où mènent les rues exactement
à savoir même si elles dessinent la ville

retour sommaire
ou un autreTumulte au hasard  : poids

Les rues dans cette ville avaient dû être percées, si c'était dans les vieux quartiers dont parfois restaient des poches de maisons noires, ou établies, si on les avait d'abord goudronnées avant d'y construire, pour vous guider d'un point à l'autre de la ville. Simplement, peut-être que le nombre de points avait grandi plus vite que le nombre des rues. Ou que les usages s'étaient multipliés, faisait qu'on organisait son parcours dans la ville sans autre but que parcourir ces rues elles-mêmes, leurs boutiques ou bien la façon qu'elles avaient prise de se spécialiser, rue pour manger, rue pour se vêtir, coin des instruments de musique ou quartier des antiquaires, même à échelle d'une ville comme la nôtre, loin d'être grande comme Rome. Et selon aussi à qui vous rendiez visite, ou quelle chambre vous aviez pu louer. Où menaient désormais les rues de la ville, sinon à elles-mêmes ? On pouvait s'y perdre, et bien sûr ce n'était pas si désagréable. On gardait incertitude sur le chemin à prendre, tant mieux si cela vous aidait à découvrir un autre point de vue, une autre ambiance. Et puisque la ville était en relief, un tunnel parfois imprévu vous faisait basculer en quelques mètres ou dizaines de mètres dans un autre quartier, pour lequel, si vous aviez souhaité vous rendre, vous auriez fait un long détour. Mais ces tunnels étaient rares, et en général réservés aux véhicules de secours, aux véhicules de police, parfois aux seuls transports publics. La ville se défaisait comme une autre, les quartiers neufs s'imbriquaient dans les vieux, et les lotissements et cités se greffaient dans les quartiers neufs, on avait rajouté des rocades pour rejoindre les centres commerciaux, les zones d'entrepôt. Ici ce n'est plus au hasard qu'on roulait, et rares ceux qui prétendaient s'y risquer en piéton. Alors où allaient, au bout de la ville, les rues où on aimait se perdre en son centre ? Un livre était sorti sous forme d'un guide : une fois en marchant le plus droit possible vers l'ouest ou le nord, une autre fois en suivant cette rivière aménagée qu'on apercevait dans le parc, une autre fois en établissant la description des différents terminaux des lignes d'autobus. J'avais aimé ce livre, l'avais prêté puis perdu. Maintenant, cinq ou dix ans après, devrait-on le refaire ? J'y pensais lorsqu'on m'avait emmené, la semaine dernière, en pleine zone industrielle, à ce bâtiment comme les autres, exactement semblable à ses voisins, mais réservé aux danseurs : on avait donc pensé, en établissant les rues de la ville, qu'une et une seule devait amener là, où danser dans un bâtiment vaste serait possible ?

LES MOTS-CLÉS :

François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
1ère mise en ligne et dernière modification le 21 mars 2006
merci aux 404 visiteurs qui ont consacré 1 minute au moins à cette page