sans porte ni fenêtre et vide
ce que je sais de la ville

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ou un autreTumulte au hasard  : toujours se contractant

Je venais une fois par mois. Il m'arrive d'y venir encore. Le lieu est désert, mais pas complètement. On trouve encore : un gardien à l'entrée (avec appareil distributeur de boisson, et toilettes en état, il vous remet une clé de salle moyennant dépôt d'une pièce d'identité), une salle de cinéma désaffectée au sous-sol (elle devient humide, les fauteuils depuis si longtemps repliés, et fascinante la cabine de projection une machine morte), un bar avec cantine tout en haut, décoration vieux bois imitation bateau. L'ancienne bibliothèque: vide. Les lieux d'informatique et réseau: vides. Les vitrines par contre entretenues, ou restées dans l'état de cet ancien savoir, qu'on voulait scruter là. A chaque étage, un très long couloir. J'ai compté : par couloir, facilement trente pièces vides. Salles de réunions. Bureaux avec moquette évidemment défraîchie. Salles d'attente, juste des sas devant les plus beaux bureaux, mais on y a laissé, plutôt que les embarquer, un portemanteau, un fauteuil en cuir défoncé, une plante verte que telle bonne âme doit quand même arroser même si la lumière n'est plus ici qu'artificielle et intermittente. Reste quand même, au second étage, quatre bureaux occupés, et une photocopieuse. Je les ai bien souvent photographiés. Cette activité dans ce vide. Pourquoi je me sens si étrangement bien dans ce bâtiment. Quand ils travaillent, je marche, je vais au fond des couloirs, je descends dans ces anciennes salles d'archives, sans porte ni fenêtre, et vides. Je lis d'anciens papiers. Je photographie ce qu'on aperçoit des fenêtres : la ville s'illumine dans la nuit. Je prends un café au distributeur, là où est le gardien. Je passe lentement devant ces bureaux où les secrétaires semblent plutôt occupées à se relier par téléphone à la vie familiale, à la ville : à quoi travaillerait-on encore, dans ce désert ? La ville regorge de lieux ainsi vides. J'en ai dénombré plusieurs, tout aussi lourds, compliqués, avec les notes de service, les couloirs.

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François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
1ère mise en ligne et dernière modification le 19 février 2006
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