
Oui elle refuse de lire Balzac parce qu’il le lui a ordonné, un ordre sec qui n’attend aucune réponse, pas une phrase construite, pas une suite logique de mots ouverts mots du quotidien, les mots de tout les jours, les mots des pauvres gens, Ne rentre pas tard ce soir surtout ne prend pas froid ceux qui font chanter l’écriture la rendent visible sensible lisible attirante provocante aimante qui construisent l’imaginaire, une compagne de route, un endroit secret qui rend la vie plus supportable, elle est ce rapport charnel au langage celui de la jouissance, du rire, des pleurs, des arrachements de toutes les émotions de la palette humaine. Oui un ordre sec cassant. Oui sans appel. Oui il utilise des mots façonnés par la sècheresse désertique de sa vie, sans un soupçon de poésie, sans un sourire dans la diction , sans comprendre la prière de l’âme. Il ne connait pas d’autres mots. Oui, il donne un ordre de supérieur a troufion qui doit la fermer, exécuter. Il n’explique pas, n’incite pas, n’encourage pas, il gueule
– Oui tu dois, tu entends.
Il gueule et le son des mots éructés la gifle. Oui elle entend mais n’écoute pas.
Il n’aime pas ce qu’elle écrit, il le lui dit,
– Je ne comprends pas ton écriture errante, ta stylistique absente, ton orthographe limite, tu oses bafouer la littérature française avec tes phrases sans verbe, ou un seul au milieu d’un texte sans ponctuation sans aucune linéarité tes phrases sont trop courtes ou trop longues, incohérentes.
Oui elle ose, elle est affamée de mots aux tonalites différentes. Oui elle ose avec ses mots fêlés, fracassés écrire la vie rêves et cauchemars enlaces, oui ses phrases sont sans alibi libres parce que les mots la brulent ils l’enivrent ils sont sa terre nourricière, elle n’en aura jamais d’autre, elle le sait, ils sont existentiels vitaux, sans leur parler, elle disparait. Il continue
-Tu es un non sens dans le paysage litteraire, oui tu es un Vautrin sans ambition, sans talent, sans ruse, sans volonté d’ascension sociale.
Elle n’écoute toujours pas.
Oui c’est totalement absurde de ne pas lire la Comédie humaine, de ne pas rencontrer le Maître des maitres, le cœur de la littérature française, le roi des Belles Lettres, refus d’une rebelle révoltée butée, fermée a toutes espérances. Oui, elle lira malgré tout le convenu, ce qui se lit de la Comédie humaine au lycée dans la collection poche, livres désormais éraflées pliés tâchés par le poids traîné de son refus apeuré.
– Oui je suis la prêtresse bafouée mais je dis la vérité.
Réécriture libre inspirée par Cassandre. Eschyle L’Orestie.
Je n’ai qu’un mot
Bravo pour cette belle rébellion !
Balzac vous aurait serrée dans ses bras…
Lui qui écrivit ce joli petit roman indocile La Vendetta
Et vraiment, la référence à Eschyle – splendide !
On sent bien le basculement oui après le premier mouvement du refus non.
Merci beaucoup Cécile. Cette consigne n’était pas aussi simple que je le croyais.
Bon après midi.