23 | tes trois jours à Blois c’était l’époque

tags : Blois, 1976


Ce texte est un fragment d’un travail en cours, amorcé le 20 décembre 2020 et devenu assez massif, mais non destiné à publication hors site (pour l’instant).

Le principe est d’aller par une phrase par lieu précis de remémoration, et d’établir la dominante sur la description même, si lacunaire qu’elle soit, du lieu — donc public, puisque bar, bistrot, resto — de la remémoration.

La rédaction ni la publication ne sont chronologiques, restent principalement textuelles, et la proposition de lecture s’appuie principalement sur la navigation par mots-clés depuis la page des index lieux, noms, dates.

Point régulier sur l’avancée de ce chantier dans le journal #Patreon.

 

23 | tes trois jours à Blois c’était l’époque


Attente en halls de gare, liste des gares que tu connais, on ne la fera pas : intérieurement elle aide, guide — dire l’année : intérieurement une mise en ordre, signifiante ou pas ici, on veillera à l’économie, si après tout c’est justement la simultanéité au présent, le lacunaire dans le présent qui justifie qu’on se lance, ainsi donc ce qu’on nommait « les trois jours » (en fait déjà seulement deux, et quand tu emmènerais tes propres enfants à la base aérienne en haut de la ville plus rien que de vagues tests et des films à la gloire de l’armée et ses métiers), n’empêche qu’en descendant du train à Blois (tu viens d’Angers, tout près pas loin) tu grimpes dans un camion militaire avec bancs en long sur le plateau à ridelles sous bâche mais enfant tu avais un modèle Dinky Toys à bâche rigide amovible exactement du même modèle alors tu ne sais plus dans le souvenir si l’image vient du Dinky Toys ou bien de la curiosité à se retrouver dans un véhicule militaire pour de vrai mais il te reste quoi, ou du moins, quoi qui puisse rejoindre les pièces décousues que tu installes une à une sur l’étendue grise du toi chrysalide : peut-être justement le soir, et avoir retrouvé un gars de la prépa Arts et Métiers, mais qui lui n’était pas interne : Froger, un gars maigre à lents cheveux, parole lente, rare mais opiniâtre, et qu’on s’entendait bien, qu’on avait même dû faire équipe pour certains rendus en binôme, le souvenir incongru aussi qu’à son admission au concours, bien moins inattendue que la tienne, il s’était offert (ou l’aide de parents pourtant Froger certainement milieu modeste et plus que modeste) une moto 125 et qu’il t’en avait fait faire un tour, étais-tu jamais sinon monté sur une moto, et donc Froger par surprise retrouvé, lui aussi avait été réformé : les exercices qu’on te faisait faire et l’attention que tu portais à surtout ne pas en faire trop, les mensurations et les mises en rang et surtout ne pas se mettre en avant, surtout pas jouer les grandes gueules comme si souvent des années ce serait ta marque avant de découvrir ou convenir que ça ne tenait qu’à ton malaise des situations à plusieurs et bâtir progressivement ton retrait, là où l’Internet deviendrait ta maison mais à l’époque on ne savait même pas encore ce qu’était un ordinateur, les cartes Fortran ce serait l’année suivante à Bordeaux (épingle), à peine deux ans qu’on était dotés de ces calculatrices Hewlett Packard à piles avec affiche numérique mais là dans les tests de calcul qu’on te faisait faire on n’en aurait pas eu besoin, le tableau de mesure de la vue quand ça faisait trois nuits que tu t’abrutissais de café pour ne plus rien y voir, la radio de l’ancienne luxation de l’épaule en kayak et déjà devenue récurrente (épingle) aurait de toute façon déjà probablement suffit, surtout ne pas parler ne pas répondre, ne pas lancer de ces plaisanteries idiotes qui valent connivence, mais le soir, avant ce dortoir à lits superposés qui te laissent un vague souvenir comme des compartiments de trains de nuit (et on s’était collé dans le même box avec Froger), le repas dans une cantine dont pas de souvenirs, écouter les conversations, la surprise que tous ces gars — ce n’était pas mixte — aient le même âge que toi au moi près et qu’on ait tant de dissemblances, que ces dissemblances et ces états soient si massivement perceptibles, un temps dans un genre de foyer avec baby-foot, le reste tu ne vois simplement pas, est-ce qu’on pouvait acheter un soda est-ce que même on l’avait fait rien qui reste rien mais au moins le prétexte pour en parler ici.

 


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1ère mise en ligne et dernière modification le 10 janvier 2022
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