie nouvelle : on croit plus rien.

L’élision du ne comme trou où se constitue la preuve du croire tué. Croire c’est se tuer.

Elle n’est plus représentée : il n’y a pas de représentation.

Et toute cette œuvre pour cela. Et l’écran noir de L’homme Atlantique, et les tautologie que déploie L’amour sans rien d’autre que son propre énoncé remâché. Et remalaxer le livre en théâtre, le théâtre en film, puis finalement la mouche écrasée. Non mais, Duras dans une librairie, dans une bibliothèque : quand il n’y a que ça sur les murs. Ce qui représente, ce qui est histoire. Duras se brûlant, détruire dit-elle, justement parce que ne jamais en finir, quand on regarde arrière, avec ce qui représente : l’amant ennemi dans le film de Resnais, n’en jamais finir d’éraser ce trop. Et qu’il fallait pour cela ce camion.

On a une sorte de logement en soi d’ombre, où tout va, où l’intégralité du vécu s’amasse, s’entasse.

Qu’une phrase ainsi oralement se dise, et plus question de modifier quoi que ce soit à l’entretien Porte et Duras, le retirer du geste-livre même s’il n’appartient pas au geste-film.

Elle m’est complètement fraternelle, la femme du camion [...] La liberté est traité comme la folie dans la société.

Quand Duras continue de croire, même si juste un peu, pour tenir.

Je m’interdisais toute sauvagerie.

Et la preuve permanente du contraire : sauvagerie d’un camion comme mille camions traversant lentement les ronds-points d’une zone comme mille zones. Sauvagerie : les deux tapuscrits lus dans la chambre-studio si soigneusement composée, les histoires éclatées et qui ne se rejoindront pas. Le camion dont on n’ouvrira jamais la remorque (les trains des camps, combien de fois dans ces mêmes zones où on roule, le tombeau de migrants qui y étouffent).

Les phoques et l’homme, c’est pareil.

Bon, on va tenter de comprendre. La ouate ou l’homme, les phoques.

Ce que j’attends toujours, c’est ça, d’être débordée par mon propre travail.

De temps en temps elle se glisse entre toi et ce que tu lis, presque un clin d’œil de connivence, avant qu’elle disparaisse encore plus vite : non mais, quand même, tu ne me crois pas, quand je dis ça, hein ? Tu as bien compris que c’était ça, mon art et mon génie, la masse de mon travail, hein ? Tu n’y croyais quand même pas, que ça tombait tout cru là dans la machine à écrire, hein ? Et toi, c’est quoi, qui te déborde – tu construis quoi, pour que ça te déborde ? Mais non, le temps qu’on prépare sa réponse elle est partie. À jamais. Nous reste le camion.

Ce sera un peu comme si la mort n’existait pas.

Plan de fin. Nuit tombée. Rideau paradoxalement enfin ouvert : arbres dans la nuit. Mais le projecteur est resté, on l’a tourné à l’oblique et baissé en intensité, apparaît l’envers du tournage, la porte-fenêtre et le jardin. On n’a plus, au même endroit, qu’à attendre seize ans, et on fera Écrire. Liberté de Duras, liberté intérieure : sa liberté est absolue (puisque langage).

 


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 12 janvier 2024
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