que surveillait-on vraiment ?
de la prolifération des écrans de surveillance

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ou un autreTumulte au hasard  : encore ces images

Dans cette ville, on avait préféré rendre peu à peu les écrans plus discrets. Ceux qui travaillaient était abrités de vitres mal translucides, et accédaient aux cabines de contrôle par des couloirs réservés. Tout cela on l'avait jugé nécessaire. On avait pensé au début qu'un de ces grands immeubles inoccupés (on avait tellement bâti pour des bureaux, bien trop de bureaux, préparé bien trop d'étudiants à toutes ces tâches d'administration, d'économie, de sociologie et statistiques, de droit : non, pas besoin d'eux, entretenir des systèmes de régie vidéo, voilà les professions qu'il leur aurait mieux valu choisir), ces immeubles massifs à destination aussi opaque que leurs vitres, aux portes d'entrée gardées, abritait quelque part un système centralisé pour ces caméras qui proliféraient. On vous avertissait, dans les stations-service, dans les galeries commerçantes, aux carrefours même, qu'un enregistrement vidéo était en place. Les systèmes électroniques d'archivages aussi s'étaient améliorés, on pouvait remonter la vie d'un carrefour, d'un guichet de distribution bancaire, d'une rue piétonne et sans doute d'une bonne partie des lieux de travail, à un mois de distance. Non, les progrès électronique avaient disséminé aussi les automates de surveillance. Il fallait la nuit, une vitre mal éclairée, le tremblotement bleu d'un écran, pour deviner leur présence tout auprès, et qu'une silhouette était là : on ne leur en voulait pas à eux personnellement. Trouver du travail était difficile, précaire. Et si cela leur permettait, à ces nuits de veille devant des écrans vides, ou seulement affectés du mouvement ordinaire de la ville, de préparer un examen, ou simplement assurer leur toit et leur indépendance. Reste que les danseurs de la nuit s'en moquaient, des écrans. Ils étaient trop mobiles, et les visages trop flous. On reconnaissait les chiens. Souvent, juste fixes sur l'écran, les portes grandes ouvertes sur la nuit de la ville.

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François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
1ère mise en ligne et dernière modification le 20 février 2006
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