disposition spatiale
saltimbanques

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ou un autreTumulte au hasard  : maintenance

C'est une impasse, dit l'acteur (il revient du fond de la scène). J'ai regardé, c'est un mur, au fond, et rien sur les côtés. Du ciment, lisse, très haut, rien à faire, dit l'acteur. On s'imagine toujours être dans une impasse, dit l'actrice, face public, au proche. Parfois c'est seulement dans la tête : on ne voit pas la solution, et pour le sol que vous avez sous les pieds, ce n'est pas celui qui convient. J'ai vraiment palpé les bords, dit l'acteur. Le premier mur il y a une chicane, on passe la chicane, c'est une allée. Par dessus les murs de ciment on ne voit rien, ce qu'il y a de l'autre côté je ne sais pas. Je suis allé au bout, peut-être je me disais il y aura une autre chicane. Non, rien, c'est lisse. Quelqu'un, demande l'actrice. Ils sont partis, dit l'acteur. Il y a des traces. On le sent bien, quand des gens sont passés. Il y a une porte de métal sur le côté, au bout, mais là fermée. J'ai regardé par la serrure, de l'autre côté une cour, avec encore des murs, les mêmes. C'est dans la tête, dit l'actrice. Tu as considéré toutes les solutions. Repartir d'où on vient, on ne veut pas. Et puis même, ça ne marcherait pas. On voudrait rebrousser chemin, on ne retrouverait personne : les autres aussi ont suivi leur route. Alors on est là, on essaye de faire le point, de visualiser en somme : qui on est, où aller, et ce qu'on cherche. Ce serait une ville, dit l'acteur, on apercevrait quelque chose, par dessus les murs ? Ce serait une enfilade, un labyrinthe, un truc fait exprès, on trouverait la solution : il nous a fallu combien de cours, d'enfilades, de portes de métal et chicanes pour que je vous trouve, vous, ici, qui attendez ? Moi je ne veux pas me laisser faire. On reste sur place en fait, dit l'actrice. Votre paysage mental est riche, fait de visages, de fenêtres et de lieux. Vous prenez habitude, vous continuez votre vie, et puis il vous semble que la ville et les autres s'éloignent. Pour vous, toujours là, au même endroit, mais cette fatigue, oui, parfois. Et les autres, lentement, comme si grandissait le chemin qu'il y avait à faire, vers la ville, vers les visages, pour faire les courses les plus simples, même, ou l'appel que vous lancez. Vous voulez dire qu'il y aurait là un téléphone ? Peut-être rien que cela, une distension, un espace plus large, et forcément les objets, les choses : dépouillées. Si c'est une impasse, en remontant par là on trouverait une bifurcation ? Je vous laisse (il part). Rien n'a bifurqué jamais, si vous êtes fidèle à quelques voix, et si peu de visages ; chacun les connaît bien, en soi-même. Et puis le ciel s'était fait plus blanc, et tendu comme une toile. Et puis le sol, sous les pieds, oui, bombé. Dans cette période-là j'avais avancé. Moi aussi je suis allée voir, là-bas, au bout, la porte de fer. Dans la serrure, on aperçoit une autre cour pareille, et des murs encore. J'ai repensé, à moi-même, et à ce temps où cheminer vers les autres devenait plus lointain, plus large. On a cette fidélité au dedans de soi-même, voilà. ----
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François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
1ère mise en ligne et dernière modification le 28 juin 2005
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