de l’importance de parler ou pas
dialogue avec inconnu [version 2]

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ou un autreTumulte au hasard  : substance

Parce que je voulais des personnages, des conversations qui surgiraient, comme cela, tout au long. J'improvisais des duos. J'étais l'un des personnages : qui serait l'autre ? C'est un face à face. Je lui demande de me dire. Ça commence comme un jeu. Lui à son tour me demande de dire. Je lui dis que ce n'est pas mon rôle, dans ce travail, ici. Puis que parler ne sert pas. Qu'on croit, mais. -- Pourquoi tu m'as fait venir, alors? Je dis qu'il y a cette curiosité du corps dans la parole. L'attitude de qui cherche. Que le sens de ce à quoi on appelle n'est pas forcément dans les mots. Que la situation m'importe plus et puis allez, on essaye. Il me dit que c'est alors dresser devant soi un mur et que si tu retournes, encore un mur. Un mur en cercle, qui t'entoure, ne pas parler. Et puis il commente : -- Ça te va, c'est ça que tu veux ? Moi je vois ça comme ça. Si tu ne parles pas, autour de toi, rien que des murs. Naîtraient ainsi des images, l'idée de labyrinthe, pour moi présente. Et de là créer des perspectives, des fuites. -- On est coincés, de toute façon, il a ajouté. Je lui dis : -- Pourtant tu prends le train, et si souvent, et puis : -- Avec ta voiture tu vas ici, tu vas. Et encore : -- Je t'ai vu hier au soir dans la ville, tu marchais. J'imaginais un gros plan sur le personnage de dos. Puis qu'il tournerait lentement le visage. C'est comme dans un rêve. Un acteur que je connaîtrais, bien repérable (Gaël Baron, je l'ai reconnu, un gars pourtant vraiment gentil), mais peut-être pas tout à fait lui, juste qui lui ressemble, un inconnu. Il me dit : -- Alors tu emportes le mur avec toi. Le mur à l'intérieur de toi. Dans ta tête. Je lui dis qu'il ne m'a pas répondu, que c'est trop facile, de dire cela. Il me dit que ce n'est pas cela, parler. Qu'avant je devrais m'ouvrir un peu plus. Que les filles le savent, cela : elles se racontent. Et puis qu'il ne comprend ce que je veux de lui : si on travaille, je dois bien définir, moi, les directions, les mots ? Je lui ai dit qu'il fallait apprendre à se taire. Que si on laisse le silence s'installer, elles sont là, les hontes, les peurs, que c'est une tâche difficile, mais d'un enjeu tellement plus considérable que les histoires de coucherie, les petits secrets, les souvenirs. -- Mais l'autre, dit-il, les autres. -- S'ils aiment le silence aussi, j'ai dit. -- N'importe, c'est des murs, il m'a répondu. J'ai dit que d'accord, je lui en donnerais, des histoires. -- Mais tu les aimes bien, tes murs, dedans, il a insisté. Il commençait presque à m'énerver, Gaël Baron.
1ère version mai 2005, révision pour publication (fiction n° 13), merci à Gaël Baron pour contribution involontaire.

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François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
1ère mise en ligne et dernière modification le 22 avril 2006
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