005 | 47°25’00.57 N – 0°26’29.77 E

le tour de Tours en 80 ronds-points, guest artist Charles de Gaulle


 

 ceci est le 5ème rond-point visité, voir liste des précédents ;

 première visite ? voir la présentation générale du projet, qui inclut aussi des invitations et un journal ;

 état actuel du protocole : vues depuis le rond-point devenu chambre à photographier la ville (4 photos) ; vues du rond-point depuis son pourtour (3 photos) ; vue de l’intérieur du rond-point (3 photo) ; vue aérienne © Mappy avec le contexte (1 copie écran) ; vidéo lecture (2’10), vidéo captation neutre (1’40) ; un livre enterré (voir protocole livres enterrés) ;

 en partenariat Pôle des arts urbains Saint-Pierre des Corps (pOlau) & Ciclic ;

 

journal de voyage


C’est un rond-point récent, à preuve qu’il ne figure ni sur la dernière vue satellitaire de Google Earth (2009) ni sur celle de Mappy (2011, nettement meilleure en qualité). Et pourtant il nous semble si ancien, tellement ancré dans le paysage.

Pourquoi. C’est une route importante. L’ancienne route du Mans. Il y a encore quelques années, tout un assemblage d’artisans, de cours, de gros bouquets grumeleux de baraques qu’on a vu une par une les pelleteuses assaillir. La route est passée à 4 voies, on lui a aménagé des pistes cyclables, on y a planté des arbres, c’est irréprochable. Pourtant, de chaque côté, l’urbanisme de Saint-Cyr sur Loire c’est de planter comme par hélicoptères des gros cubes de logements résidentiels tous pareils, même architecte, même promoteur, un urbanisme par progression de carrés, sans rien d’autre pour faire ville. Cela se complète, au bout (on ira bientôt) par un hypermarché, par une allée seigneuriale de marchands de voiture et tout ce genre de services collectifs – même un funéraire avec chambres de levée de corps à prix de gros –, et il est admis les gens qui y travaillent ne vivent pas dans ces résidences-là. Bizarrement, c’est là aussi, dans cette zone, qu’ils ont implanté Pôle Emploi, comme si de rendre ça le plus inaccessible possible était déjà un atout contre l’envahissement du chômage.

L’autre élément qui fait de ce rond-point un lieu nodal, c’est l’usine SKF, de loin la plus grande de la ville, et dans les 3 plus grosses de l’agglomération. Il y a encore 10 ans c’était 2500 personnes, en double poste. Maintenant presque encore la moitié. N’empêche que le parking est 2 fois trop grand. Usine moderne, avec son propre gymnase et stage, une chaufferie d’avant-garde, un self en terrasse. J’ai travaillé à l’usine SKF de Fontenay-le-Comte, autrefois (elle a été fermée par le groupe suédois), je sais comme à l’intérieur cette précision c’est magnifique. Ici je ne suis jamais entré, mais j’ai connu en tant que parents d’élèves plusieurs personnes qui y travaillent. Dans l’obsolescence programmée de l’électro-ménager, on ne se préoccupe plus de changer les roulements à bille, il y en a pourtant dans chacun de nos robots ou machines. Des camions entrent, sortent, l’usine dans le tissu urbain est une bulle étanche et propre.

Dans l’angle, le bistrot plat-du-jour a tenu. Je lui ai connu plusieurs enseignes, le dernier, pizzeria donc, tient bon. Pourtant, sur la zone ont proliféré aussi les buffets chinois et autres usines à faire manger ceux qui travaillent et n’ont pas de cantine.

Ce qui m’a surpris, dans l’hommage à De Gaulle (Saint-Cyr sur Loire n’est pas une municipalité spécialement de gauche), c’est de reprendre cette image iconique du dernier exil, sur une plage d’Irlande en 1969. Isolé sur ce tas d’ardoise, dans lequel on a inséré une allée avec des dalles en escalier comme dans les anciens lieux rituels de culte. Qui monte à cet autel, cerné par la circulation ? De Gaulle après 68 sur le pays devenu tas de ruines, c’est ça le symbole ?

Je suis venu ce dimanche matin au lever du jour, pour être tranquille avec lui. De Gaulle n’a jamais eu trop de chance avec la statuaire, que ce soit son buste à Québec ou celui qui surplombe la sortie de métro sur les Champs-Élysées. Alors ici, entre brouillard et pluie, sur son île redoublée du tas d’ardoises, il est bien triste, et qui donc le regarde, à la sortie de l’usine.

J’ai apporté un texte que j’admire, ces conversations entre De Gaulle et Malraux, sous la neige, à Colombey, face au cimetière, en 1969 aussi. Juste une page, mais de Malraux. Avec un chat et une morte.

 

éléments contingents et factuels


L’urbanisme sans service, façon Saint-Cyr sur Loire, avec blocs interéchangeables, a pour condition de se faire invisible (dit plus exactement : les arbres servent à occulter la norme – mais il suffit de regarder la vue aérienne, même un peu ancienne, pour la voir apparaître comme aux rayons X), à moins de passer pour un de ces « immeubles à l’horizontale » comme les nommait Ernst Bloch. Se concentrer donc sur le rapport du bronze, son tas d’ardoises, et les avenues. Les statues équestres de Louis XIV (celle de Montpellier après le massacre des Protestants est exemplaire) donnent à la fois l’échelle des bâtiments et l’axe de la perspective. Ici, de Gaulle tourne le dos à une des rues, et ne jette aucun oeil à l’avenue, comme s’il voulait à tout prix se concentrer sur ce que cachaient les rideaux de salle de bain de la petite maison années 70 provisoirement survivante. Ça aussi, l’orientation de travers, c’est un choix qui m’a étonné, dans un geste artistique plus que conventionnel. Mais bon, ils n’avaient peut-être pas approfondi. Les deux ronds-points les plus proches (on ira voir) sont équipés d’un cheval géant et d’une plume taille humaine sous prétexte qu’Anatole France a habité pas loin. De Gaulle n’est donc qu’un élément parmi d’autres dans la panoplie de la culture logo, entre cheval et stylo. Pour enterrer le livre, c’était impeccable, juste à le glisser profond entre les ardoises. Par contre, en retirant la main, plein de toiles d’araignées, brouark.

 

ce que le rond-point voit de la ville


 

le rond-point vu depuis ce qui l’entoure


 

intérieur du rond-point, Google Earth et vidéo


 

 

livre lu

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1ère mise en ligne et dernière modification le 21 septembre 2014
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