contamination probable de la ville
de la manipulation des foetus de chauve-souris à l'automne

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ou un autreTumulte au hasard  : expression

J'ai visité la maison des Brontë à Haworth. C'est un petit village dans des collines. C'est boisé. Plus loin les landes sont nues et mauves. La rue qui mène au presbytère est minuscule et rien n'y a changé. Un peu plus loin est le cimetière. Le cimetière en élévation par rapport au village. Pendant des générations, les eaux de pluie filtrant sur les morts ont contaminé les puits où on buvait. On n'a jamais compris, pendant des décennies et peut-être un siècle, pourquoi à Hartford on mourait si jeune. C'était présent, dans ce rêve. Dans le rêve lui-même, il y avait cette figure récurrente d'un sous-sol, et dans le sous-sol un puits ou une trappe, on pouvait y descendre et là, par un couvercle qu'on avait dévissé, étaient des eaux souterraines. C'était pire que cela : non pas des eaux, mais bien la décomposition liquide des morts. C'est que nous habitons près d'un fleuve. Il fallait refermer cela, il fallait réparer. Je sais pertinemment à quels dérisoires éléments du jour cela fait référence. Il restait cette sensation, qui se poursuivait dans les autres rêves, comme si toujours au-dessous de ce qu'on traversait, au-dessous d'où on marchait il y avait cette nappe liquide et noire qui venait de nos morts. Donc la ville n'avait plus d'eau potable. On avait diffusé des messages d'alerte, on avait organisé des distributions d'eau potable. Mais la première crue du fleuve mêlerait tout cela : il s'agissait d'une contamination directe du sol, des caves et bientôt peut-être du mur des maisons, du sol spongieux où nous marchions et roulions, par cette lourde nappe noire. Le pétrole des voitures lui-même est bien une énergie organique fossile. Dans l'insomnie, la suite des figures que serait ce texte était très claire. Mais il manquait une clé, un élément : sinon, je me serais levé pour l'écrire de suite. Je me donnais des aides mnémotechniques. D'abord, la maison des Brontë à Haworth et ce cimetière responsable du décès prématuré de tant d'autres avec eux. Et puis cette figure du sous-sol avec la palpitation sombre de cette nappe liquide proche, menaçante, qui montait. Enfin, la ville qui s'organisait pour vivre sans eau, une ville mise au sec, mais dans le sentiment évident que ce ne serait que provisoire, qu'il faudrait fuir mais où. C'est cette idée de contamination possible qui était étrange. Dans ces éléments diurnes qu'on peut associer rétrospectivement à de tels rêves, il y a l'inondation due à machine à laver déficiente, et que je suis un piètre bricoleur. Il y a des textes de Georges Hyvernaud sur les morts dans un camp de concentration ({le corps des morts a déjà rejoint le monde de pierre}) dans un disque de Serge Teyssot-Gay, plein son dans la voiture pour un bref aller-retour à Poitiers : musicien maître, vraiment, Sergio. Il y a cette contamination d'un fleuve chinois la semaine passée par une nappe de produit chimique, et que près de quatre millions de personnes ont été alimentés avec l'eau en bouteille, mais dans un grand déficit d'information sur ce qui s'est passé réellement. Il y a un article lu sur le virus Ebola : il se reproduit hébergé par telle variété de chauve-souris, on venait de le démontrer. L'article disait : {sous l'aile des chauve-souris} et moi je voyais vraiment cela comme une grappe de virus sous l'aisselle. A l'automne, en fin de saison sèche, disait l'article, les chauve-souris s'abattent par millions sur les arbres fruitiers, là elles mettent bas, perdent leurs placentas et des fœtus. Pourquoi je me souviens par cœur d'une phrase comme on en lit tant : {les singes curieux s'approchent et les manipulent}. A cause de l'adjectif {curieux}, à cause du verbe {manipulent} ? Le virus s'en prend aux singes. J'en suis au même point que cette nuit dans l'insomnie : un instant, avait paru très claire la démarche de ce texte qui aurait pu être une histoire fantastique brève, que je sentais menaçante : sous la ville, cette nappe liquide et sombre remontait par les caves et les puisards, au-dessus on continuait quand même à vivre, tout en se défiant de tout contact liquide, boisson, douches, même les mains on se les lavait avec des produits secs. On aurait voulu partir mais pour aller où, si c'est là que sont notre travail et notre maison ? Je repense à cette phrase de Georges Hyvernaud presque chuchotée par Sergio avec Fender saturée : {le corps des morts a déjà rejoint le monde de pierre} : l'ordre des morts a de toujours été pour moi l'ordre liquide. Chaque jour on constatait les progrès de la nappe sombre, et le grossissement du fleuve. Et qu'il s'agissait de {mes} morts. ---- - Serge Teyssot-Gay, à propos de son album [Georges Hyvernaud->http://www.chez.com/hobiben/sergio/sergio-newsmag.htm] et site [Serge Teyssot-Gay->http://www.sergeteyssot-gay.com/]

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François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
1ère mise en ligne et dernière modification le 9 décembre 2005
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