on en avait fait trop c’est sûr
du feuilleton concernant la grippe aviaire

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ou un autreTumulte au hasard  : substance

Des bruits fous couraient. La maladie viendrait par les oiseaux. On guettait les symptômes tout autour du monde, un lent mouvement enveloppant se dessinait qui se dirigeait lentement vers nous tous. On nous montrait des images, des migrateurs effectivement morts là-bas, quelque part très loin sur la rive d'un estuaire ou d'un lac dont le nom inconnu et étrange devenait lui aussi une preuve du mal à courir. On nous montrait des gens masqués, dans des combinaisons vertes, tenant des appareils, et là était encore une preuve du danger. Cela surgirait par l'air et le ciel, on n'y pouvait rien. On offrirait en sacrifice les poules et canards, mais dans l'industrie qu'on en tenait, avec les usines à tuer, les camions frigorifiques, les élevages aveugles, n'avions-nous pas nous-mêmes fourni matériau à sourde vengeance : est-ce que simplement nous n'en avions pas fait trop ? C'est ce qu'on nous laissait entendre. La maladie ne touchait pas les hommes, à moins que vous-mêmes vous ayez à couper le cou à vos poulets, mais dans notre société on les prenait déjà emballés sous plastique au congélateur : l'idée de maladie, oui, était plutôt dans ce que condamnait les images, et nous-mêmes devant les images. Tout cela pouvait soudain basculer dans l'ombre la plus opaque, pressentait-on. Les vieux fléaux qui avaient balayé la terre, au temps des villes de briques cuites, des villes à remparts et créneaux, des trains de déportation, tout cela revenait par où même on était devenus si dépendant : mangeant les poulets emballés de plastique, nous saturant quoi qu'on fasse d'images avec des oiseaux morts. Ce soir, quand ils se rassemblaient sur la ville, on aurait dit qu'elles le savaient, les bestioles, et qu'elles tournoyaient pour cela. Ce soir on aurait dit que tout cela n'avait jamais été si proche, en fait.

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François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
1ère mise en ligne et dernière modification le 15 octobre 2005
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