taxe sur les chiens et droits voisins
mesures concernant ce qu'on dit la société civile [vers 2]

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ou un autreTumulte au hasard  : substance

[version 2]
C'était venu lorsqu'on avait promulgué cet impôt pour chiens. Beaucoup avaient préféré abandonné leur chien plutôt que payer. Et difficile d'échapper à la taxe : une visite au vétérinaire, un contrôle dans la rue, l'achat même de nourriture pour chiens pouvait provoquer un contrôle. Rappelez-vous ; on avait évoqué aussi une licence globale, un peu comme la télévision indexée sur la taxe d'habitation, et tant pis pour ceux qui préféraient se priver de télévision -- luxe qui valait bien le partage égal de cette taxe. Donc on avait dit : tout le monde ou presque possède un chien, que tout le monde paye pour les chiens, et tant pis pour qui n'en avait pas. On n'avait pas retenu la licence globale, mais promulgué cet impôt. Ceux qui avaient plusieurs chiens avaient demandé quelque chose comme un tarif dégressif, les discussions avaient pris du temps. Et ceux qui recueillaient ces animaux abandonnés, ils seraient astreints à la nouvelle taxe, ou pouvait-on imaginer qu'au contraire elle leur profiterait, pour les décharger d'une part de leurs nouveaux frais ? Dans ces mois d'hiver (la nouvelle loi était entrée en application dans l'hiver), les camions affrétés par les villes s'occupaient du ramassage des chiens errants. Ils avaient faim, la tâche n'était pas si compliquée. Des installations d'abattage laissées vacantes depuis la fameuse grippe et l'abandon des volailles avaient été remises en service pour s'en débarrasser. Proprement, insistait-on. Sans douleur, sans fumées ni toxines. Tout cela à la professionnelle. Il en restait quand même, des chiens. Ceux qui résistaient aux taxes. Les chiens élevés dans les caves, pour les combats du samedi soir. C'est les paris autour de ces combats, et l'argent qui circulait-là, que l'instauration de cette taxe aurait dû enrayer, et raté. Au contraire. On disait que même les vétérinaires désormais contribuaient à fournir à leurs clients les animaux non déclarés, et que se procurer les chiots importés par camions hors vaccination, hors comptabilité, et payés d'une liasse d'argent liquide plutôt que dans les animaleries de bords de ville, qui avaient fermé pour plusieurs, n'avait que si peu réduit la proportion globale des chiens dans les appartements, les maisons, les lotissements des villes, où ils gardaient les maigres pelouses. Donc une opération ratée : la France restait le pays où il se consommait autant de viande pour la seule consommation animale que, par exemple, l'Espagne n'en utilisait pour ses habitants. De cette taxe sur la possession de chien, on avait escompté améliorer la propreté des villes : les gens sortaient moins leurs animaux, les emmenaient dans des lieux moins fréquentés. Mais le problème demeurait comme une spécialité nationale, une marque de reconnaissance. On avait escompté de cette loi pour la sécurité des enfants : tout avait commencé lorsque cette femme s'était fait greffer un visage, son visage à elle dévoré quatre mois plus tôt par son propre animal. Et combien d'enfants défigurés à l'œil ou la bouche (les chiens mordent toujours à l'œil ou la bouche), pas forcément de ces chiens de combat dont on avait en vain, pendant des années auparavant, tâché de convaincre les propriétaires qu'ils auraient à les châtrer. Les chiens dressés au combat, dans les quartiers déshérités, avaient d'autant proliféré qu'ils étaient devenus possession clandestine, symbolique. L'argent mis sur les paris, pour les combats de chiens du samedi soir, avait encore grossi. Cuand était venue discussion de cette loi sur la possession des chiens et droits voisins, la Belgique venait d'interdire, après les oreilles, qu'on coupe et brûle la queue des chiens pour des seuls critères d'une esthétique arbitrairement proclamée (la Belgique venait d'avoir ce courage, fin décembre 2005), il y avait de quoi un peu rire. Oui, en France, on brûlait encore les oreilles, on coupait encore la queue pour n'en laisser qu'un tronçon, ça faisait {race}. On avait lu deux ou trois entrefilets dans les journaux: cela semblait une décision tellement de peu, dans la barbarie globale du monde. Peut-être qu'un jour ici aussi ce serait mal vu, la queue coupée, et que les vétérinaires préféraient éviter de vous facturer l'intervention, vous dissuadaient même de l'accomplir, on savait l'adresse dans les cités d'officile qui vous faisaient ça pour trente euros, et dans quelques vitrines de tatoueurs (les magasins de tatouage et piercing voyaient ces temps-ci leur clientèle s'amoindrir, après avoir tant proliféré), on les apercevait en trophée, les queues, pour indiquer qu'on faisait ça ici pour trente euros. Etranges assemblages que ces queues de chiens en bouquet dans leur vitrine. On avait justifié cette taxe pour la possession des chiens en argauant qu'un tiers en serait reversé à des établissements de protection de l'enfance: les enfants étaient les premiers à souffrir des morsures. D'autant plus graves qu'ils étaient à hauteur de l'animal. Mais les associations de propriétaires avaint réclamé qu'une part strictement égale (un principe "démocratique" prétendaient-ils, ce qui distordait quand même largement le concept) aux associations de protection canine, et à l'aménagement d'espaces réservés aux chiens, espaces verts comme chez nos voisins allemands, cimetières d'animaux, arènes pour les joutes et le dressage. On ne sait toujours pas, trois ans après l'établissement de la taxe, cette fameuse licence globale, et ce qu'on a nommé taxe sur la possession de chien et droits voisins, combien elle rapporte, qui la paye, où vont les profits. Et que ça n'a rien changé quant aux chiens.

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François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
1ère mise en ligne et dernière modification le 21 février 2006
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